Intérieur. Une rame de métro, un voyageur parcourt un journal.

D'une architecture sensuelle, ce sac fluide brûlant caresse les hanches des hommes et des femmes libérés. Grâce à son âme amovible et rigide, le "Love Bag" se prête volontiers aux jeux érotiques. Prix conseillé : 90 euros.
A nous Paris - n°305

Dans A nous Paris (le news urbain diffusé dans le métro) une pleine page consacrée au "Love Bag" (sorte de sac qui se porte en bandoulière et qui a la forme d'un sexe en érection) dont Jérome Olivet son concepteur, un jeune homme prometteur, nous dit qu'il redéfinit l'émotion (rien de moins !), la sexualité et casse les tabous.
En classe de sixième, je connaissais le porte-feuille en peau de kiki, "celui qui quand tu le caresses y se transforme en valise", mais manifestement on n'arrête pas le progrés.
J'oubliais Mr Olivet est également un prophète, notre nouveau Malraux : Les objets doivent être à la hauteur de nos rêves, c'est pour cela que le XXIème siècle (rien de moins !) sera dans la courbe (?) et le sentiment (!).

Extérieur jour. Le même voyageur sort d'un relais H situé dans une gare de banlieue. Il a un exemplaire du Parisien dans la main.

M'apprêtant à rejoindre mon ami S, j'achète Le Parisien et me souviens de ce film de Luc Béraud (qu'il faudrait que je revoie) : La Tortue sur le dos
Le personnage principal est un écrivain et, détail qui me reste, il lit France-Soir. A l'époque, en 1978, j'en avais été surpris. Que venait faire là ce journal "réactionnaire", avec ses gros titres "racoleurs" et ses pages consacrés au turf ? J'avais vingt ans et lisais Libé !
Les temps ont passé, et j'ai appris à me déprendre ou pour parler comme l'un de mes correspondants, à propos de je ne sais plus quel chanteur : je me forçais un peu à aimer ça. Et à nos âges, on peut se laisser aller et ne plus se forcer. Vieillir ce doit être ça : se débarasser des vices dont il paraissait impossible de se défaire. Je ne lis plus Libé.

Retour dans la rame de métro. Le voyageur semble irrité.

Le XXIème siècle sera dans la courbe et le sentiment !!! L'époque a les Rastignac qu'elle mérite.

Le voyageur plie le journal, le fourre dans dans son sac. De l'une de ses poches, il sort un exemplaire d'un autre journal et un crayon. Il s'agit du Parisien. Il l'ouvre et va à la page du Sudoku. La grille est à moitié remplie. Le voyageur semble avoir des difficultés pour la terminer.