mardi 14 mars 2006
Déambulation.
J'ai cru compendre que l'on me reprochait parfois de vivre entouré de mes livres, dans, pour reprendre une image plus commune, une sorte de tour d'ivoire. Why not ! Encore une fois, il me faut donc dire que les paysages que j'y entrevois, les chemins de traverse qui me font passer de la douceur d'un morne à un autre, sont effectivement parmis les plus beaux.
(...) voici l'ensemble de mes tout premiers souvenirs, ceux qui sont le plus près de la source originelle, vers ce contre-néant. Ainsi, l'état nébuleux du nouveau-né me semble toujours être une lente convalescence après une terrible maladie, et l'éloignement de la non-existence première devient une voie d'accès à cette même non-existence lorsque je fais un effort mnémonique extrême pour goûter cette obscurité et me servir de ses leçons pour me préparer à l'obscurité qui s'approche ; mais, tandis que je tourne ma vie la tête en bas de telle sorte que la naissance devient la mort, je ne parviens pas à apercevoir, à la limite de cette contre-mort, quelque chose qui puisse correspondre à la terreur infinie que même un centenaire est supposé connaître lorsqu'il fait face à la fin certaine (...).
Vladimir Nabokov - Le Don (trad R. Girard).
La nature s'est montrée la plus marâtre de l'homme,car ce qu'elle lui enlève de connaissance lorsqu'il nait, elle lui restitue quand il meurt : là parce qu'il ne perçoit pas les biens qu'il reçoit et ici parce qu'il éprouve les maux qu'il conjure.
Baltasar Gracián - Le Criticon (trad E.Sollé).
Lu dans le journal de Michel Ciry :
Cette main très personnelle et qu'aucune autre ne saurait jamais supplanter, est toujours prête à trahir. Pourquoi cette constante infidélité en puissance alors qu'elle devrait se contenter du beau rôle d'alliée indéfectible ? Peut-être y aurait-il le plus mortel des risques pour l'artiste à trouver dans sa main, cette aide magique et infaillible qui l'assurerait d'une transmission souveraine, limitant en quelque sorte la drame créateur à la pensée ; ce cap intérieur franchi, tout deviendrait jeu, d'où le péril.
Michel Ciry - Le Buisson ardent (Journal 1970).
Je ne partage pas - loin de là - tous les choix esthétiques de Michel Ciry mais je dois avouer qu'en baguenaudant dans "les espaces" dédiés à l'art contemporain être frappé - le plus souvent - par le caractère purement arbitraire de ce que j'y vois. Pourquoi ceci plutôt que cela, ceci à coté de cela, cette forme plutôt que celle là ? Le propre de l'arbitraire - qui n'est pas le hasard, ni la contrainte, de ces derniers peuvent quelque fois jaillir une rencontre - ce n'est pas qu'il offre, comme il veut nous le faire croire, une multiplicité de sens, d'émotions - mais que tout au contraire il n'offre rien.
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