Hier.
Promenade quasi quotidienne à la Fnac. Suis attiré par un livre sur la couverture duquel on peut lire, sous la forme d'une liste, les noms suivants: Alessandro Baricco/Homère/Iliade.
Alessandro Baricco est un auteur italien qui connait un certain succès international pour des petits ouvrages écrits gros. Je veux dire par là que la minceur du propos - l'auteur semblant confondre minceur et finesse - y est compensée par la grosseur des signes typographiques. Peut-être faut-il trouver l'origine de cette pratique éditoriale, le récit court étiré par le simple choix de la police de caractère à la taille d'un roman, dans la publication par Hubert Nyssen chez Actes Sud - l'éditeur préféré des filles ; je ne connais pas une fille qui, au cours d'une discussion sur la chose littéraire, ne finisse par vous dire : j'adore cette collection - des nouvelles de Berberova. Mais je m'égare. Ce n'est donc pas tant le nom de Baricco qui me force à consulter le livre, mais plutôt celui d'Homère. Avoir lu les Contes et Légendes, puis à 17 ans le Mimésis d'Erich Auerbach et son fameux premier chapitre sur la comparaison entre le style homérique et style biblique sont des expériences qui laissent des traces. Bref, j'ouvre et commence à lire l'avant-propos.
Baricco a l'idée de donner une lecture publique de l'Iliade. Rapidement il se rend compte de l'énormité de la tâche, il évalue à quarante heures le temps qu'il lui faudrait, se trouve dans l'obligation d'adapter le texte (réécriture, partis pris selon lequel chaque épisode sera raconté à la première personne par le protagoniste principal), et d'opérer des coupes. Il ajoute aussitôt qu'il n'a supprimé aucun épisode, juste les redites, les descriptions... Mais il précise, quelques lignes plus loin, que s'il s'est tenu à cette contrainte, c'est à une exception près : il a éliminé systématiquement les interventions des Dieux. Au motif, je cite de mémoire, que les interventions divines sont étrangères à notre sensibilité moderne. L'Iliade sans les Dieux. Faut le faire.
Je me souviens de Jean Didier Wolfromm au Masque et la Plume - il y a déja de nombreuses années et Wolfromm est mort -à propos de la biographie de Lacan par Roudinesco (722 pages). Wolfromm avait déclaré avoir bien aimé l'ouvrage à l'exception de ce qui concernait la psychanalyse qu'il avait finit par sauter. Je me souviens avoir ri. Hier à la Fnac, je me suis contenté de redéposer le livre de Baricco.

Un peu plus tard.
J'achète Le Monde et lis la critique de Fumaroli sur le dernier Sollers, La Vie Divine. Etrange papier - Fumaroli oppose Houellebecq à Sollers, avec avantage à ce dernier - finalement assez mitigé. Il semble avoir apprécié "le coté cul" - Une Vie Divine commence en fanfare par le portrait de deux adorables Parisiennes, Vénus et Diane d'un François Boucher très tendance, toutes deux méritées et honorées par le narrateur - et l'intelligence aristocratique de Sollers mais déplore son goût pour Mao, Sade, et une gnose athée du mépris, réservée à une poignée clandestine de privilégiée. De fait tout ce qui constitue le fond de sauce de la cuisine sollersienne.
Je soupconne Fumaroli d'avoir lu Sollers à la manière dont je lisais les premiers SAS. Les deux premiers chapitres dans leur intégralité, puis les seules scènes de torture et les scènes sexuelles, et pour finir les seules scènes sexuelles.

Erich Auerbach, Gérard de Villiers, se soir là se sont ouvertes à moi, alors que la nuit tombait, quelques pages de mon Bildungsroman.