Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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jeudi 21 juillet 2005

Fin de partie






Fin de saison - Vacances.

(A suivre...)

mercredi 20 juillet 2005

Aveu


Lu dans le JDD cette réflexion d'Eric Neuhoff.
C'est étrange, quand j'y songe. Dans les romans, je me suis toujours identifié à l'auteur. Au cinéma, c'était l'inverse. Je sortais de la salle les lèvres bleues, le regard perdu, et je me prenais pour Redford dans "Nos plus belles années", Léaud dans "Baisers volés", De Niro dans "New York New York". Je vous jure que je n'ai jamais voulu être Pollack, Truffaut ou Scorsese. Alors que le nombre de fois où j'ai voulu ressembler à Nimier, Drieu, Sagan et Cie !
Les références sont celles de Neuhoff, laissons les lui. Encore que Redford dans l'interminable film de Pollack et j'ajouterai - souvenir plus personnel - Helmut Berger dans un très mauvais film de Sergio Gobbi - Un beau monstre - furent les premiers acteurs dont j'ai pu dire - avouer serait même plus exact - qu'ils étaient beaux.
Si je cite ces quelques lignes, c'est qu'elle m'ont marqué, au point d'avoir découpé l'article, mais que je n'arrive toujours pas, au bout du compte, à déterminer leur degré de vérité... S'identifie-t-on plutôt à Fabrice ou à Stendhal, à Humbert Humbert ou à Nabokov ?

J'aurais bien aimé être Francis Scott Fitzgerald ou bien Orson Welles alors même que - autre aveu - les films de ce dernier m'ennuient profondément.

mardi 19 juillet 2005

Rigolus ?


A propos du Comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité, présidé par le député UMP Jean Leonetti.
Pour l'Education nationale, le comité, qui a finalement renoncé à proposer de réduire d'une journée les vacances de la Toussaint, propose de "demander aux enseignants de participer à une journée ou à deux demi-journées de travail, sans la présence des élèves".
"Ce temps pourrait être consacré à l'étude du projet d'école et d'établissement ainsi qu'aux "contrats d'objectifs" liant l'établissement et l'autorité académique", comme le prévoit la loi d'orientation sur l'école du 23 avril dernier.
Il préconise également de "créer plus de fraternité" en consacrant chaque année une journée "à la solidarité de proximité envers les personnes dépendantes".

Dans le journal Libération du 15/07/2005. En conclusion d'un article intitulé : Sarkozy va s'attaquer aux imams radicaux.
Nicolas Sarkozy en profite pour durcir l'Etat policier.
Pas instaurer mais durcir ce qui existerait donc déja!

L'Etat policier - Créer plus de fraternité - Projet d'école....etc. Les mots finissent par tourner tout seul, déconnectés du réel. Il n'est vraiment pas certain qu'il faille s'en réjouir.
Car, si nous en sommes là (en attendant d'être plus loin), c'est pour avoir accepté patiemment, et souvent avec enthousiasme, avec lâcheté ou avec perfidie, d'appeler les choses par le nom qu'elles n'ont pas, que dis-je, de leur donner le nom des choses contraires.
Alexandre Vialatte. (Tu abuses, vieux ! deux fois de suite - Promis, juré c'est la dernière !!!)

samedi 16 juillet 2005

Les oiseaux sont des cons.


Si l'on tape Chaval dans le moteur de recherche Google on obtient le conseil suivant :

Essayez avec cette orthographe : Cheval.

On parie qu'il aurait apprécié. Si l'on persévère on ne trouve que peu de dessins, quatre ou cinq. Ce qui est fort triste.
Alexandre Vialatte fut l'un de ceux qui le comprirent le mieux.
Il y avait l'homme de cro-magnon, l'abominable homme des neiges et l'homme de Chaval.
Ce qui intéresse Chaval, c'est l'homme cosmique, l'homme à l'échelle de l'univers, mesuré aux grands météores, placé en face de la vague ou du gouffre, pendu au bord de la falaise, confronté à la foudre, à la lame, au désert. L'homme de Chaval est un pingouin qui s'est mis le chapeau de Bonaparte.
Son crayon étudie exhaustivement le sexagénaire déconcerté qu'est l'être humain. L'homme de Chaval est toujours ahuri ; ahuri et sexagénaire. Sexagénaire à tête de bois et à la bouche découragée. Il vient, disait Chaval, de Limoges.(1)

Il aurait eu 90 ans. Le 22 janvier 1968, à 53 ans, il mit fin à son existence.

(1) Montage composé d'extraits des Chroniques de La Montagne - A Vialatte.

vendredi 15 juillet 2005

Lettre à W ou modeste éloge du cinéma

W,

Vous écrivez, à propos de La Guerre des mondes de Steven Spielberg : "A part ça, RAS : enfilade de clichés narratifs et de non-événements".
Partons alors d'une image, un exemple parmi d'autres, celle du train en flamme, train fantôme qui vient déchirer l'écran. Et pour ce faire faisons un détour par un terrain que vous affectionnez, celui de la littérature. Donc, le roman de Wells.

Chapitre VII. Les martiens ont lancé une première attaque dans un coin paisible et isolé de la campagne anglaise. Le narrateur y a assisté, il fuit. Après une longue course, au calme, il se demande si toutes ces choses étaient vraiment arrivées.




Over the Maybury arch a train, a billowing tumult of white, firelit smoke, and a long caterpillar of lighted windows, went flying south-clatter, clatter, clap, rap, and it had gone. A dim group of people talked in the gate of one of the houses in the pretty little row of gables that was called Oriental Terrace. It was all so real and so familiar. And that behind me! It was frantic, fantastic! Such things, I told myself, could not be.

Sur le viaduc de Matbury, un train, tumulte mouvant de fumée blanche aux reflets de flammes, continuait son vaste élan vers le sud, longue chenille de fenêtres brillantes : fracas, tapage, tintamarre, et il était déja loin. Un goupe indistinct de gens causait près d'une barrière de la jolie avenue de chalet qu'on appelait Oriental Terrace. Tout cela était si réel et si familier. Et ce que je laissais derrière moi était si affolant, si fantastique ! De telles choses, me disais-je, étaient impossibles.
(Trad : Henry D. Davray)

Un peu plus loin (chapitre XI), alors que la guerre est maintenant à son apogée :
Les flammes de la voie m'intriguèrent d'abord.(...) Je m'aperçus alors que c'étaient des débris d'un train, l'avant brisé et en flammes, les wagons d'arrière encore sur les rails.

L'avion brisé du film est bien sur est l'équivalent du train brisé du roman.
Mais on appréciera encore plus la manière dont les deux images de Wells sont condensées en celle du train en flamme. Plus subtile la façon dont l'apparition du train fait l'objet d'un renversement dans le film. Objet de la quotidienneté dans le roman, il devient objet de terreur dans le film. Effet d'autant plus renforcé que la foule qui assiste au passage du train ne semble nullement surprise, ne manifeste aucun recul. Ce spectacle fait parti de son quotidien ! Et tout cela à partir de la lecture de quelques lignes et d'une attention portée à ces deux petits mots : firelit smoke.. De l'art de s'approprier des images, de les redéployer, de les faire éclore.
On n'insistera pas sur la beauté visuelle de la scène, son inscription dans l'économie du film - dans sa mise en scène - , sur le jeu d'écho avec l'apparition des cadavres le long du fleuve...
A travers ce simple exemple on aura compris que l'on se trouve bien au-delà d'une "enfilade de clichés narratifs" mais plutôt - vous en conviendrez je l'espère - en présence d'une intelligence, d'une pensée. Celle du cinéma.
Bien à vous.

P/Z

mercredi 13 juillet 2005

Is it over?


Juste quelques notes prises à la sortie de War of the Worlds - La guerre des mondes - Steven Spielberg.

Le film n'est pas un objet clos, comme tous les grands films il nous échappe.
Une idée par plan, un plan par idée.

D'abord la fin. Magnifique. Abrupte (fidèle au roman de Wells). Et paradoxalement sans grande concession.

Il conserve l'idée géniale de Wells : les extra-terrestres ne connaissent pas la roue. D'ou l'impression d'une technologie qui serait de l'ordre du biologique (Les tripodes-insectes géants, la caméra-serpent dont on ne saisit pas la texture, le trou du cul qui aspire Cruise / Cronenberg ?). Ils ne peuvent donc être défaits que par des microbes. Ce n'est pas la famille qui gagne mais les microbes. Certainement pas un happy-end. Issue "naturelle" qui n'est pas moralement juste. Un ordre des choses. Ne veut pas que son père lui enlève l'écharde, lui répond qu'elle partira toute seule. Il ne s'agit pas tant d'une invasion, mais plutôt d'un surgissement. Ni pessimisme, ni optimisme. Un constat.
Ironie. Est-ce que ce sont les terroristes? Ou alors les européens!? Ni l'un ni l'autre!. Le film n'est pas construit autour d'une vision paranoïaque. Le mal est là. Tout simplement là
Plan terrifiant de la petite fille dans la cave qui se passe la main dans les cheveux et se débarrasse d'un insecte. Elle lui fait ce qu'ils nous font. Bien entendu le personnage principal c'est elle. Ou plutôt le film c'est aussi la manière dont elle devient le personnage principal.
(Rossellini? - Stromboli - Fanning/Bergman?).

Curieuse impression de voir Cruise filmé, pour la première fois, comme petit. Il a la même taille que son fils. Un père enfant. Ce n'est pas lui qui grandit c'est elle. Fait par moment penser à James Cagney
Au début il conduit un tripode, la grue.
La première partie sortit tout droit d'un film Warner des années 30/40. Science du décor.

La première attaque. Les passants se dissolvent comme des images mais des images dont on pourrait recueillir les cendres.

Intrusion. Le devoir du fils (les français en Algérie), le houmous commandé, Cruise chez son ex-femme, la voiture, le bateau...la necessité de se créer un espace (à la petite fille claustrophobe : c'est ton espace) mais par là même l'exposer à l'intrusion.

Le regard. Nous sommes observés depuis des millions d'années (devenus des images pour nos observateurs?). Il nous faut apprendre à regarder (une caméra sauvera un homme mais les images à la télévision ne nous apprennent rien), changer de statut. Pas dans la fascination, le fils (seul bémol, on ne comprend pas pourquoi il en réchappe) ni dans le rejet (Tim Roth); tous deux sont mortifères. Pas à se regarder (la belle scène ou l'oeil ne verra pas les fugitifs parcequ'ils sont cachés derrière le miroir).

Ce n'est pas le père qui apprend à sa fille à regarder (il ne cesse de lui dire : ne regarde pas..lui bande les yeux), elle doit aussi échapper au regard du père (ne me regarde pas lui dit-elle). Elle deviendra adulte, sujet, parce qu'elle aura vu. Le long du fleuve (à l'inverse de Night of the hunter où le fleuve est un lieu élégiaque ) elle verra le mal.

Regarder c'est créer de la distance.

Un train en flamme qui traverse l'écran. Des morts qui coulent au fil du fleuve. Un paysage inondée d'une pluie de sang. Des vêtements qui virevoltent au vent. La petite fille vue à travers un trou fait dans une vitre brisée. Son oeil éclairé par un carré de lumière.
La faculté, le grand art, de relier le quotidien et le cosmos.

(Ajout) : Toute la mise en scène fonctionne autour du cercle (la foule, les cratères, les trous dans les vitres...) et du déplacement latéral (déplacement de la camera, entrée dans le champ...). Liée à l'oeil (le regard) et à l'intrusion.

Is it over? demande la petite fille. Il semblerait que pour Spielberg la réponse soit négative.
Et à ce non, il va falloir nous y habituer. Le regarder en face.

On peut également lire ceci, ceci, ceci, et cela.

lundi 11 juillet 2005

Littérature pour mineur


Claude Simon est mort. Jamais pu finir Les Géorgiques.
Samedi. Une émission sur Maurice Raphaël. Doriotiste. A la libération Fresnes. En 47, un roman Ainsi soit-il préfacé par Raymond Guérin. En 55 dans une anthologie de jeunes auteurs. Une préface de Queneau. Va falloir aller voir. Rien lu. Enfin presque. Des pseudonymes à la pelle. Ange Bastiani. Victor Saint-Victor. La collection Aphrodite. La bleue. L'éditeur Eurédif. Du cul et des clichés. A treize ans, le cul c'est d'abord des clichés. Ne peut pas être autre chose. Fatalement. Achetés par dizaines. Avec une prédilection pour ceux écrits avec une petite police. Plus de texte. Plus à lire. Premiers effets de la littérature. Pouvoir des mots. L'émotion. Direct. Au creux du bas-ventre. Clichés. Alain Klaern. Le meilleur. Jamais relu bien sur. Trop peur d'être déçu.
Mais subsiste cette question. Qui était Alain Klaern? Ou pour le dire autrement : peut-on vraiment oublier son enfance?

vendredi 8 juillet 2005

En guise de ... un jeu.


WORCESTER

C'était l'hiver et il faisait nuit

Un cinéma passe un double programme
Un thriller américain médiocre avec Charles Bronson et une comédie avec
Diane Cilento
En face un pub jette
Sur le trottoir des flaques de lumières
jaunes
Derrière des vitrines obscures
Des centaines de costumes vides
Des milliers de chaussures vides
Des milliers d'étiquettes carrées
en carton
Où figurent des prix en livres sterling ou parfois en guinées

Cette description est tirée des premières pages d'un roman. Lequel ?
Indice : l'auteur est français, et bien que contemporain il est mort.

mercredi 6 juillet 2005

Elle et Lui


Les mains de Cary Grant. Cette façon qu'il avait de tenir les objets, du bout des doigts, de les faire danser avant de les offrir.
Cary Grant effleurait le monde.
On songe à Astaire qui nous fit croire, au sortir la salle, sur le trottoir d'une avenue mal éclairé, que nous pouvions tous esquisser un pas de danse.
Grant, quant à lui, nous laissait espérer l'élégance.

Remerciements au misterioso mister S.

lundi 4 juillet 2005

Les choses (de la vie).


Le parking souterrain d'un supermarché. Trois ou quatre voitures sont à l'arrêt. Ca bouchonne. Les automobilistes attendent que l'un des leurs termine sa manoeuvre. Dans l'une des voitures, la dernière dans la queue, Elle et Lui. L'autoradio ronronne. On entend de brefs coups de klaxxon qui se font de plus en plus insistants.

ELLE. - Tu as vu, c'est un vieux qui klaxonne. Ca m'agace. C'est toujours les vieux qui klaxonnent. Sont à la retraite, n'ont rien à foutre et ils sont toujours énervés, impatients.
LUI. - C'est normal. Ils sont vieux. N'ont plus beaucoup de temps.

L'automobiliste a terminé sa manoeuvre. La radio continue de ronronner. La file avance.

dimanche 3 juillet 2005

Les choses (vues)


1965.
Les Choses - Georges Perec.

1969.
Le catalogue des objets introuvables - Jacques Carelman.

Juillet 2005, 11h30.
Dans le métropolitain, deux individus en panoplie de rapeurs avec casquette de travers. Ou plûtot ce que je croyais être une casquette de travers. A y regarder de plus près, je constate que la couture du couvre-chef se trouve dans l'axe de la nuque de l'individu qui l'arbore. C'est donc bien la visière qui a été directement cousue sur le coté. Fascinant. La casquette rebelle prêt à l'emploi. Même plus besoin de faire le geste con, il vous est vendu tout chaud.
Perplexité.

Juillet 2005, 12h15.
J'achète les Mémoires de la comtesse de Boigne.

En illustration : Le villebrequin hygiénique de Carelman extrait du Catalogue des objets introuvables - Ed Balland

vendredi 1 juillet 2005

Ma cabane au Canada.


Etat d'esprit : un peu fatigué.
Revu Jaws - Les Dents de la mer - de Spielberg. Sublime plan où l'on voit le bateau s'éloigner à travers la gueule d'un requin accroché à une fenêtre. La communauté et le cosmos.
Robert Shaw (Quint), malgré le doublage, est magnifique. Ce film est beau.
Coïncidence. Le film a tout juste trente ans, et j'apprends que l'on célèbre le 150ème anniversaire de la parution de Leaves of grass - Feuilles d'herbe de Walt Whitman (1819-1892).
Extrait de l'envoi :

ONE'S-SELF I SING.

ONE'S-SELF I sing, a simple separate person,
Yet utter the word Democratic, the word En-Masse.

Je chante le soi-même, une simple personne, séparée
Pourtant je prononce le mot démocratique, le mot En-Masse.
(Trad - R.Asselineau - Aubier)

Je chante la personne simple séparée, le Soi-même,
Cependant que j'exprime le mot Démocratique, le mot En-Masse.
(Trad - J.Darras - Gallimard)

Yet/Cependant/Pourtant... Rapport de l'un aux autres. Dire les deux dans le même temps. C'est cette musique, cette chanson, cette ritournelle - on appelle ritournelle tout ensemble de matières d'expression qui trace un territoire, et qui se développe en motifs territoriaux, en paysages territoriaux (1) - que chante le cinéma américain depuis son origine.
Dire simultanément l'un et les autres, le one's self et le En-masse, c'est aussi créer de la distance ; c'est créer du territoire. Je ne suis pas Deleuzien mais j'aime bien le concept de la ritournelle
Trois temps impliqués les uns dans les autres.
- Créer le territoire pour conjurer le chaos.
- Tracer et habiter le territoire pour maintenir à distance les forces du chaos qui frappent à la porte.
- Sortir du territoire vers un cosmos qui se distingue du chaos.
On va des ritournelles agencées (territoriales, populaires, amoureuses, etc.) à la grande ritournelle machinée cosmique. Mais le travail de création se fait déja dans les premières, il est là tout entier (1).
Le bateau s'éloignait à travers la gueule du requin, les étoiles filantes traverseraient le ciel...
Mais il se fait tard, il faut que j'aille me coucher.

(1) Mille Plateaux - Deleuze - Guattari - Les éditions de Minuit.