Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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vendredi 31 août 2007

Revue de presse.


Il est en vacances, j'en profite pour lui piquer une image.

Et si la meilleure analyse des cent premiers jours de N.Sarkosy avait été faite, mais est-ce vraiment étonnant, par Dominique de Villepin (au cours d'un entretien à propos de Napoléon) dont, au bout du compte, on peut dire qu'il ne manque pas d'un certain sens de l'histoire et dont, on doit en faire l'aveu, le goût quasi saint-simonien de la cabale va finir par nous le rendre presque sympathique.

Dès le départ, Napoléon a essayé de maîtriser les ambitions de tous les acteurs de son temps (...). Il croit pouvoir tenir en haleine par les vanités. Mais les vanités, une fois satisfaites, se lassent du risque. L'esprit de conservation tue alors l'esprit de conquête (...). Je pense que s'il y a une leçon à tirer de l'expérience, c'est que la cour est intimement liée au pouvoir. Elle se métamorphose selon les régimes. L'esprit de cour est encore plus dangereux depuis la révolution car il est plus souterrain. Tocqueville disait que « les républiques démocratiques mettent l'esprit de cour à la portée du plus grand nombre et le font pénétrer dans toutes les classes ». Il faut, quand on a conscience de ce danger, tenter d'enrayer cet esprit (...). Est-ce que Napoléon, homme du « tout politique », ne tue pas, de ce fait même, la politique ? C'est un risque majeur car Napoléon opère une fusion pouvoir-société autour de sa personne. Mais c'est dangereux car cela tue l'alternative politique, cela réduit la politique à une unanimité factice, lourde de tensions futures.
Le Figaro - 30 août 2007.

Le journal Libération nous informe que la ville d'Alençon organise une exposition autour d'Auguste Poulet-Malassis.

On connaît Charles Baudelaire. Pas Auguste Poulet-Malassis, l’éditeur des Fleurs du mal. L’homme était originaire d’Alençon. Décrétée célébration nationale, le 150e anniversaire de la publication du célèbre recueil représentait pour la ville normande une aubaine de sortir Auguste Poulet-Malassis de l’oubli et de célébrer le compagnonnage du poète et de l’éditeur. «Tous deux étaient des jouisseurs dandy qui pensent que le paradis est sur terre», décrit Benoît Noël, historien de l’art et spécialiste du XIXe siècle.
Libération - 31 août 2007.

Nous n'avons pas la prétention d'être historien de l'art et encore moins spécialiste du XIXe siècle, et les rapports de Baudelaire avec la catholicisme sont un sujet complexe - il (Baudelaire) adore Dieu, et il nomme Satan écrivait P.J. Jouve -, mais en faire un jouisseur dandy qui pense que le paradis est sur terre est pour le moins une absurdité. On se contentera de renvoyer aux deux dernières stophes qui concluent les Fleurs du mal (édition de 1861).

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

C'est la rentrée littéraire, des écrivaines se crèpent le chignon à propos d'enfants morts et/ou congelés. On s'y perd. Le chroniqueur (Edouard Launet) de Libération (30 août 2007) écrit : C'est bizarre, cette envie qui vient subitement de relire les Trois Mousquetaires. Mais pourquoi s'arrêter au Trois Mousquetaires ?

En feuilletant Valeurs Actuelles (31 août 2007), on peut apprendre, si on ne le sait déjà, que cette phrase de la comtesse de Ségur - « Les vacances étaient près de leur fin ; les enfants s’aimaient tous de plus en plus » - lue jadis dans “La Bibliothèque rose”, Charles de Gaulle confiait qu’elle restait pour lui « la plus mélancolique de la littérature française ». Et puisqu'il nous prend souvent la même envie qu' E.Launet et qu'il nous faut boucler la boucle, on citera cette phrase de Saint-Simon lue il y a peu et tout aussi mélancolique : Je serais trop long si je me mettais à raconter bien des choses que j'ai sues de mon père, qui me font bien regretter mon âge et le sien qui ne m'ont pas permis d'en apprendre davantage.

mardi 28 août 2007

Energie et justesse.

Suite à un article du Monde, lu Servitude et simulacre en temps réel et flux constant - Réfutation des thèses réactionnnaires et révisionnistes du postmodernisme de Jordi Vidal (éditions Allia). Comme d'habitude avec ce genre d'essai - une critique de la postmodernité et de ses corollaires relativistes - avec lequel on est globalement d'accord, arrive le moment où l'on n'arrive pas à cacher son scepticisme. A quoi cela peut-il servir ? Les convaincus le sont déjà et les prosélytes des temps présents ne manqueront pas de vous renvoyer à vos vieilles lunes. Mieux vaut donc lire ou relire Ferdydurke de Gombrowicz où ces choses là ont été, dès 1938, parfaitement dites.
Nous reste alors le style.
En 1722, à 28 ans, suite au succès de son Oedipe, Voltaire par l'intermédiaire d'amis communs, fit la connaissance de Bolingbroke. Il est fort impressioné - je n'ai jamais entendu parler notre langue avec plus d'énergie et de justesse - par celui qui fut l'ami de Swift et de Pope. Energie et justesse donc.

Henry St John,viscount Bolingbroke à Voltaire.

Si vous êtes occupé dans le fonds de votre Normandie, Je ne le suis pas moins dans le fonds de mon hermitage. Les deux pièces que je raccommode sont moy et mon jardin. Le dernier de ces ouvrages répond assez à mes espérances. Ce n'est pas de même de l'autre. En sçavez vous la Raison, mon cher Voltaire? c'est que j'ai commencé à y travailler trop tard. Il n'est pas de l'esprit, ni même du coeur, comme de la terre. Il faut laisser reposer cellecy. Plus elle repose, et plus les moissons deviennent abondantes. Les autres au contraire périssent par le Repos. Ills prennent de mauvaises habitudes qui se laissent difficilement changer, et qui retournent avec grande facilité; semblables à ces terres qui sont couvertes de mauvaises herbes pour avoir été trop long temps en friche. Ces herbes sont arrachées avec une peine extrême, et malgré cela le Laboureur est pris pour dupe. Elles ont déjà jetté leurs graines qui germent dans la terre, et qui luy préparent pour les années suivantes un Renouvellement de travail aussy pénible qu'ingrat. Il y a pourtant, ce me semble, une différence entre l'esprit et le coeur, en faveur du dernier. Si vous réussisez à arracher les mauvaises herbes de celuy cy, le bon froment y viendra à mesure. Mais un esprit qu'on laisse trop longtemps en friche, ne se cultive plus avec avantage. Il devient dur, et stérile comme votre langue, qui ne me fournit pas le mot que Je cherche, et qui est si ridiculement précieuse que je n'ose pas employer l'image qui se présente. Vous disayje ce qui m'à fait perdre tant de temps? pourquoy non? L'indulgence de mon confesseur mérite bien que je pousse ma confession jusqu'au bout. En entrant dans le monde j'ay donné quelques marques de génie qui n'étoient pas communes à tous ceux de mon âge. Le publique y applaudit. Je crus d'abord que ces applaudissements étoient tout aussy faciles à conserver qu'à gagner, et que celuy dont le publique étoit content devoit être content de luymême. Très peu de temps m'a fait revenir de la première de ces Erreurs, J'ay découvert que le publique n'est bon que par étourderie, et qu'au fonds il est malin par principe, qu'il donne quelques des suffrages favorables, mais pour les avoir tels de suite qu'il faut les extorquer. Un temps plus long m'a guéri de la seconde de ces Erreurs, et j'ay appris qu'on n'a pas toujours Raison d'être content de soy quand le publique l'est.
(...)
La Nature donne l'imagination, elle ne donne que la puissance d'acquérir le jugement. L'une ne demande que de la nature, l'autre veut être formé, et voilà ce qui est difficile à faire, si l'on ne commence de bonne heure. Chaque année il devient plus difficile, et après un certain nombre d'années il devient impossible de le porter à un certain degré de force, et à un certain point de précision. Il s'en faut beaucoup que vous ayez ce nombre d'années. Ne croyez pas pour cela que vous ayez du temps à perdre. La Nature vous a donné un grand fonds de bien, dépêchez vous à le faire valoir. Joignez ensemble, il ne tient qu'à vous, deux choses qui se trouvent rarement unies, et dont l'union pourtant forme ce qu'il y a de plus parfait dans notre monde intellectuel; la faculté d'inventer et d'orner, avec celle de tordre ces fils de raisonemens sans le secours des quels il est impossible de tirer la vérité des Recoins de ce Laberinthe où elle se cache fort souvent.
(...)
Je vous remercie de tout mon coeur des sentimens que vous me témoignez, et de l'intérêt que vous prennez à ce qui me regarde. Je crois que je sauveray du bien. Si c'est beaucoup Je dépenseray plus, si c'est peu je dépenseray moins. Dans un cas comme dans l'autre je seray également heureux. Adieu. Je vous aime en vérité de tout mon coeur. En faveur de ma passion pardonnez à ma pédanterie.
(...)
Ce 27 juin 1724, à la Source.

lundi 20 août 2007

Retour ou air du temps.


Maria Schneider - Maigret en meublé (2004).

...ils attendaient de vivre, ils attendaient l'argent.
Georges Perec - Les Choses.

De retour de vacances, au petit matin j'écoute une émission radiophonique consacrée à la cinéphilie. Quelques lieux communs (je n'aurai pas le courage d'écouter l'émission dans son entier) et l'un des interlocuteurs qui déplore qu'un Antonioni ne pourrait aujourd'hui trouver à financer ses films, alors que dans les années soixante et soixante-dix ces derniers étaient de relatifs succès commerciaux. Times are changing. Mais il est vrai comme nous le précise - sans rire - le journal Libération du 20 août, à propos d'un jeune trader : Christophe Edlinger est loin d’être inculte : il a lu tout James Ellroy... On ne va quand même pas lui en demander plus.

La Fille coupée en deux de Chabrol, ça se voudrait du Mirbeau (celui des Affaires sont les affaires) qui ferait des variations autour de Pierre Louÿs (celui de La Femme et le pantin). A la différence près que Mirbeau en créant le personnage de Lechat crée un héros quasi shakespearien, un type universel et par la même intemporel. Alors que le film de Chabrol baigne dans une sorte de sociologie, mais une sociologie complètement datée. Il serait temps que Chabrol apprenne que les boites à partouze ne sont plus l'apanage des notables de province, que le cap d'Agde est plutôt fréquenté par les employés de bureau, que l'industrie pharmaceutique est entre les mains de consortiums financiers et que les traders ont lu tout James Ellroy. Chabrol reste toutefois un maître dans l'art de créer de l'instabilité à l'intérieur de ses séquences ; mais là où le film échoue c'est que cette instabilité qui devrait, par contraste, reposer sur une certaine vérité afin de mieux la miner, s'appuie justement ici sur une représentation qui se voudrait exacte mais qui est de fait complètement (et involontairement) fausse. Le film tourne à vide. A noter que le seul personnage porteur de mystère - le jeune factotum ami de Benoit Magimel - disparait sans aucune explication et qu'à compter de cette disparition (en gros la dernière demi-heure) la mise en scène est inexistante et le film franchement mauvais.

On ne le dira jamais assez, mais le cinéma est un art de la vérité, tout au moins, et en dernière instance, celle des corps. Et cette vérité, il nous semble avoir vu sa beauté, celle de Maria Schneider au regard triste et fatigué, au corps meurtri (elle joue le rôle d'une infirme) dans un modeste téléfilm tiré d'un roman de Simenon.

vendredi 17 août 2007

Prétérition


Filippo Lippi (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

La glorieuse Vierge Marie tire son origine de la tribu de Juda et de la race royale de David...
La Légende dorée - La nativité de la bienheureuse Vierge Marie - Jacques de Voragine.

Fu fra Philippo gratioso et ornato et artificioso sopra modo : valse molto nelle compositioni et varieta, nel colorire, nel rilievo, negli' ornamenti d'ogni sorte, maxime o imitati dal vero o ficti.
La Commedia col commento di Christoforo Landino (1487).

Pour percevoir qu'est-ce qu'il faut ? Il faut déjà que je coupe la chose sur ses bords ; il faut que je l'empêche de communiquer avec les autres choses dans lesquelles elle dissoudrait ses mouvements, avec lesquelles elle fondrait ses mouvements. Comme dit Bergson, il faut bien que je l'isole, il faut bien que j'en fasse une espèce de tableau.
Gilles Deleuze - Cours du 5 janvier 1982.