Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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dimanche 29 avril 2007

Oh nanisme !

M. Asensio écrit comme les petits marquis impotents des romans libertins du XVIIIème se manuelisent : avec fureur, et sa fureur n'a d'égale que son impuissance. M. Asensio aurait tant aimé être un phare de la pensée, mais il n'arrive à s'épandre que sur la toile, espace filandreux s'il en est. A défaut d'être un phare, reconnaissons à M. Asensio une qualité, celle d'être un menhir. Asensio c'est du lourd, on ne va quand même pas lui demander d'avoir l'esprit de finesse. M. Asensio est un homme du ressentiment.
Il se trouve que j'ai suscité la colère du jeune homme pour avoir indiqué soutenir la demande de libération conditionnelle de Nathalie Ménigon (Libérez tous les prisonniers politiques - sauf les Basques). Passons sur le caractère délirant de certaines affirmations portant sur le caractère moldavo-batave (!) de mon patronyme, que me reproche M. Asensio ? Entre autres, de ne pas avoir donné d'explications. M. Asensio aime les explications, et si possible avec des majuscules qui font un bruit de grosse caisse. Tiens, soyons charitable et proposons à M. Asensio un titre pour une nouvelle aventure littéraire : Asensio Boum-Boum.
Il ne vient pas à l'esprit de M. Asensio (pardonnons-lui, il est tout colère) de se demander pour quoi l'on a rapproché cette demande de libération (connotée à gauche) avec un appel pour la refondation de l'école (connoté plutôt à droite) ? Pourquoi cette note s'intitule entre deux tours ? Pourquoi y figure M. Besson ? Que le sujet de cette note est peut-être la notion de fidélité, fidélité à ce que l'on a pu être, à ce que l'on croit, au delà des visions idéologiques. Ce que l'on essaye de faire ici, c'est seulement opérer des rapprochements en souhaitant qu'ils puissent trouver un écho chez un éventuel lecteur. Alors les explications, et les prophètes à la petite semaine !... Ne m'intéressent que les blogs, forme mineure s'il en est, n'en déplaise à M.Asensio, qui mettent en avant une subjectivité.
Mais coupons court, et arrêtons-nous là. Parce que, à dire le vrai, de M. Asensio on n'en a rien à branler !

mercredi 25 avril 2007

Entre deux tours.


Je n'aime pas les gens qui crachent dans la soupe.
Il faudrait les y noyer.

Ce blog soutient :
- la demande de liberté conditionelle de Nathalie Ménigon.
- l'appel pour la refondation de l'école.

dimanche 22 avril 2007

Jour de vote.

A) Comment, après Kant, penser un absolu sans revenir au dogmatisme ? A l'inverse comment penser un en-soi qui ne soit pas qu'un pour-soi ? C'est entre dogmatisme donc (envisager une pensée absolutoire qui ne serait pas absolutiste), et corrélationisme (Par où la pensée peut-elle donc encore se frayer un chemin vers le Dehors ?) que Quentin Meillassoux (1) se fraie une sente avec pour coutelas la clarté et la rigueur démonstrative. Chemin qui mènera dans un premiers temps, on ne peut en indiquer ici tous les méandres, non vers une éclaircie mais vers ce que l'auteur appelle un hyper-Chaos, auquel rien n'est, ou ne parait être, impossible, pas même l'impensable.

Si nous regardons au travers de la fente ainsi ouverte sur l'absolu, nous y découvrons une puissance plutôt menaçante - quelque chose de sourd, capable de détruire les choses comme les mondes ; capable d'engendrer des monstres d'illogismes ; capable aussi bien de ne jamais passer à l'acte ; capable de produire tous les rêves, mais aussi tous les cauchemars ; capable de changements frénétiques et sans ordre, ou à l'inverse, capable de produire un univers immobile jusqu'en ses moindres recoins. Comme une nuée porteuse des plus féroces orages, des plus étranges éclaircies, pour l'heure d'un calme inquiétant. Une Toute-Puissance égale à celle du Dieu cartésien, pouvant toute chose, même l'inconcevable. Mais une Toute-Puissance non-normée, aveugle, extraite des autres perfections divines, et devenue autonome. Une puissance sans bonté ni sagesse, inapte à garantir à la pensée la véracité de ses idées distinctes. C'est bien quelque chose comme un Temps, mais un Temps impensable par la physique - puisque capable de détruire sans cause ni raison toute loi physique - comme par la métaphysique - puisque capable de détruire tout étant déterminé, fût-il un dieu, fût-il Dieu. Ce n'est pas un temps héraclitéen, car il n'est pas loi éternel du devenir, mais l'éternel devenir du possible, et sans loi, de toute loi. C'est un Temps capable de détruire jusqu'au devenir lui-même en faisant advenir, peut-être pour toujours, le Fixe, le Statique, et le Mort.

Comment poser alors les fondements d'un discours scientifique qui présuppose une certaine stabilité, alors que ce que le Chaos ne pourra jamais produire, c'est un étant nécessaire. Tout peut se produire, tout peut avoir eu lieu - sauf quelque chose de nécesaire.
Mais ceci est une autre histoire .

B) Chris Johnson (2) est un mutant. Comme tous les autres mutants Chris Johnson est pourchassé, mais il est doué de prescience. Rien ne pouvait l'étonner. Ce sentiment n'existait pas pour lui. L'emplacement des choses, les relations spatiales de tous les éléments matériels étaient aussi tangibles pour lui que son propre corps (...) il voyait une multitude anormalement variée de scènes pour la demi-heure à venir. Ce laps de temps se subdivisait en configurations distinctes selon un schéma incroyablement embrouillé. Chris Johnson sera fait prisonnier, il ne pouvait pas ne pas l'être. S'engage alors une conversation entre les hommes qui détiennent Chris.

- ... cette créature possède des facultés plus opérationelles que les nôtres ne l'on jamais été. Nous, nous pouvons nous remémorer les expériences passées, les garder en mémoire, en tirer des leçons. Au mieux nous pouvons formuler des hypothèses intelligentes sur l'avenir en nous basant sur des souvenirs. Mais nous ne pouvons avoir de certitudes. Nous devons nous contenter de parler en termes de probabilités. (...) Nous ne faisons que deviner. (...) lui, il peut prévoir. Voir ce qui va arriver. "Prépenser", en quelque sorte. Connaître l'avenir. Il ne le perçoit probablement pas comme tel d'ailleurs. (...) Pour lui, cela ne doit pas se différencier du présent. Sa conception du présent doit être plus large que la nôtre. Le sien s'étend vers l'avant, non vers l'arrière comme chez nous, où il est lié au passé. (...) A mesure qu'il se développera et que l'espèce à laquelle il appartient évoluera, cette faculté de prépensée va certainement s'accroitre. Passer de dix à trente minutes, puis à une heure, un jour, un an. Pour finir, ils auront toute une vie d'avance. Chacun d'eux vivra dans un monde immuable, dénué de tout changement. Sans variables ni incertitudes d'aucune sorte. Sans aucun mouvement ! Ils n'auront rien à craindre. Leur monde sera parfaitement statique, un véritable roc. Et quand la mort surviendra, ils l'accepteront. Il n'y aura pas de lutte : pour eux elle se sera déjà produite.
- Elle se sera déjà produite, répéta Baines.

Comme on le voit, philosophie et fiction spéculatives ne manquent pas de charmes.

(1) Mes remerciements à Anaximandrake.
(2) L'homme doré - Philip K. Dick (trad : F. M. Watkins)

jeudi 12 avril 2007

A propos de...

Dans Mémorables(1), Xénophon rapporte les paroles de Socrate qui explique ce qu'il fait et ce qui compte pour lui.

«Je déroule et parcours en compagnie de mes amis les livres où les anciens sages ont déposé leurs trésors. Si nous y voyons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous regardons comme un grand profit de nous être utiles les uns aux autres. »

Et Xénophon d'ajouter.

Pour moi, quand je l'entendais parler ainsi, je pensais qu'il était réellement heureux...

(1) Xénophon, Mémorables, trad. Chambry.

mercredi 11 avril 2007

Exotisme.

Au loin la mer ; sur l'estran les traces de l'écriture cunéiforme d'une divinité babylonienne oubliée.

mardi 10 avril 2007

Eternité (et actualité).

Alors que les esprits s'échauffent, petit détour par Balzac.(1) Parce que la politique, l'altérité et autres billevesées je m'en fous un peu. Ne m'intéressent plus que les livres, les individus et l'amitié.(2)

Pour refuser de se donner à Montriveau, la Duchesse de Langeais usera de tous les artifices du langage. A la versatilité de son caractère

C'était une femme artificiellement instruite, réellement ignorante ; pleine de sentiments élevés, mais manquant d'une pensée qui les coordonnât ; dépensant les plus riches trésors de l'âme à obéir aux convenances ; prête à braver la société, mais hésitant et arrivant à l'artifice par suite de ses scrupules ; ayant plus d'entêtement que de caractère, plus d'engouement que d'enthousiasme, plus de tête que de coeur ; souverainement femme et souverainement coquette, Parisienne surtout ; aimant l'éclat, les fêtes ne réfléchissant pas, ou réfléchissant trop tard...

correspond la mobilité de ses arguments. Mais les mots ne sont pas sans pouvoir.

La religion dura trois mois. Ce terme expiré, la duchesse, ennuyée de ses redites, livra Dieu pieds et poings liés à son amant. Peut-être craignait-elle, à force de parler éternité, de perpétuer l'amour du général en ce monde et dans l'autre.

et peuvent être quelquefois les plus cruelles des armes.

Mais, madame la duchesse, attirer à soi, en feignant le sentiment, un malheureux privé de toute affection, lui faire comprendre le bonheur dans toute sa plénitude, pour le lui ravir ; lui voler son avenir de félicité ; le tuer non-seulement aujourd'hui, mais dans l'éternité de sa vie, en empoisonnant toutes ses heures et toutes ses pensées, voilà ce que je nomme un épouvantable crime !

Pour ne pas se noyer dans l'éternel présent de la duchesse, Montriveau essaiera de ramener le temps distendu en un instant unique, de fabriquer un moment d'éternité hors du temps, de transformer les mots en acte (il se propose de marquer la duchesse au fer rouge ).

Madame, reprit Armand en la contemplant avec une méprisante froideur, une minute, une seule me suffira pour vous atteindre dans tous les moments de votre vie, la seule éternité dont je puisse disposer, moi. Je ne suis pas Dieu.

On sait qu'il y renoncera, pouvait-il d'ailleurs faire autrement ? On songe à cette anecdote rapportée par Borges dans son Histoire de l'éternité.

Une tradition orale que j'ai recueilie à Genève durant les dernières années de la Première Guerre Mondiale veut que Michel Servet ait dit aux juges qui l'avaient condamné au bûcher : « Je brûlerai, mais ceci n'est rien d'autre qu'un fait. Nous continuerons à discuter dans l'éternité. »

Comment aller alors au-delà du fait et briser le flot des mots ?
Pour la duchesse, la solution consistera à s'immobiliser face à Dieu ; elle en mourra.

Arrivé à la cellule de la soeur Thérèse, Montriveau lut cette inscription : Sub invocatione sanctae, matris Theresae ! La devise était : Adoremus in aeternum.

Pour Montriveau et Balzac (le roman est la transposition des ses amours empêchées avec Mme de Castries) ce sera l'élaboration de ce que l'on peut nommer, faute de mieux, une poétique.

Ah ! ça, dit Ronquerolles à Montriveau quand celui-ci reparut sur le tillac, c'était une femme, maintenant ce n'est rien. Attachons un boulet à chacun de ses pieds, jetons-la dans la mer, et n'y pense plus que comme nous pensons à un livre lu pendant notre enfance.
- Oui, dit Montriveau, car ce n'est plus qu'un poème.

Juste un poème, pas plus mais pas moins. Des mots encore, mais cette fois ci à la fois du langage et du monde. Un instant d'éternité.

(1) Le récit balzacien est fondamentalement impur ; autour du bouchot que constitue la trame romanesque viennent s'enrouler toutes les impuretés que constituent les digressions (politiques, économiques, physiologiques, etc...) de l'auteur. On comprend dès lors l'extrême difficulté d'une adaptation cinématographique, puisque celle-ci implique de facto une opération de décantation qui va à l'encontre de ce qui constituait la substance même du récit.

(2) Et je considère qu'il n'y a rien de moins «raciste» que celui qui déclare ne pas aimer les noirs, les blancs, les arabes, les juifs (on complétera selon ses affinités) mais qui, à son ami noir, blanc, arabe ou juif dira : « Mais avec toi, c'est pas pareil.» Qui face à l'incarnation de sa détestation saura ne plus en tenir compte. Sur la question on ne peut que conseiller à tous la vision de L'Ibis rouge de Jean Pierre Mocky avec Michel Simon.

dimanche 1 avril 2007

Divers.

Gare du Nord (mardi 27).


Via Hugo

Tout le monde, sauf les juges et les agents de police, est tellement habitué, désormais, à envisager les lois au second degré, c’est-à-dire comme le reflet du rapport des forces au sein de la société, qu’on oublie qu’elles puissent être aussi, éventuellement, ce pour quoi elles se donnent d’abord, les instruments de l’harmonie dans les rapports sociaux.
Renaud Camus - Buena Vista Park (1980)

Dans le bus (il y a quelques jours).
Un petit problème de science politique in vivo. Une dame âgée demande à un jeune homme, qui se trouve à quelques places d'elle, de bien vouloir fermer la fenêtre, elle se plaint d'un courant d'air. Le jeune homme refuse : « Si je ferme, on aura le choix entre l'asphyxie et le fait de mourir de chaud. » Il me faut préciser que la température est moyenne, et que si le bus n'est pas bondé, il n'est pas non plus vide. Le ton monte. La dame rétorque en indiquant la plaque sur laquelle il est précisé que la priorité, dans ce type de conflit, doit être donnée à celui qui souhaite la fermeture des fenêtres. Le jeune homme s'énerve. D'une voix forte il déclare que l'on est en démocratie (!), que l'on va voter : « Qui veut laisser la fenêtre ouverte ? » Deux mains se lèvent, le reste des voyageurs est indifférend. La tentative de référendum n'ira pas plus loin. La dame maugrée. Le bus s'arrête. Je dois descendre.
Qu'est ce qu'une loi ou un réglement qui ne s'appliquerait pas, qui ne s'appliquerait jamais puisque l'infinité des situations particulières - on pourra appeler cet ensemble infini : R comme Réel - échapperait à son domaine d'application ?

Collège de France (il y a trois semaine environ).
En attendant le professeur, et alors que ma voisine s'endort, j'écoute d'une oreille indiscrète la conversation qui se déroule juste derrière moi. Une voix masculine débite des clichés à propos de l'art et de la culture japonaise, une voix féminine acquiesce. Il ne semble pas qu'ils se connaissent, je ne décèle pas de familiarité dans l'échange. Juste deux auditeurs qui conversent avec peut-être chez l'homme une volonté, qualifions la de légère, de plaire. L'homme renchérit : «...les films japonais...ce mélange de violence et de douceur...». Une courte pause, et la femme déclare avec ce qu'il faut de retenue pour cacher ce qui peut-être un aveu : « Ce n'est pas fait pour me déplaire. » Un long silence sur lequel je peux me retourner. Ils sont tous deux aux abords de la soixantaine, la femme est encore belle, l'homme a un point rouge au revers de sa veste.

Rue Berger (hier soir).
Après avoir passé un fort agréable moment, j'attends l'organisatrice de cette rencontre avec Renaud Camus. Je consulte mon petit carnet rouge, et relève ces deux aphorismes de Borges qui vérifications faites ont été écrits pour le premier en 1947, et pour le deuxième en 1983.
On ne perd que ce qu'on n'a pas réellement possédé (in Nouvelle réfutation du temps - Autres inquisitions).
Celui-la seul qui est mort est nôtre, seul est nôtre ce que nous avons perdu (...). Il n'y a d'autres paradis que les paradis perdus (in Possession de l'hier - Les Conjurés).
Double mouvement, qui me semble caractéristique, de l'oeuvre de R.Camus. Eprouver le sentiment de la perte alors que l'on n'a pas possédé, et par la même faire sien la totalité des mondes perdus.
Renaud Camus est un survivant.