Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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lundi 22 octobre 2012

L'enfance et la vie.



Hier soir j'ai ressorti, je ne sais trop pourquoi, La Guerre et la paix, la vieille édition des années 60 du Livre de poche avec la préface de Brice Parain.
Tolstoï a aimé son enfance. C'est peut-être une condition pour qu'ensuite on puisse vraiment se sentir d'accord avec la vie. On dirait qu'il faut y avoir cru à l'âge où l'on croit. Sinon la confiance ne peut plus être aussi pleine.
Je crois avoir aimé mon enfance.
Longtemps je ne suis guère allé plus loin que les premiers chapitres du roman de Tolstoï non que je n'aimasse pas cela mais pour des raisons strictement opposées.
Je ne pouvais m'empêcher de m'arrêter et de relire le portrait du prince Vassili (et ce n'est là qu'un exemple). Sa voix où sous la politesse et la sympathie perçaient l'indifférence et même l'ironie. La façon qu'il avait de s'exprimer avec indolence comme un acteur qui récite un rôle connu depuis longtemps. Sa faculté de comprendre à demi-mot : Le Prince Vassili ne répondit pas, quoique avec la vivacité d'esprit et la mémoire des gens du monde il indiquât d'un signe de tête qu'il avait pris note de ces indications. Ce geste que le narrateur lui même ne peut que trouver curieux, alors qu'il remercie sa chère Annette: Écoutez chère Anette dit le prince en prenant soudain la main de son interlocutrice et en la tirant, Dieu sait pourquoi, vers le bas.
Ce qui m'arrêtait (j'ai tout de même fini par lire le roman dans son intégralité) c'était, je le pense, cette trop grande présence des personnages. Ce sentiment d'étouffement que je ressentais, il avait pour origine un trop plein de vie.

Hier soir je n'ai lu que le premier chapitre

mercredi 10 octobre 2012

Bile noire.



Godard - Dans le noir du temps

- Votre pensée s'est construite autour de pôles contraires, comme l'action et la réaction, la transparence et l'obstacle, ou le remède et le mal. Quel mot serait le pendant de la mélancolie ?
- La présence. Car la mélancolie, fondamentalement, c'est l'absence. Mais en même temps, le mélancolique en se repliant sur lui-même, peut se réfléchir lui-même...et la mélancolie devenir ainsi miroir de la mélancolie. C'est là que la mélancolie et la littérature se rencontrent. L'écrivain qui s'absente du monde pour écrire, court le risque d'absolutiser son absence, de s'enfermer dans le cachot de la mélancolie. Mais dans une sorte de dialectique, grâce à l'encre quelque chose ne disparaît pas. La littérature en ce sens est présence.
Jean Starobinski jette un oeil sur l'enregistreur posé sur la table.
Ce petit appareil a-t-il retenu ma voix ?

jeudi 4 octobre 2012

The Smile.



Il est des images dont on sait qu'elles resteront dans le souvenir. Ce photogramme extrait du premier épisode (intitulé The Smile) de la saison 2 de la série Homeland en fait d'ores et déjà partie.
Carrie Mathison (le personnage est interprété par Claire Danes) sourit. Écartée de la CIA, elle a, le temps d'une mission à Beyrouth, finalement été réintégrée sur le terrain. Elle s'est débarrassée de son poursuivant, a su retrouver les gestes d'antan. Elle sourit.
Mais peut-être est ce aussi l'actrice qui sourit de son bonheur de retrouver son personnage, le corps de celui ci, sa force et ses fêlures.
Claire Danes sourit.
Ce sourire est la marque d'une rencontre.
Comme chacun le sait les scènes de rire (ou d'ivrognerie) au cinéma provoquent le plus souvent un sentiment de gêne, elles nous paraissent toujours trop longues. C'est par leur excès qu'elles pêchent. L'impression que nous en avons est celle que l'acteur va au-delà de son personnage, qu'il, pour reprendre une formule bien connue, en fait trop.
A l'inverse dans les scènes de pleurs (encore que les mauvaises scènes de pleurs puissent être rangées dans la catégorie décrite ci dessus), il nous semble que l'acteur est débordé par son personnage, qu'il est en-deçà de celui-ci.
Ni au-delà, ni en-deçà, ce sourire est la marque d'une coïncidence.
Ce que nous révèle ce sourire fugace (le plan est assez court mais il vient clôturer la séquence) et qui en fait toute la beauté, ce n'est rien de moins qu'une présence.

lundi 1 octobre 2012

Carl Schmitt's rules.



A Juliette C.

Je me suis remis au badminton après m'en être abstenu pendant des années. Je ne fus pas cependant surpris lorsque la dédicataire de ce billet nota que son professeur de badminton lui fit une remarque selon laquelle elle jouait comme si elle était à la plage. C'est là une antienne que j'avais maintes fois entendues et pas plus tard que lors de ma séance de reprise.
Ce lieu-commun badmintonien, comme la plupart des lieux-communs (autre lieu-commun) est aussi le signe d'une vérité.
A l'inverse des jeux de plage du type raquette, le badminton (dans sa pratique sportive) ne repose pas sur la coopération des adversaires. Jouer aux raquettes sur la plage, c'est chercher à prolonger l'échange, ou plutôt c'est chercher à mettre son partenaire suffisamment en déséquilibre afin qu'il éprouve une certaine difficulté à retourner la balle. Suffisamment mais pas trop. Un joueur qui smasherait à tout va ou ne ferait des lobes se verrait rapidement écarté.
On retrouve le même principe, certes dans une moindre mesure, dans la pratique du tennis lorsqu'il est pratiqué sur le mode "on fait des balles". Il s'agit au fond dans les deux cas de valoriser son adversaire.
Rien de tel au badminton. Les particularités du volant, principalement l'absence de rebond, font que l'échange pourrait durer facilement fort longtemps et le jeu devenir assez lénifiant. Ce dernier ne prend alors tout son sens que lorsque le volant est mis hors de portée de l'adversaire et ce même à l'entrainement. Rare sport qui s'il est pratiqué sérieusement ne peut se jouer plein-air, le badminton ne se conçoit que sous le mode du rapport antagonique. Le badminton ne voit en l'autre qu'un ennemi.
On ne "fait pas de volant" au badminton ou pour reprendre une belle formule de Juliette C., on n'y joue pas avec son âme.