Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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mercredi 29 novembre 2006

Toute ressemblance...

Le Lion et le Moucheron.

Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre.
C'est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L'autre lui déclara la guerre.
Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un boeuf est plus puissant que toi,
Je le mène à ma fantaisie.
A peine il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le Trompette et le Héros.
Dans l'abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du Lion, qu'il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son oeil étincelle ;
Il rugit ; on se cache, on tremble à l'environ ;
Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle,
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais, et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat ; le voilà sur les dents.
L'Insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une Araignée :
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.

La Fontaine.

lundi 27 novembre 2006

Cocaïne, honneur et patrie.


Il n'est qu'un acte sur lequel ne prévalent ni l'indifférence des constellations ni le murmure éternel des fleuves: c'est l'acte par lequel l'homme arrache quelque chose à la mort.

La telévision diffusant pour la énième fois Volte Face de John Woo, et venant de terminer la lecture d'un roman, je me laisse prendre par les filets de la toile.
D'association de souvenirs en association d'idées (au départ je recherchais des images de Bernard Noel, comédien dont la mort, étrangement, me touche encore) je suis arrivé sur ceci et ceci.
Mon attention fut alors attirée par la ligne dite tags.

Ami lecteur, sauras-tu dans cette suite de mots-clefs trouver l'intrus ?

Jean Moulin - Malraux - Panthéon - UMP - Gaullisme - Politique - République.

jeudi 23 novembre 2006

Ridicule ?


En 1897, Emile Durkheim définit au chapitre V de son ouvrage Le Suicide le concept d'anomie

Mais la société n'est pas seulement un objet qui attire à soi, avec une intensité inégale, les sentiments et l'activité des individus. Elle est aussi un pouvoir qui les règle...Par elle-même, abstraction faite de tout pouvoir extérieur qui la règle, notre sensibilité est un abîme sans fond que rien ne peut combler...Mais alors, si rien ne vient la contenir du dehors, elle ne peut être pour elle-même qu'une source de tourments...il faut donc avant tout que les passions soient limitées...Mais puisqu'il n'y a rien dans l'individu qui puisse leur fixer une limite, celle-ci doit nécessai­rement leur venir de quelque force extérieure à l'individu. Il faut qu'une puissance régulatrice joue pour les besoins moraux le même rôle que l'organisme pour les besoins physi­ques. C'est dire que cette puissance ne peut être que morale...Seulement, cette loi de justice, ils ne sauraient se la dicter à eux-mêmes pour les raisons que nous avons dites. Ils doivent donc la recevoir d'une autorité qu'ils respectent et devant laquelle ils s'inclinent spontanément. Seule, la société, soit directement et dans son ensemble, soit par l'intermédiaire d'un de ses organes, est en état de jouer ce rôle modérateur; car elle est le seul pouvoir moral supérieur à l'individu, et dont celui-ci accepte la supériorité. Seule, elle a l'autorité nécessaire pour dire le droit et marquer aux passions le point au-delà duquel elles ne doivent pas aller...Seulement, quand la société est troublée, que ce soit par une crise douloureuse ou par d'heureuses mais trop soudaines transformations, elle est provisoirement incapable d'exercer cette action...Tant que les forces sociales, ainsi mises en liberté, n'ont pas retrouvé l'équilibre, leur valeur respective reste indéterminée et, par consé­quent, toute réglementation fait défaut pour un temps. On ne sait plus ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, ce qui est juste et ce qui est injuste, quelles sont les revendica­tions et les espérances légitimes, quelles sont celles qui passent la mesure...Ainsi, les appétits, n'étant plus contenus par une opinion désorientée, ne savent plus où sont les bornes devant lesquelles ils doivent s'arrêter...L'état de dérèglement ou d'anomie est donc encore renforcé par ce fait que les passions sont moins disciplinées au moment même où elles auraient besoin d'une plus forte discipline...Or, il se trouve qu'en même temps la lutte devient plus violente et plus douloureuse, à la fois parce qu'elle est moins réglée et que les compétitions sont plus ardentes...

Mais on a déjà été beaucoup trop long.
Une époque qui voit une journaliste, que l'on ferait bien rôtir à petit feu, écrire un article intitulé Les pompiers, enfants gâtés de la République, les mêmes pompiers incendier divers véhicules et caillasser les flics alors que ceux-ci les avaient préalablement joyeusement tabassés, cette époque donc donne une assez bonne définition de ce que Durkheim appelait état de déréglement ou anomie.

mardi 21 novembre 2006

Brève note de lecture.

La lecture du tome V (1980-1993) du journal de Jacques Brenner m'emplit d'une grande tristesse. On n'est même pas, me semble-t-il, dans ce qui pourrait être une vision "objective" (les guillemets sont de rigueur) des mesquineries de la vie (pas seulement littéraire) et de ses petits arrangements mais dans un en-deçà particulièrement étouffant.
Surnagent quelques remarques.

Un cosmopolite n'est pas un homme qui demande à vivre dans une "société multiculturelle" où qui veuille unifier les cultures. C'est quelqu'un qui pense pouvoir vivre dans n'importe quelle société dont il est capable d'adopter les moeurs. Les jeunes gens qui parlent aujourd'hui de "société multiculturelle" veulent en réalité implanter dans un pays des moeurs qui diffèrent des siennes et parfois s'y opposent. Ils veulent diviser le pays, en coloniser une partie avant de s'en prendre au tout. Car ces moeurs qu'ils importent viennent généralement de pays ou régnent racisme et fanatisme.
Journal - 14 juillet 1985

mercredi 15 novembre 2006

Style.


Je tournais autour depuis quelques jours. De l'auteur je ne savais rien, la quatrième de couverture aurait pu me dissuader (rythme trépidant... une grande plume... au moins n'y parlait-on pas d'Ecriture!) mais la compagnie assidue des livres a ceci de particulier qu'elle vous permet, de façon quasi intuitive, de vous diriger vers des titres dont on sait qu'ils seront bons. Les journées passèrent, lorsque je pus lire écrit du fond de sa brocante par un amateur : Pourquoi sommes-nous si peu nombreux, semble-t-il, à savoir qu'Ariel Denis est un des très rares romanciers d'aujourd'hui dont les romans se lisent... comme des romans ? Il ne m'en fallut pas plus. Et je ne le regrette pas.

Depuis bien des années le monde n'est plus en noir et blanc, mais il a perdu aussi ses couleurs violentes, irréelles et contrastées: à la manière des films qui le représentent, il a l'apparence d'un kaléidoscope de teintes proches les unes des autres, lisses et brillantes. (...)
...sur toutes choses règne l'esprit du temps, qui modèle les habits, les corps, les lieux, les idées, les visages, et donne au monde la lumière particulière et invisible qui ne se retrouvera jamais plus. C'est ici qu'est la rose, ici qu'il faut danser.
Ariel Denis - Fortune de Guerre - Le Serpent à plumes.

Anicée Alvina est morte.

lundi 13 novembre 2006

Les confessions d'un fanatique.


A une lectrice qui souhaitait lire quelques romans anglais, je conseillai la lecture du Maître de Ballantrae de Stevenson et de Confession du pécheur justifié de James Hogg (1). Peu de temps après, coïncidence et hasard, au gré de mes flâneries je découvris que venait de sortir un petit ouvrage signé de Jérome Prieur - Roman noir - dans lequel un chapitre était consacré au roman de James Hogg.
Ecossais, James Hogg (1770-1835) mena toute sa vie une double carrière d'agriculteur (piètre gestionnaire il fit de nombreuses faillites) et de poète (il signait ses textes Le berger d'Ettrick). Bénéficiant de l'amitié de Walter Scott, il collabora au Blackwood’s Magazine et si ses poèmes, chants, ballades sont oubliés, Private Memoirs and Confessions of a Justified Sinner (1824) reste son oeuvre majeur.
Etrange destin que celui de ce texte (Prieur fait remarquer qu'il n'est étonnement jamais mentionné par Borges). Traduit en 1948 par Dominique Aury dans la revue La Table Ronde (la même année il est également traduit par Jacques Papy sous le titre Les Confessions d'un fanatique - pour le compte des éditions Marguerat, Lausanne), il est édité en 1949 au édition Charlot avec une préface louangeuse d'André Gide (Je le tiens pour une réussite extraordinaire...), figure dans la bibliothèque de Breton, fut apprécié entre autres par Henri Thomas. Il entrera dans le catalogue de la maison Gallimard en 1953. Et pourtant a-t-il vraiment ressurgit de l'ombre où depuis plus d'un siècle il nous attend ?
Le texte est structuré en trois parties.
La première - Récit d'un chroniqueur - nous conte, par la voix de l'éditeur, de façon objective la rivalité entre George Cowan élevé par un père bon vivant et son demi-frère batard Robert Wringhim Cowan élevé par un pasteur rigoriste.

Robert rencontra pour la première fois le jeune laird, son frère, à un match de tennis. Les prouesses et l'adresse du jeune squire lui attirèrent les plus vives louanges de ses partenaires (...). Le nom du héros eut vite fait le tour du cercle, et quand son frère Robert, qui était là en spectateur, apprit quel était celui qui se faisait si fort applaudir, il vint se planter immédiatement derrière lui tout le temps que dura le jeu; et il n'arrêta pas de faire des réflexions blessantes pour se moquer de lui.
(...)
Mais à la longue les choses en vinrent à une crise qui dépassa les limites du jeu. Georges, en courant en arrière pour rattraper une balle se heurta par inadvertance à ce fâcheux que non seulement il le renversa, mais aussi s'effondra en travers de ses jambes; et tandis qu'il se relevait, l'autre lui envoya un tel coup de pied (...). Georges irrité au-delà de toute mesure, comme on le conçoit, et particulièrement par le coup meurtrier qui l'avait visé, frappa l'assaillant de sa raquette, légèrement, mais assez fort pour faire jaillir le sang du nez et de la bouche...(2)

La rivalité ira s'accentuant, tout oppose les deux frères, et cette première partie se termine par l'élucidation (la presque élucidation) du mystère entourant la mort de Georges Cowan.

La seconde partie - Mémoires intimes et confession du pécheur justifié rédigés par lui-même - est comme son nom l'indique écrite du point de vue de Robert Wringhim Cowan (des scènes de la première partie sont revues). Elle retrace la vie de celui qui se présente comme un pécheur justifié.
Eduqué par un pasteur calviniste, il pousse la doctrine de la prédestination dans ses dernières limites en abolissant la frontière entre le Bien et le Mal. Celui qui est sauvé, l'est quoiqu'il fasse, même le pire. Le meurtre est alors justifié puisque le plus intangible de tous les dogmes chrétiens est celui de l'infaillibilité des élus.
Le jour où il apprend de son père qu'il est un élu, Robert fait une étrange rencontre.

Tandis que j'allais ainsi mon chemin, je m'aperçus qu'un jeune homme mystérieusement apparu s'avançait vers moi. Tout occupé de ma propre contemplation, j'essayai de l'éviter; mais il se jeta en travers de ma route, si bien quil ne m'était guère possible de ne pas le rencontrer (...).
Le jeune étranger et moi approchâmes l'un de l'autre en silence et lentement, chacun tenant les yeux fixés sur l'autre. Nous approchâmes jusqu'à un mètre l'un de l'autre, puis nous arrêtâmes pour nous regarder, en nous mesurant chacun des pieds à la tête. Quelle ne fut ma stupeur de m'apercevoir qu'il était le même être que moi !
(...)
- Vous croyez que je suis votre frère, dit-il; ou que je suis votre seconde moitié; je suis en effet votre frère, non pas selon la chair, mais parce que j'ai foi dans les mêmes vérités (...).

Commence alors un extraordinaire jeu de brouillage entres les diverses identités, celle de Robert, de son frère, du double, brouillage qui fait suite à la confusion entre le Bien et le Mal, brouillage d'autant plus renforcé que le double semble posséder un pouvoir mimétique.

Je m'imaginais la plupart du temps être deux personnes à la foi. Quant j'étais couché dans mon lit, je croyais que nous y étions deux; quand je m'asseyais je voyais toujours quelqu'un d'autre, et toujours à la même place par rapport à l'endroit où je me tenais, c'est-à-dire à environ trois pas de moi vers la gauche (...). Ce qu'il y avait de plus contrariant c'est que je m'imaginais rarement être moi-même l'une de ces deux personnes. Je croyais la plupart du temps que mon compagnon était l'une, et mon frère l'autre; et je m'aperçus qu'être obligé de parler et de répondre en assumant la personnalité de quelqu'un d'autre, était à la longue quelque chose de très embarrassant.

Le double peut être aussi spectateur.

Mais c'est exactement ainsi que mon illustre ami me l'a décrit ensuite, et je peux me fier implicitement à ses renseignements, car à ce moment là il était spectateur, tandis que j'avais tous les sens bouleversés, et il ne pouvait avoir aucune raison de dire quelque chose qui ne fût pas l'exacte vérité.

Toute une partie de son existence semble échapper à Robert.

Je ne me comprenais pas moi-même. Ou bien j'avais une seconde moitié, qui réglait des affaires sous mon apparence, ou bien mon corps était par moments la proie d'un esprit dont il n'était pas maître, et qui agissait sans que mon âme en ait aucunement conscience.

Si on peut reconnaitre la figure classique décrite par Otto Rank dont la caractéristique est un puissant sentiment de culpabilité qui pousse le héros à ne plus prendre sur lui la responsabilité de certaines actions de son Moi, mais à en charger un autre Moi, un Double, qui est personifié dans le Diable lui-même ou dans un symbole (3), il me semble que Hogg va plus loin puisqu'il instaure une confusion entre "le bon" et "le mauvais" double et qu'il n'existe pas un bon original et un double mauvais.

Quel affreux état ! Et pourtant le rejeter était impossible (...). Mon sentiment dominant, vers cette époque, était le désir insatiable de quelque chose qu'il m'était impossible de décrire ou de définir, à moins de dire que c'était l'oubli total.

Dans la troisième partie - Epilogue - qui prend place un siècle plus tard après les faits, nous retrouvons l'éditeur, qui suite à une lettre de James Hogg (4) elle-même parue dans le Blackwood’s Magazine, part afin de vérifier les dires du poète et retrouvera dans une tombe un manuscrit intitulé : Mémoires intimes et confessions d'un pécheur justifié rédigés par lui-même, Fideli certa merces.
La boucle est bouclée mais l'éditeur est forcé de constater que

Quant à l'ouvrage lui-même, je n'ose pas risquer de jugement, car je ne le comprends pas.

En juin 49, dans le n°37 de Critique, G.Bataille fait une critique du texte de Hogg. Il l'intitule Un roman monstrueux. Tout simplement.

(Cette note est dédiée à Damien et à Anaximandrake)

(1) On a quelque peu glosé
- pour savoir si Hogg était réellement l'auteur des Confessions, il semblerait que rien ne prouve le contraire.
- sur l'influence de Hogg (au-delà de la thématique commune) sur Stevenson. La seule mention directe de Hogg par Stevenson se trouverait dans une lettre de celui-ci en date du 17 Mai 1791 (on m'excusera sur le coté lacunaire de la source mais je n'ai pas trouvé mieux).
2) La traduction est celle de Dominique Aury disponible dans la collection L'Imaginaire.
3) Otto Rank - Une étude sur le Double.
4) Cette lettre fit vraiment l'objet d'une publication dans le n° d'avril 1823 du Blackwood’s Magazine, quelques mois avant la parution du livre.

mardi 7 novembre 2006

Tour de piste.

L'artiste belge recevra officiellement son prix à Montréal alors qu'il sera de passage dans le cadre du Coup de coeur francophone qui célèbre cette année... En effet, cette artiste particulière raconte des histoires sans avoir recours à l’écrit car elle s’est inventé sa propre écriture à travers le champ...Trouver l’artiste en soi... Ce lundi 6 novembre, l'artiste sera de passage à Cébazat, dans le Puy-de-Dôme, en première partie du groupe Têtes Raides... Elu artiste masculin de l'année, Justin ironise: ... Le rappeur et producteur vient de signer l'artiste reggae/dancehall Elephant Man sur son label Bad Boy Records ... L'art. «En vérité, l'artiste ne s'arrête jamais de chercher. Il ... de lui-même. C'est ce qui reste dans l'histoire de l'artiste... L'artiste musicien angolais d'afro-jazz Derito, a marqué vendredi, un pas important dans sa carrière musicale de 21 ans, avec l'entrée de son album ... Non en tant qu'artiste je dois m'engager... Yori Djorkaeff, salut l'artiste !... L'artiste français Michel Legrand participera à un concert au bénéfice du groupe I Musici de Montréal, mercredi prochain, dans la métropole québécoise... Je suis un artiste musicien... Même si j'habitais Paris, je ne suis pas un artiste français. Je suis un artiste du monde... A la rencontre de cet artiste émérite, il a été question de la définition du concept « résurrection » dont il fait sien et de nombreuses autres... On connaît maintenant l'identité de l'artiste qui exposera ses oeuvres l'été prochain au musée de la Cité de l'énergie à Shawinigan... Ses masques hiératiques nous regardent et le désir de l’artiste de les rendre plus vivants, plus proches, donne envie de les toucher... Des consultations ont commencé dans le monde associatif pour la création de comités de soutien à l’artiste détenu en préventive à la prison la Santé... L’artiste de 26 ans utilise, pour ses œuvres, une technique millénaire, l’encaustique... Un artiste discret, mais qui ne cache pas son amour pour la nature...

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JE HAIS LES ARTISTES.

dimanche 5 novembre 2006

Contribution à une anthologie de l'élégance.



Duke Ellington - Satin Doll

Duke Ellington est nôtre Philinte
Je prends tout doucement les hommes comme ils sont
J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font;
Et je crois qu'à la cour, de même qu'à la ville,
Mon flegme est philosophe autant que votre bile.
Molière - Le Misanthrope
Sa musique ne connaît pas le ressentiment, elle a l'insousciance de l'homme détrompé.
La meilleure philosophie, relativement au monde, est d'allier, à son égard, le sarcasme de la gaîté avec l'indulgence du mépris.
Chamfort.
Bref, elle est élégante.

vendredi 3 novembre 2006

Contribution à une anthologie des récits de voyage.

Un commentateur ayant fait allusion à Claire Lenoir, nouvelle de Villiers de L'Isle-Adam écrite en 1867 et reprise en 1887 dans le recueil Tribulat Bonhomet, nouvelle trop longue pour qu'elle puisse être donnée à lire ici mais qui fait les délices de tout amateur de fantastique et d'optogramme (photographie de la rétine des yeux des cadavres afin de visualiser la dernière image rétinienne. Le procédé devait permettre l'identification du criminel dans le cas d'homicide), et puisque la correspondance générale de Berlioz ne nous est pas accessible (!), il a été décidé de reproduire ce compte rendu, fait par lui-même dans Claire Lenoir, des voyages de Tribulat Bonhomet.

Enfoui dans le canapé, entre Césaire et sa femme, je racontai, rapidement et à grands traits, mes voyages dans les cinq parties du monde, mes explorations au sommet des montagnes et dans les entrailles de la terre, depuis le sommet de l'Illimani jusque dans les profondeurs des mines de Poullaouën; je parlai des djeysers ou volcans de boue de l'Islande, - du crâne pointu des Séminoles, - des rites de Jaggernaut, - des supplices chinois, dont la simple nomenclature emplirait un dictionnaire de la capacité de nos Bottin,- des sectes de sorciers qui dansent en Afrique avec des bâtons de soufre enflammé sous les aisselles, - du passeport tatoué sur mon dos que m'avait donné, en signe d'affection, Anaouézoué-Anandézoué-Rakartapakoué-Boué-Anazenopati-Abdoulrakam-Penanntogômo V, roi des îles Honolulu et Moo-Loo-Loo, - des arbres indiens sur chaque feuille desquels est inscrite quelque pensée de Bouddha, du culte du serpent chez les cannibales de la Terre de Feu, - (serpent qui se contente de mordre l'ombre humaine sur le sable, au soleil, - pour faire mourir), des sucs de la ciguë crucifère du pôle austral, dont l'infusion donne toujours le même genre d'hallucinations et qui contient les reflets du monde antédiluvien; - de la religion du Canada, qui consiste à croire que l'univers a été créé par un grand lièvre; - des niams-niams ou hommes qui portent une queue de chimpanzé et qui se classent avant le gorille et au-dessous du nègre Caffre, dans l'échelle apparente des créatures, (ainsi que je le constate dans mon traité intitulé : Du Têtard), - du grand lama thibétain, dont le visage royal est toujours voilé depuis la naissance jusqu'à sa mort inclusivement, - du chef de tribu zélandais Ko-li-Ki (Roi des Rois), qui ne vit qu'en prélevant sur ses sujets (lorsqu'il passe à travers les huttes) de grands morceaux de chair, enlevés d'un coup de mâchoire, aux endroits friands; - je parlai des grands arbres, des flots, des rochers et des aventures lointaines. Je tins le dé; je renvoyai la balle; j'agitai les grelots de la plaisanterie; - je racontai avec aplomb toutes ces fadeurs; - je parlai de ceci, de cela, de droite et de gauche, à tort et à travers, pensant, qu'après tout, c'était assez bon pour eux. - Bref, je fus charmant !
Villiers de L'Isle-Adam - Tribulat Bonhomet (1887)

J'aime beaucoup le roi, cinquième du nom, des iles Honolulu et Moo-Loo-Loo ainsi que le serpent de la Terre de Feu.

mercredi 1 novembre 2006

Contribution à une anthologie du fantastique



En cette veille de la fête des morts et parce que la maison se consacre quelquefois aux images, une nouvelle de Maurice Level (1875-1926). Le style de Level est certes daté (la nouvelle a été publiée en 1910), encore qu'il y a là un vrai sens du détail visuel et sonore, mais contrairement à ce qui est écrit ici (1) (à ne lire qu'après avoir terminé la nouvelle) l'utilisation qui est faite de la photographie me semble assez originale.

SOUS LA LUMIERE ROUGE

Assis dans un large fauteuil près de la cheminée, les coudes aux genoux, les mains tendues au feu, il parlait d'une voix lente, s'arrêtant brusquement pour murmurer: «Oui... oui...», comme s'il avait eu besoin de reconnaître ses souvenirs et d'approuver sa mémoire fatiguée, puis reprenait la phrase interrompue.
Sur la table traînaient des papiers, des chiffons, des livres. La lampe éclairait mal; je ne voyais de lui que sa face un peu grise, et ses mains qui, sous la flamme du foyer, faisaient deux longues taches.
Le ronron du chat roulé devant le feu, et le crépitement des bûches où dansaient d'étranges lueurs, troublaient seuls le silence. Il semblait parler de très loin, comme dans un rêve:
--Oui... oui... Ce fut le grand, le plus grand malheur de ma vie. J'aurais pu supporter d'être réduit à la misère, de devenir infirme... tout... mais ça! Avoir vécu dix ans auprès d'une femme adorée, la voir disparaître, et rester seul, tout seul, devant l'avenir solitaire... C'est dur!... Il y aura six mois bientôt qu'elle est partie!... Que c'est long! et comme c'était court autrefois!... Encore, si je l'avais eue malade quelque temps, si l'on m'avait laissé comprendre!... C'est horrible à dire, mais quand on sait, n'est-ce pas, la raison se prépare... le coeur se vide peu à peu, et l'on s'habitue... tandis que là!...
--Je croyais, lui dis-je, qu'elle avait été souffrante quelque temps?
Il hocha la tête:
--Du tout, du tout... Jamais les médecins ne purent me dire ce qu'elle avait eu... Elle a été emportée en deux jours. Depuis, je ne sais ni
comment, ni pourquoi je vis. Tout le jour, je rôde dans les chambres, poursuivant un souvenir qui s'enfuit, m'imaginant qu'elle va m'apparaître derrière une tenture, qu'un peu de son odeur flotte encore parmi ces pièces inhabitées...
Il étendit la main vers la table:
--Hier, tiens, j'ai retrouvé cela... cette voilette, dans une de mes poches. Elle me l'avait confiée un soir, nous allions au théâtre, et il me semble qu'elle sent son parfum, qu'elle est encore tiède d'avoir effleuré son visage... Mais non! Tout s'en va: seul le chagrin demeure... _Il y a bien quelque chose_, mais ça!...
Dans le premier moment de douleur, il vous vient parfois des idées extraordinaires... Croirais-tu que je l'ai photographiée sur son lit de mort! Dans cette pauvre chambre d'où son âme venait de partir, j'ai installé mon appareil, j'ai allumé du magnésium; enfin, à cette effroyable minute, j'ai fait avec un soin et des précautions méticuleuses, des choses qui me révoltent aujourd'hui... Malgré tout, quand j'y pense, je me dis qu'elle est là, que je pourrais la voir telle que je la vis pour la dernière fois!
--Et, où as-tu ce portrait? demandai-je.
Il s'avança un peu, et me répondit à mi-voix:
--Je ne l'ai pas, ou plutôt, si... je l'ai... J'ai le cliché. Mais je ne me suis jamais senti le courage de le développer... Il est resté dans l'appareil... j'ai peur d'y toucher... Et pourtant! comme je voudrais, comme je voudrais!...
Il posa sa main sur mon bras:
--Ecoute: ce soir... ta présence... d'avoir parlé d'elle... je me sens mieux... je me sens fort... Veux-tu, viens avec moi dans mon laboratoire... Nous allons développer ce cliché?...
Il interrogeait mon visage d'un regard anxieux d'enfant qui tremble qu'on lui refuse le jouet souhaité.
--Soit, lui dis-je.
Il se leva vivement.
--Oui... avec toi, ce ne sera pas la même chose... avec toi, je serai plus calme... et cela me fera du bien... beaucoup de bien... tu verras...
Nous entrâmes dans son laboratoire: un cabinet très sombre où des flacons étaient alignés sur des étagères. Une tablette chargée de cuvettes, de fioles et de livres, s'étendait d'un mur à l'autre.
Il ne parlait pas, vérifiant les étiquettes des bouteilles, essuyant les cuvettes, et la lueur de la bougie qui tremblait faisait danser autour de lui des ombres.
Il alluma une lanterne à verre rouge, éteignit sa bougie, et me dit:
--Ferme la porte.
Cette nuit déchirée par la lumière sanglante, avait quelque chose de dramatique. Des reflets inattendus s'accrochaient aux flancs des bouteilles, à ses joues sabrées de rides, à ses tempes creuses.
Il dit:
--La porte est bien fermée? Alors, je commence.
Il ouvrit un châssis, et en tira le cliché. Il le prit avec soin, les doigts écartés, les pouces et les index posés aux angles, et le regarda longuement, comme si ses yeux avaient pu voir l'image endormie qui tout à l'heure allait s'éveiller.
Il murmura:
--Elle est là! C'est horrible!...
Ensuite, lentement, il le laissa glisser dans le bain, et se mit à remuer la cuvette.
Je ne sais pourquoi, mais il me sembla que la porcelaine frappant à intervalles réguliers la planchette, rendait un son bizarre et douloureux. Sous la lumière rouge, le liquide caressait la plaque dans un va-et-vient monotone: le bruit léger qu'il faisait le long des parois évoquait un bruit de sanglots, et je ne pouvais détacher mes yeux de ce carré de verre à la couleur laiteuse qui, peu à peu, se teintait de noir, vers les bords.
Le bain, d'abord très clair, fonça insensiblement; bientôt, une tache apparut au milieu de la plaque, une tache qui, peu à peu, s'élargit, adoucie par endroits de nuances plus claires.
Je regardai mon ami. Ses lèvres, agitées d'un tremblement, murmuraient d'inintelligibles paroles.
Il retira le cliché, l'éleva à la hauteur de ses yeux, et, comme je me penchais sur son épaule, il parla:
--Cela vient... doucement... Mon bain est trop faible... Mais ce n'est rien... Voici que les blancs apparaissent... Attends... tu vas voir...
Il replaça la plaque, qui s'enfonça dans le liquide avec un bruit de ventouse qu'on tire.
Elle avait pris une couleur presque uniformément grise. Il baissa la tête, et dit simplement:
--Ce rectangle noir, c'est le lit... Plus haut, ce carré que tu aperçois (il me l'indiqua d'un mouvement du menton), l'oreiller; et, au milieu, cette zone plus claire avec une raie pâle qui tranche sur le fond noir... c'est Elle... avec le crucifix que j'avais mis entre ses doigts.
Sa voix s'étrangla un peu:
--Ma pauvre petite... ma chérie!...
Des larmes coulaient sur ses joues, de grands hoquets soulevaient sa poitrine... Et il pleura, sans effort, comme savent pleurer ceux qui ont l'habitude du chagrin, et à qui les sanglots sont devenus plus familiers que le sourire.
Parmi ses larmes, il disait:
--Les détails se précisent... Voici près d'Elle les cierges allumés et le rameau de buis bénit... ses cheveux que j'aimais tant... ses mains dont elle était si fière... et le petit chapelet blanc, retrouvé dans un livre de messe... Mon Dieu!... Cela me fait mal de revoir tout cela, et cependant, je suis heureux... très heureux... Il me semble que je la regarde, ma pauvre petite...
Sentant que l'émotion le gagnait, je voulus abréger, et lui dis:
--Ne crois-tu pas que le cliché soit assez venu...?
Il prit la plaque, l'approcha de la lanterne, l'examina de près, la remit dans le bain, la retira de nouveau, l'examina encore, la replaça, et murmura:
--Non... non...
Je me souviens que le son de sa voix et la brusquerie de son geste me frappèrent. Mais je n'eus pas le temps de réfléchir, car il se remit à parler.
--Il y a des choses qui vont venir, encore... C'est un peu long, mais, je t'ai dit... mon bain est faible... Alors, les détails n'apparaissent que progressivement.
Il compta: Un... deux... trois... quatre... cinq...
--Cette fois, c'est suffisant. A trop vouloir pousser, j'abîmerais....
Il prit le cliché, le secoua verticalement, le passa dans l'eau, et me le tendit:
--Regarde.
Mais soudain, comme j'allongeais la main, je le vis reculer vivement, se courber, approcher la plaque de la lanterne et, dans cette seconde, son visage éclairé par la lumière rouge m'apparut si effrayant que je m'écriai:
--Qu'est-ce que tu as?
Ses yeux étaient démesurément ouverts, ses lèvres relevées découvraient ses dents, ses mâchoires s'entrechoquaient; j'entendais son coeur bondir dans sa poitrine, et je voyais son grand corps osciller d'avant en arrière.
Je mis la main sur son épaule, et, cherchant à me rendre compte de ce qui faisait naître en lui cette effroyable angoisse, je lui criai pour la seconde fois:
--Voyons... Réponds... Qu'est-ce que tu as?
Alors, tournant vers moi une face qui n'avait plus rien d'humain, plongeant ses yeux sanglants dans mes yeux, il me saisit le poignet d'un mouvement si brutal que ses ongles entrèrent dans ma chair.
Par trois fois, il ouvrit la bouche, essayant de parler, et, tout à coup, brandissant le cliché au-dessus de sa tête, il hurla dans la nuit éclaboussée de rouge:
--J'ai!... J'ai!... Misérable! Bandit! Assassin que je suis! J'ai... qu'elle n'était pas morte!... J'ai... Que les yeux ont bougé!...

(1) Précisons également que Maurice Level fut le cousin de Marcel Schwob et non son neveu.