La Pré-Cog.
Il y a dans Minority Report de Spielberg, revu récemment à la télévision, cette scène où Tom Cruise s'enfuit avec la Pré-Cog, sorte de pierrot lunaire douée du don de prophétie. Compte tenu de son don, la jeune femme a toujours un temps d'avance sur ses poursuivants et l'on sait l'importance de ce temps dans des jeux comme les échecs ou le go par ex. Ainsi, elle ordonnera à Cruise de s'arrêter de courir alors qu'elle voit un marchand de ballons. Ce dernier se dirigera vers les fuyards; les ballons, grosse grappe de raisins multicolores, feront office de paravent masquant la présence du couple. De même elle intimera à Cruise de prendre un parapluie sachant qu'il va pleuvoir, que des centaines de parapluies s'ouvriront et que rien ne pourra distinguer ce parapluie ci de ce parapluie là.
Ce que j'aime beaucoup dans cette scène c'est cette impression, assez rare, de voir à l'écran un personnage de fiction écrire le scénario du film auquel il participe. Scénario dans lequel tout s'emboite, tous les objets devront avoir une fonction, mais qui laisse cependant une totale liberté au personnage puisqu'il en est l'auteur ; étrange sensation d'assister à un work in progress paradoxal déja écrit mais à écrire.

L'Inspectrice.
Dimanche dernier, j'ai vu le deuxième épisode d'une nouvelle série policière américaine The Closer (L.A.Enquêtes prioritaires). La série repose sur les rapports entre une sorte de "chieuse" professionnellement efficace à la vie sentimentale chaotique et son équipe de durs à cuir agacés mais néanmoins admiratifs.They'll bring you in. She'll make you talk, nous voila prévenus. Dans l'épisode 2, l'héroïne est amenée à enquêter sur la mort d'un ex top-model. Pour ce faire elle doit reconstituer la dernière journée de la victime. Se faisant passer pour une cliente afin obtenir plus facilement des renseignements (She'll make you talk), elle ira chez le coiffeur, l'esthéticienne pour terminer dans une boutique "couture".
Ce que je touve assez beau - les diverses scènes ne sont pas sans faire songer à Pretty Woman - c'est qu'arrivée au bout de la journée elle aura la possibilité de confondre le coupable - ce dernier ayant inscrit la preuve de sa culpabilité sur le corps même de l'inspectrice - mais qu'elle sera également transformée physiquement et par là même de façon plus intime. Certains crieront au truc de scénariste - peut-être, encore que je vois pas pourquoi l'habileté serait à priori à condamner - j'y verrai pour ma part une manière fine, pour ne pas dire subtile, d'articuler le privé, l'intime avec le publique, le professionnel et d'offrir ainsi, au-delà du scénario et paradoxalement grâce au scénario, un nouvel espace de liberté au personnage.