Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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vendredi 22 juillet 2016

Patachou et la lune



C'est ce petit garçon dont je vous parlais l'autre semaine. On me l'a confié pour un mois ; son père et sa mère voyagent en Espagne. Nous leur écrivons tous les jours.
Patachou saute et danse dans mon jardin de Passy. Il parle aux moineaux et tente de mettre du sel sur la queue du merle. Car il y a un merle qui, après déjeuner, descend sur le sable, sous les marronniers. Les moineaux n'en sont pas effrayés ; ils s'écartent pourtant, avec une manière de déférence, pour le laisser passer. On dirait un autobus dans un embarras de taxis. Le merle siffle, s'envole et se pose sur la tonnelle. Patachou demeure la bouche ouverte, la salière à la main.
C'est un merle, lui dis-je. - Comment le sais-tu ? - Quand j'étais tout petit, on m'a dit, comme je te le dis que c'était un merle. - Quand tu étais tout petit, il n'était pas né. Alors on ne t'a pas dit comment il s'appelait. - Oui mais j'ai connu son grand-père. C'était le grand-père merle ; et son petit-fils, que tu vois, porte le même nom. - II te l'a dit ? - Non ; il ne me l'a pas dit ; mais il s'appelle merle. - S'il ne te l'a pas dit, tu n'en sais rien. - Comment veux-tu qu'il me le dise ? Il ne parle pas. Il siffle. - Oui, mais il n'y a que lui qui sache son vrai nom. Si je ne le disais pas, est-ce qu'on saurait que je m'appelle Patachou ? Si je sifflais, tu croirais peut-être que je m'appelle merle. Quand tu m'appelles Patachou ! je viens.
Il appelle le merle ; le merle s'envole encore.
- Tu vois bien, dit Patachou, qu'il ne s'appelle pas merle.
- Patachou, il faut écrire à ta maman. Nous allons porter la lettre à la poste.
Patachou embrasse l'enveloppe en disant : Bonjour, maman.
- Tu vois, ta maman est à Valladolid. - Alors Valladolid est derrière ce petit trou ? - Oui. - Mais, hier, elle était à Burgos, et nous avons mis la lettre au même endroit. C'est Burgos, hier, qui était là derrière ? - Je veux dire...
Il rêve un instant, puis - J'ai compris. C'est que la terre tourne.
Il est content. Il croit voir, tour à tour, passer toutes les villes d'Espagne derrière la boîte aux lettres. La terre tourne autour de lui. Patachou est le centre du monde.

Patachou fixe au milieu des planètes.

Que d'hommes qui sont pareils à Patachou !
Et les hommes, au fond, ne sont, peut-être, que des enfants dont la candeur s'est un peu fanée.
Tout est à Patachou, le soleil, les étoiles et même la lune. Tout lui fait cortège. Nous avions voyagé toute une journée pour venir à Passy. Nous avions traversé la France. Au crépuscule, Patachou, le nez à la vitre du wagon, pousse un grand cri : - La lune ! - Oui, c'est la lune. - Elle m'a suivi.
Tristan Derème in Le Figaro du 14 mars 1928.

dimanche 17 juillet 2016

La bicyclette et la montagne





Journal de Genève, 19 juillet 1940.