Juste quelques notes prises à la sortie de War of the Worlds - La guerre des mondes - Steven Spielberg.

Le film n'est pas un objet clos, comme tous les grands films il nous échappe.
Une idée par plan, un plan par idée.

D'abord la fin. Magnifique. Abrupte (fidèle au roman de Wells). Et paradoxalement sans grande concession.

Il conserve l'idée géniale de Wells : les extra-terrestres ne connaissent pas la roue. D'ou l'impression d'une technologie qui serait de l'ordre du biologique (Les tripodes-insectes géants, la caméra-serpent dont on ne saisit pas la texture, le trou du cul qui aspire Cruise / Cronenberg ?). Ils ne peuvent donc être défaits que par des microbes. Ce n'est pas la famille qui gagne mais les microbes. Certainement pas un happy-end. Issue "naturelle" qui n'est pas moralement juste. Un ordre des choses. Ne veut pas que son père lui enlève l'écharde, lui répond qu'elle partira toute seule. Il ne s'agit pas tant d'une invasion, mais plutôt d'un surgissement. Ni pessimisme, ni optimisme. Un constat.
Ironie. Est-ce que ce sont les terroristes? Ou alors les européens!? Ni l'un ni l'autre!. Le film n'est pas construit autour d'une vision paranoïaque. Le mal est là. Tout simplement là
Plan terrifiant de la petite fille dans la cave qui se passe la main dans les cheveux et se débarrasse d'un insecte. Elle lui fait ce qu'ils nous font. Bien entendu le personnage principal c'est elle. Ou plutôt le film c'est aussi la manière dont elle devient le personnage principal.
(Rossellini? - Stromboli - Fanning/Bergman?).

Curieuse impression de voir Cruise filmé, pour la première fois, comme petit. Il a la même taille que son fils. Un père enfant. Ce n'est pas lui qui grandit c'est elle. Fait par moment penser à James Cagney
Au début il conduit un tripode, la grue.
La première partie sortit tout droit d'un film Warner des années 30/40. Science du décor.

La première attaque. Les passants se dissolvent comme des images mais des images dont on pourrait recueillir les cendres.

Intrusion. Le devoir du fils (les français en Algérie), le houmous commandé, Cruise chez son ex-femme, la voiture, le bateau...la necessité de se créer un espace (à la petite fille claustrophobe : c'est ton espace) mais par là même l'exposer à l'intrusion.

Le regard. Nous sommes observés depuis des millions d'années (devenus des images pour nos observateurs?). Il nous faut apprendre à regarder (une caméra sauvera un homme mais les images à la télévision ne nous apprennent rien), changer de statut. Pas dans la fascination, le fils (seul bémol, on ne comprend pas pourquoi il en réchappe) ni dans le rejet (Tim Roth); tous deux sont mortifères. Pas à se regarder (la belle scène ou l'oeil ne verra pas les fugitifs parcequ'ils sont cachés derrière le miroir).

Ce n'est pas le père qui apprend à sa fille à regarder (il ne cesse de lui dire : ne regarde pas..lui bande les yeux), elle doit aussi échapper au regard du père (ne me regarde pas lui dit-elle). Elle deviendra adulte, sujet, parce qu'elle aura vu. Le long du fleuve (à l'inverse de Night of the hunter où le fleuve est un lieu élégiaque ) elle verra le mal.

Regarder c'est créer de la distance.

Un train en flamme qui traverse l'écran. Des morts qui coulent au fil du fleuve. Un paysage inondée d'une pluie de sang. Des vêtements qui virevoltent au vent. La petite fille vue à travers un trou fait dans une vitre brisée. Son oeil éclairé par un carré de lumière.
La faculté, le grand art, de relier le quotidien et le cosmos.

(Ajout) : Toute la mise en scène fonctionne autour du cercle (la foule, les cratères, les trous dans les vitres...) et du déplacement latéral (déplacement de la camera, entrée dans le champ...). Liée à l'oeil (le regard) et à l'intrusion.

Is it over? demande la petite fille. Il semblerait que pour Spielberg la réponse soit négative.
Et à ce non, il va falloir nous y habituer. Le regarder en face.

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