Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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dimanche 29 janvier 2006

De la connerie.

J'aimais éperdument la comtesse de *** ; j'avais vingt ans, et j'étais ingénu ; elle me trompa ; je me fâchai ; elle me quitta. J'étais ingénu, je la regrettai ; j'avais vingt ans, elle me pardonna ; et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes.(Point de lendemain - Vivant Denon)

François Bégaudeau est un garçon dans le vent. François Bégaudeau est critique de cinéma aux Cahiers et romancier. François Bégaudeau a des papiers favorables dans Le Monde, Les Inrocks, le Nouvel Observateur... François Bégaudeau passe sur Canal+. François Bégaudeau est également professeur de français. Sur Canal+, François Bégaudeau a déclaré qu'il ne voyait pas l'intérêt d'enseigner l'usage du passé simple et du point virgule. D'autant que personne ne parle au passé simple, que, pour preuve, son roman est entièrement écrit au passé composé, que ce sont là les derniers vestiges d'une culture bourgeoise discriminante. Une imbécile qui se trouvait à ses cotés s'exclama : "Mais vous devez être un dieu pour vos élèves!". François Bégaudeau admit avoir traité une de ses élèves de pétasse; il y voit le signe paradoxal du rapport d'égalité qu'il a su instituer, puisque en contre-partie il consent aisément à se faire charrier...Le dernier livre de François Bégaudeau s'intitule Entre les murs (1). La quatrième de couverture indique que l'ouvrage s'inspire de l'ordinaire tragi-comique d'un professeur de français, que l'auteur a pour projet de documenter la quotidienneté laborieuse. Pour faire plus simple, je dirais que c'est du Jean-Charles qui aurait lu Bourdieu. François Bégaudeau est un moderne.

Jean Dutourd est un con. Jean Dutourd est un vieux con. Jean Dutourd est un vieux con de droite. Jean Dutourd ne passe pas sur Canal+. Jean Dutourd participe (participait?) aux Grosses Têtes sur RTL. On ne trouve aucun livre de Jean Dutourd à la Fnac. Il se trouve que, peu après avoir écouté François Bégaudeau, j'ai acquis à la brocante - celle où l'on donne ce que l'on veut - Contre les dégouts de la vie (1) de Dutourd. Il s'agit d'un recueil de chroniques - une page et demi, deux maximum - sur des auteurs aussi divers que Maupassant, Svevo, Wilde, Chesterton, Laforgue, ou Gustave le Rouge. J'en oublie. A propos de Souvenirs de deux existences de Giraudoux, il écrit : C'est un carnet de croquis très légers, à peine crayonnés; mais le trait est si souple et si juste qu'on a le sentiment, toujours, de se trouver devant les esquisses d'un maître, lesquelles en disent à coup sûr bien davantage que de vastes tableaux léchés. On ne saurait mieux définir Contre les dégouts de la vie. Dutourd croit en la vérité du style : la littérature ne trompe pas sur le caractère d'un homme. On peut mentir en parlant, c'est impossible quand on écrit. Je veux dire que, même si l'on énonce des choses délibérément inexactes, il y a dans le style une vérité de l'être aussi incontestable que la couleur des yeux ou la longueur du nez. Il faudrait quasiment tout citer. Trois exemples presqu'au hasard.

Sur Maupassant.

Maupassant réussit dans tous les genres mais inégalement (...). Ce qui frappe particulièrement c'est son absence de style (...). Stendhal disait de Mérimée "Il ne touche que huit notes de son piano" (...). Maupassant n'en touche que quatre et elles sont parfois fausses.

Sur Mérimée.

Mérimée démontre une chose étonnante : que la langue française poussée au dernier point de la simplicité et de la clarté est un masque. Paradoxe qui m'a fait comprendre pourquoi Mérimée était l'un des rares auteurs français ayant réussi dans le fantastique.

Sur Chesterton et la série des Father Brown.

Le père Brown croit en l'impossible; il ne croit pas en l'improbable. En une phrase tout est dit.

Au détour d'une page, on apprend que Dutourd aime Jean-Paul de Dadelsen, Armen Lubin, et Henri Thomas ; on s'en étonnerait presque puisque Jean Dutourd est un abruti.
Dans Carmen de Mérimée, Dutourd relève une phrase qui, pour lui est une merveille de style français; elle joint, nous dit-il, la perfection au mouvement.

Elle mit sa mantille devant son nez, et nous voilà dans la rue sans savoir où j'allais.

Subtils passages du passé au présent, du pluriel au singulier.
Comme quoi le passé simple ce n'est pas si con que ça !

(1) Editions Verticales, 2006.
(2) Flammarion, 1986.

mercredi 25 janvier 2006

Deux décisionnaires

En attendant le réparateur de chez Darty.

LETTRE LXXII.

RICA A USBEK.

A***.
Je me trouvai l'autre jour dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui. Dans un quart d'heure, il décida trois questions de morale, quatre problèmes historiques, et cinq points de physique: je n'ai jamais vu un décisionnaire si universel; son esprit ne fut jamais suspendu par le moindre doute. On laissa les sciences; on parla des nouvelles du temps: il décida sur les nouvelles du temps. Je voulus l'attraper, et je dis en moi-même: il faut que je me mette dans mon fort; je vais me réfugier dans mon pays. Je lui parlai de la Perse; mais à peine lui eus-je dis quatre mots, qu'il me donna deux démentis, fondés sur l'autorité de messieurs Tavernier et Chardin. Ah! bon Dieu! dis-je en moi-même, quel homme est-ce là? Il connaîtra tout à l'heure les rues d'Ispahan mieux que moi! Mon parti fut bientôt pris: je me tus, je le laissai parler, et il décide encore.
A Paris, le 8 de la lune de Zilcadé, 1715.
Montesquieu - Lettres persanes.

Toute ressemblance etc....n'est pas fortuite.

Ps : De quelques décisionnaires (1):

Bernard-Henry Lévy déclare avoir écrit son dernier ouvrage, à propos des USA, sous trois ombres, celle de la guerre en Irak, celle d'une élection et celle de Katrina. Un journaliste lui fait remarquer que le livre était terminé 5 mois avant que Katrina ne ravage La Nouvelle-Orléans. BHL de répondre qu'il s'agissait de l'ombre anticipée de Katrina qu'il avait plus ou moins prévu ce qui allait se passer...

Ce matin à 8h15 j'écoute la chronique d'Alexandre Adler sur France Culture. 5mn à nous expliquer et à tirer les conséquences de la victoire du Fatah aux élections palestiniennes. Du Adler pur jus. Que croyez vous qu'il advint? A 11h on peut lire sur le site du Monde : Ahmed Qoreï annonce sa démission et invite le Hamas à former le nouveau gouvernement.

No comment !

(1) Après le passage du réparateur de chez Darty.

mardi 24 janvier 2006

Fictions (fin)

La jeune femme parlait; il était difficile de dire si le garçon l'écoutait, mais de temps à autre il lui souriait. Et chacun de ses sourires, à la manière de ces rochers qui affleurent dans les torrents, interrompait un instant le flot de mots; bref répit car, l'obstacle facilement contourné il repartait de plus belle.
La rame arriva à destination.

Cette baleine venue se noyer dans les eaux de la Tamise m'aura touché plus que je ne l'aurai pensé. Curieusement j'ai pensé au journal de Pepys, à la manière dont il aurait raconté cette histoire, à sa retenue.

(...) et puis traversant le parc (où pour la première fois de ma vie, car il gelait à pierre fendre, j'ai vu des gens faires des glissades avec leurs patins ce qui est un art élégant), me rendant aux appartements de Mr Coventry au Palais de St. James, où nous nous retrouvâmes tous autour d'un paté de venaison (...).
Journal de Samuel Pepys - 1er Décembre 1662.

Je me levai.
Au fond toute cette petite affaire à propos de la graisse romanesque n'est peut-être que la marque du temps qui passe.

samedi 21 janvier 2006

Fictions (Interlude)


Louise Brooks - Die Büchse der Pandora (Pabst - 1929)

Nous allions souvent au cinéma. Dans les petites villes et aux colonies, le film devient une intoxication nécessaire. Les mouvements de l'âme, refoulés par la prudence et la peur, l'écran-traître, sous son manteau couleur de muraille, les libère en vrac. Les pellicules muettes de ce temps-là favorisaient un mystère qui n'a pas résisté au sonore.
Paul Morand - Hécate et ses chiens (1954).

jeudi 19 janvier 2006

Fictions (2)



"Bientôt", pensait Dimitri, la terre se lira à plat, comme une carte : les poteaux-frontières seront couchés et non debout; la nuit, les fleuves épelleront leur nom électrique le long de leurs rives en lettres larges comme un boulevard, et les déserts seront remplis par les majuscules indicatrices de continents.
Paul Morand - Flèche d'Orient (1932).

Copie, faite en 1763 par Mo Yi Tong, d'une carte de 1418. Les ajouts faits par le copiste sont précisés par lui. Le document, acquis en 2001 par le collectioneur Liu Gang, tendrait donc à prouver que, 74 ans avant Cristophe Colomb, l'amiral chinois Zheng He avait découvert l'Amérique. Des analyses spectographiques sont en cours.
Que cette affaire soit authentique ou le produit d'une mystification, au fond m'importe peu...

Pour plus de précisions c'est ici.

mercredi 18 janvier 2006

Fictions

J'ai abandonné Shutter Island, roman policier de Dennis Lehane acheté la semaine dernière, au bout de la moitié du livre. Et suis passé directement aux dernières pages pour vérifier si j'avais vu juste.
Une des raisons pour lesquelles je n'arrive plus à lire les romans dits policiers et encore moins la science-fiction, c'est que j'ai l'impression qu'il y a facilement environ 250 pages de trop. Que tout cela, dénouement final compris, pourrait facilement tenir sur quelques lignes. Que le résumé que l'on pourrait en faire est toujours meilleur que le livre lui-même. Que le roman étouffe sous sa propre graisse romanesque.

Une des raisons pour lesquelles j'aime les journaux littéraires, correspondances et autres mémoires c'est qu'on y trouve assez souvent, à l'état d'esquisses, des déclencheurs, ce qu'il me semble Borges appellera plus tard ficciones.
Dans Les mémoires de la Comtesse de Boigne(1) (Du règne de Louis XVI à 1848) on peut lire, par exemple, le portrait de la princesse Serge Galitzin. Quinze lignes.
Jolie, piquante, bizarre la princesse tombe amoureuse d'un homme dont elle n'a vu que le portrait sur un médaillon trouvé dans on ne sait quel vieux chateau. Elle ne quitte plus le médaillon, et repousse le mari qu'on lui avait donné parce qu'il n'y ressemblait pas. Elle part, voyage à la recherche de l'original du portrait que, bien entendu elle ne trouvera jamais. Là où la chose devient intéressante c'est que chemin faisant, elle s'est fréquemment contentée de ressemblances partielles à ce type imaginaire et que, trouvant tantôt les yeux, tantôt la bouche ou le nez de son sylphe, ellle a été contrainte à diviser sa passion entre nombreuse compagnie.
Une infinité d'amants au nom d'un amour unique. Un amour unique composé d'une infinité d'amants...
Quinze lignes où toutes les explications - fantastiques, érotiques, psychologiques - sont alors possibles; quinze lignes où la fiction ne demande qu'à se dire...

(1) Le Temps retrouvé - Mercure de France.

mardi 17 janvier 2006

Pretty Woman


Pretty Woman (1990)

Le charme était le luxe de ceux qui croyaient encore à la légitimité fondamentale des choses.

samedi 14 janvier 2006

Détails


Acheté un nouveau carnet.
COUNTRY
Bloc bureau
||100 feuilles|70g|format 105x148mm

En parcourant le n° 914 de La Quinzaine littéraire, au détour d'une critique de King Kong, - bien qu'un temps abonné à la Quinzaine, je vivais alors sous les tropiques, je n'ai toujours pu que feuilleter ce journal - j'apprends que la fameuse formule Par ailleurs le cinéma est une industrie (1946) ne serait pas de Malraux, ou plutôt qu'il l'aurait piquée à André Lang (1893-1986). Lang aurait écrit dès 1930 dans le journal Les Annales : Le cinéma est certainement un art, mais évidemment une industrie. Tout ceci n'a guère d'importance mais m'oblige à faire un détour à la Fnac pour consulter le tome IV des oeuvres complètes de Malraux dans La Pléiade. Aucune mention d'André Lang. Après de rapides recherches, il ressort que André Lang a été journaliste, critique, scénariste, romancier, membre du jury du festival de Cannes... bref ce que l'on appelait d'une formule devenue désuète un homme de lettres.

Relevé dans L'Atelier du Roman à propos d'Harry Potter et de ses présupposés pédagogiques (accession à la lecture et à la littérature) les déclarations d'Ana, 20ans, étudiante en chimie au journal Lire: Ce serait dommage de s'arrêter à Harry Potter sous prétexte qu'un monde fabuleux nous est ouvert. Apprécié le commentaire de Lakis Proguidis: Concentrons-nous sur l'essentiel: l'âge d'Ana. Ana très chère Ana, tu as vingt ans ! Réveille toi ! Tu n'es plus une gamine. A ton âge, pauvre Ana, il était une fois, on en était à sa deuxième lecture de Sade.

A la page météo du Parisien (du jour) on y parle de l'astre de vie, des rayons d'Appolon, d'azur, de roi soleil, et des gardes du corps filamenteux prêts à tamiser les éclaircies envoyées par la diva scintillante. Dans le dernier cas je pense qu'il doit s'agir des nuages. Est-ce-là le style habituel de cette rubrique ?

vendredi 13 janvier 2006

En rentrant du boulot

Dans le train

Peupliers et trembles. Dans la dernière clarté horizontale
à une heure où la feuille la plus haute, qui tout le jour
était prise dans la rivière invisible
soudain se fige en un miel de silence.
Jean-Paul de Dadelsen

Une jeune femme termine son sudoku.

mercredi 11 janvier 2006

Journal documentaire.


Mardi 12 avril 2005.
Au moment de créer ce blog, je ne parvenais pas à décider au juste dans laquelle des catégories proposées je devais l'inscrire. J'hésitais d'abord entre les formules "Littérature et poésie" et "Journal intime", qui correspondaient un peu, mais de trop loin, à ma sensibilité et à mes activités. Finalement j'ai opté pour "Santé et beauté", qui me convient assez.
Philippe Billé

Je ne connais pas Philippe Billé et mes seules informations le concernant proviennent de Google. Philippe Billé est traducteur de Nicolas Gomez Davila entre autres, semble avoir été adepte du mail art, et a dressé dans le cadre de ses travaux universitaires, je cite et souligne, un inventaire précis de la faune brésilienne à l’époque des grandes découvertes.
Philippe Billé tient également un blog que je lis régulièrement ; aussi quand il proposa la transcription des années 2004-2005 dudit blog sur un fichier informatique, permettant ainsi de le lire dans l'ordre chronologique, et éventuellement de l'imprimer, je lui en fis la demande.
Ayant procédé à l'impression du fichier (environ 70 pages), je me retrouvais face un objet fini, clos, ce qui eut pour effet de me donner l'envie d'en faire un compte rendu.
Ce qui frappe chez Billé c'est l'extrême attention apportée aux choses, cette capacité à tendre son esprit vers avec pour conséquence une recherche constante de la précision tant dans les faits - Entendu ma première grive musicienne de l'année, sur le parking d'Intermarché à Talence - que dans les mots - Elle (la grive) saisit un escargot qu'elle va casser sur les dalles et le déchire en saccades - ou encore - Chaque fois que je nettoie le sol au pied des arbustes, dans mon jardin de La Croix, je ramasse des cailloux qui n'apparaissaient pas quelques semaines plus tôt, ou seulement quelques jours, et j'ai l'impression que la terre, lassée de les mâcher depuis l'éternité, vient enfin de les recracher.. On n'est d'ailleurs pas loin du style d'un Jules Renard, dans une certaine mise à distance entre l'observateur et la chose observée. Si Billé nous dit aimer la formule selon laquelle la traduction est aussi une forme de contemplation, il avoue aussi compter parmi mes jouets favoris, depuis des années, l'atlas routier Michelin de la France, au 1/200.000, et les cartes topographiques de l'IGN, au 1/25.000. Un centimètre égale deux kilomètres sur le premier, 250 mètres sur les secondes, qui sont donc huit fois plus précises. Ajoutant : Ce serait bien, me dis-je parfois, si l'on pouvait disposer de ces cartes de l'IGN sous forme de livres, comme l'atlas Michelin. Le rapport des échelles étant de 1 à 8, huit volumes suffiraient à l'ouvrage, pensais-je d'abord. Mais à la réflexion je soupçonne que ce chiffre n'est valable que dans une direction, et que pour obtenir le rapport de surface, il conviendrait de multiplier la longueur par la largeur. Il faudrait alors 8 fois 8 = 64 volumes.
C'est dans cet entre-deux, entre contemplation - pas de trace de lyrisme dans ce journal - et objectivité (Beauté et santé), les deux bornes étant exclues de l'intervalle, que se situe Billé. D'où un recours constant à l'humour - les aventures de l'auteur et de ses poules valent leur sac de Purina - et à l'ironie. Je ne sais pas si quelqu'un est payé pour allumer les lumières le matin à la fac, mais il semble que personne ne le soit pour les éteindre à l'heure où elles sont devenues inutiles. Depuis quelque trente ans que je fréquente les lieux, comme étudiant, visiteur et employé, combien de milliers de fois ai-je éteint en passant les lampes qui brûlaient sans raison dans les salles et les couloirs, parfois inondés de soleil? C'est incalculable. Telle aura été une de mes fonctions sociales les plus assidues, celle d'un extincteur bénévole anonyme. On fait ce qu'on peut
On comprend dès lors son intérêt - non exclusif, le journal bruisse également de son amour pour les oiseaux, la Charente, les églises et le catholicisme - pour les journaux littéraires (de longs developpements sont consacrés aux journaux de Michel Ciry, et à Jacques d’Arribehaude). A la question de savoir si ceux ci doivent privilégier l'intime le bas détail ou être constitués principalement de notes de lecture et de réflexions politiques, Billé qui n'a pas l'esprit de sytème répond par un : Tout dépend, je crois, de l'homme et du ton.
Intéressant également ce qui semble avoir été l'itinéraire politique de Billé. Du gauchisme des années 70, Billé semble avoir évolué vers ce que l'on nommera le conservatisme - Peut-être qu'il en sera toujours ainsi, par nécessité: la "droite" comme éternel conservatoire des problèmes à résoudre, la "gauche" comme éternel ministère des remèdes pires que le mal - d'où les ruptures avec les amis passés : C'est vrai que certaines de tes positions vis-à-vis de l'extrême droite ne sont pas partagées par mes proches et moi-même me suis senti un peu heurté par tes convictions et tes propos réguliers sur le sujet. Au-delà de la position de Billé sur tel ou tel sujet, ce à quoi j'ai été sensible, parce que cette itinéraire est aussi le mien, c'est l'horreur qu'il a d'une certaine arrogance où se cotoient la foi dans des lois objectives de l'histoire - nous sommes du coté du bien puisque du coté de l'histoire - et l'activisme subjectif du militant et ce malgré les démentis de l'Histoire. Au grandiose Faire de l'homme ce que nous voulons qu'il soit de Saint-Just, Billé oppose le prosaïque : Parmi le courrier une lettre de Bruno Richard, qui accable de critiques le dernier numéro de ma revue. Il me fait chier, il ne m'aime plus. Au lieu de me dire des méchancetés, qu'il secoue donc sa graisse de vieille feignasse et vienne me retrouver ici, on se boufferait gentiment le nez au coin du feu, peinards, entre ratés de bonne compagnie.
Dans une de ses premières nouvelles Mon ami Bingham, Henry James (c'est ma période James !), auteur dont je suis persuadé qu'il ennuie Billé au plus profond mais il se peut que je me trompe, décrit le dénommé Bingham de la manière suivante : Ces caractéristiques donnaient à sa conversation un charme qui s'expliquait par la stricte indifférence à leur effet et par son peu de disposition à en user pour la galerie.
Voila qui ma foi résume assez bien les charmes du Journal de Philippe Billé

dimanche 8 janvier 2006

Pensées dominicales


Je crois aux forces de l'esprit...
F Mitterrand - 31 décembre 1994.

1) Il y a environ 10 ans le parti socialiste offrait à François Mitterrand une Twingo - la petite voiture "sympa" et "fun" - lors de son départ de l'élysée. Ce jour là, il n'est pas sûr que les forces de l'esprit soient sorties vainqueurs...

2) Je me demande si l'un des charmes du judaïsme - et par la même sa grande force - ne réside pas dans cette capacité inépuisable à apporter des réponses à des questions que l'on ne se pose pas.

samedi 7 janvier 2006

?????

Le feu tinte dans les cloches
Douce est la parole de l'aube
Sous la clef des nuits légères enchainées au coeur des filles

Je suis réveillé tous les matins, sur le coup des six heures, par ces mots. Et suis infoutu d'en retrouver l'auteur.
Une âme charitable peut-elle m'aider ?
Reverdy peut-être ?

vendredi 6 janvier 2006

Généalogie.


Hier.
Promenade quasi quotidienne à la Fnac. Suis attiré par un livre sur la couverture duquel on peut lire, sous la forme d'une liste, les noms suivants: Alessandro Baricco/Homère/Iliade.
Alessandro Baricco est un auteur italien qui connait un certain succès international pour des petits ouvrages écrits gros. Je veux dire par là que la minceur du propos - l'auteur semblant confondre minceur et finesse - y est compensée par la grosseur des signes typographiques. Peut-être faut-il trouver l'origine de cette pratique éditoriale, le récit court étiré par le simple choix de la police de caractère à la taille d'un roman, dans la publication par Hubert Nyssen chez Actes Sud - l'éditeur préféré des filles ; je ne connais pas une fille qui, au cours d'une discussion sur la chose littéraire, ne finisse par vous dire : j'adore cette collection - des nouvelles de Berberova. Mais je m'égare. Ce n'est donc pas tant le nom de Baricco qui me force à consulter le livre, mais plutôt celui d'Homère. Avoir lu les Contes et Légendes, puis à 17 ans le Mimésis d'Erich Auerbach et son fameux premier chapitre sur la comparaison entre le style homérique et style biblique sont des expériences qui laissent des traces. Bref, j'ouvre et commence à lire l'avant-propos.
Baricco a l'idée de donner une lecture publique de l'Iliade. Rapidement il se rend compte de l'énormité de la tâche, il évalue à quarante heures le temps qu'il lui faudrait, se trouve dans l'obligation d'adapter le texte (réécriture, partis pris selon lequel chaque épisode sera raconté à la première personne par le protagoniste principal), et d'opérer des coupes. Il ajoute aussitôt qu'il n'a supprimé aucun épisode, juste les redites, les descriptions... Mais il précise, quelques lignes plus loin, que s'il s'est tenu à cette contrainte, c'est à une exception près : il a éliminé systématiquement les interventions des Dieux. Au motif, je cite de mémoire, que les interventions divines sont étrangères à notre sensibilité moderne. L'Iliade sans les Dieux. Faut le faire.
Je me souviens de Jean Didier Wolfromm au Masque et la Plume - il y a déja de nombreuses années et Wolfromm est mort -à propos de la biographie de Lacan par Roudinesco (722 pages). Wolfromm avait déclaré avoir bien aimé l'ouvrage à l'exception de ce qui concernait la psychanalyse qu'il avait finit par sauter. Je me souviens avoir ri. Hier à la Fnac, je me suis contenté de redéposer le livre de Baricco.

Un peu plus tard.
J'achète Le Monde et lis la critique de Fumaroli sur le dernier Sollers, La Vie Divine. Etrange papier - Fumaroli oppose Houellebecq à Sollers, avec avantage à ce dernier - finalement assez mitigé. Il semble avoir apprécié "le coté cul" - Une Vie Divine commence en fanfare par le portrait de deux adorables Parisiennes, Vénus et Diane d'un François Boucher très tendance, toutes deux méritées et honorées par le narrateur - et l'intelligence aristocratique de Sollers mais déplore son goût pour Mao, Sade, et une gnose athée du mépris, réservée à une poignée clandestine de privilégiée. De fait tout ce qui constitue le fond de sauce de la cuisine sollersienne.
Je soupconne Fumaroli d'avoir lu Sollers à la manière dont je lisais les premiers SAS. Les deux premiers chapitres dans leur intégralité, puis les seules scènes de torture et les scènes sexuelles, et pour finir les seules scènes sexuelles.

Erich Auerbach, Gérard de Villiers, se soir là se sont ouvertes à moi, alors que la nuit tombait, quelques pages de mon Bildungsroman.

jeudi 5 janvier 2006

Ajout.

Un lecteur - voir la note précédente - m'incite à me replonger dans le journal de Gombrowicz.

1954.
Dimanche.

Une tragédie.
J'ai déambulé sous la pluie, chapeau rabattu sur les yeux, col du pardessus relevé, mains enfouies dans les poches.
Puis, rentré chez moi.
Ressorti pour acheter quelque chose à manger.
Et je l'ai mangé.

Concis, non ?

mercredi 4 janvier 2006

Point de vue.



Relevé ces deux remarques dans Le Point de vue (1), nouvelle de Henry James écrite en 1882 dans laquelle il se proposait d'établir une description d'une situation (en l'occurence les Etats Unis d'Amérique), en un échange de lettres alternées, représentatives des points de vue aristocratique et démocratique - tous deux éclairées et sincères (2).

On trouve très peu de gens choquants ici - pas vraiment assez en tous cas, à mon avis - même si on rencontre énormément la vulgarité, ce qui est très différend.

A propos de la jeunesse, c'est là que se trouve l'autre danger, la jeunesse est en train de nous dévorer...il y en a plus que pour eux. le pays est fait pour la génération montante, la vie est organisée en fonction d'eux, et ils sont la mort de toute forme de société. On leur parle, on les considère, on s'en réfère à eux, on se prosterne devant eux. Ils sont partout présents et, en leur présence, plus rien d'autre n'existe (...). En ma qualité de femme de cinquante ans, je proteste. J'exige d'être jugée par mes pairs. Mais il est trop tard car plusieurs milliers de petits pieds s'emploient déja activement à piétiner la conversation, et je ne vois pas comment celle-ci pourrait ne pas finir par succomber bientôt (...). Et par enfants, bien sûr, je n'entends pas simplement les très jeunes enfants mais tout ce qui a moins de vingt ans.

Outre la capacité qu'a James de tirer les lignes de fond de la passion démocratique (confusion des rôles, des comportements, refus de toutes hiérarchisations...), traits communs à une bonne partie de son oeuvre, j'ai trouvé dans la deuxième remarque une réponse à une question que je me suis souvent posé.
D'où vient cette étrange façon qu'a le cinéma américain de filmer les enfants ?



Un exemple ici - Captains Courageous de Victor Fleming (1937). Cliquez sur preview.

Longtemps j'ai cru que ces enfants étaient filmés comme des monstres. Je dois avouer m'être trompé. L'enfant comme pervers, c'est plutôt chez James justement qu'on le trouve (Le Tour d'écrou). Ce que le cinéma américain nous montre ce sont des enfants semblables à des adultes, mis à égalité avec les adultes, et même au-delà - rien à voir avec un sentiment de révolte, pourquoi les privilégiés se révolteraient-ils ? - prêts à nous dévorer, à nous piétiner. Terrifiant.



(1) Traduction : Marie-Rita Micalet - Gallimard.
(2) Carnets (mars 1879).




Remerciement à CdZ pour m'avoir mis sur la piste du film de Victor Fleming

lundi 2 janvier 2006

Arabian nights.

Dimanche. Premier jour, première nuit.
Ecouté les Mille et Une Nuits. En ai profité pour lire des contes dans les traductions de Mardrus (1899-1904), de Galland (1704-1717) et quelques lignes de Borges.

Un habitant du Caire rêve qu'une voix lui ordonne d'aller en Perse, dans la ville d'Ispahan, où l'attend un trésor. Il affronte les périls de ce long voyage et, arrivé à Ispahan, il se couche, épuisé, dans la cour d'une mosquée pour se reposer. Il est, sans le savoir, parmi des voleurs. On les arrête tous et la cadi lui demande pourquoi il est venu dans cette ville. L'Egyptien le lui explique. Le cadi rit à gorge déployée et lui dit: "Homme insensé et crédule, trois fois j'ai rêvé d'une maison au Caire au fond de laquelle il y a un jardin et dans ce jardin un cadran solaire, plus loin une fontaine avec un figuier et sous la fontaine se trouve un trésor. Je n'ai jamais cru à ce mensonge. Je ne veux plus te voir dans Ispahan! Prends cettte monnaie et va-t'en." Notre homme retourne au Caire: il a reconnu dans le rêve du cadi sa propre maison. Il creuse sous sa fontaine et découvre le trésor. (1)
Borges - Sept nuits - Les Mille et Une Nuits.

(1) Résumé d'un conte fait par Borges lors d'une conférence - trad : Françoise Rosset.