Un monde sans femmes - Guillaume Brac.

Il ne faut introduire des évènements que comme des moyens servant à illustrer le champ des sensations humaines, comme des signes extérieurs devant représenter des émotions intérieures.
Joseph Conrad

D'abord et avant tout un monde, sa géographie (la plage, les falaises), ses couleurs (le rouge, le bleu, le vert), ses lieux (la boite de nuit, le marché, le café), ses sons (le travail sur la bande son est très beau), sa météorologie (la fin de l'été, les premiers frimas), ses rites (la pêche à la crevette). Un monde qui semble comme arraché au temps ou plutôt qui se situe dans un temps suspendu, le temps des vacances, le temps de la vacance.
Un monde qui se présente ni comme une utopie ni comme une dystopie, un monde sans femmes. Un homme y vit, seul. Arrivent deux femmes, une mère et sa fille (on les prend pour deux sœurs). L'homme est discret, son désir il ne sait qu'en faire,ce qui frappe chez lui c'est son inactualité. A la façon des moralistes du XVIIème on dira que c'est un caractère. Il n'a pas envie de prendre, il a envie qu'on lui donne. Mais c'est à peine s'il sait interpréter les signes ou alors il en a peur (V. Macaigne est excellent). Il s'agira pour le film de mettre en scène (d'inscrire dans l'espace) les rapports entre cet homme et ces deux femmes (Laure Calamy dans le rôle de la mère est prodigieuse). Les corps se frôleront, se toucheront, s'esquiveront. Le film égrène tout une série de gestes avec une grande subtilité (un faux baiser de la mère à sa fille, un col de chemise relevé, un main prise puis retirée, un baiser refusé, un corps donné). A quel moment un geste se transforme-t-il en désir, de quoi le geste est-il le signe ?
L'été se termine, l’expérience prendra fin. Il n'est pas certain que Sylvain (l'homme s'appelle Sylvain) en tire quelques leçons. Mais de la distance aura été créée entre la mère et la fille, une distance que rien ne viendra jamais plus combler. L'automne est là, le temps est passé. Et dire qu'on continue à faire des gosses.
Epatant.