En feuilletant Le Pot au noir de Louis Chadourne.
Louis Chadourne est né à Brive-la-Gaillarde en 1890. Il écrira en 1919, sur les conseils de Pierre Mac Orlan, un roman d'aventure (Le Maître du Navire), puis en 1920 un roman autobiographique au beau titre (L'Inquiète adolescence) dont Valery Larbaud disait qu'il égalait le Dedalus de Joyce. Il meurt neurasthénique en 1925, après quatre années passées à la maison de santé d'Ivry, de la conjonction d'une blessure de guerre à la tête et d'un amour déçu.
En 1919, à l'initiative de Jean Galmot (le Jean Galmot du Rhum de Cendrars) qui l'accompagnera, il entreprend un voyage vers les Caraïbes, la Guyane et le Venezuela. Il embarque le 10 octobre au bord du Pérou pour revenir au Havre le 30 janvier 1920. Le Pot au noir, paru en 1921, est le récit de ce périple ; de La traversée - Le paquebot est amarré à quai. Ses flancs goudronnés se dressent comme des falaises. Ses bordages sont laqués de blanc, les cheminées de rouge.-, en passant par les Escales, jusqu'au Retour - J'ai vu la vaine frénésie des hommes se débatttre sous la voûte des forêts (...). Toutes ces images, je les ai emportées en moi (...). Et voici que maintenant, penché sur ma richesse, je suis comme un homme altéré qui veut boire au creux de sa main...et l'eau fuit entre ses doigts.
Après douze jours de traversée - Pourquoi la traversée s'achève-t-elle ? Ne glisserait on pas toute la vie, dans cet azur absolu ? - alors que chacun rêve à un voyage sans terme, que l'on a laissé l'ile de La Désirade - O Désirade que nous te désirions peu lorsque sur la mer s'inclinèrent tes pentes couvertes de mancenilliers - il faut bien débarquer dans la rade de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).
Chadourne note :

Au matin, apparaît une baie lisse, plate,vert sombre sous un soleil déja dur. Il pleut - une pluie tiède - sans qu'on voie un seul nuage. "C'est un haut pendu", dit-on. Plusieurs fois par jour tombent ainsi des averses ensoleillées.
Louis Chadourne - Le Pot au noir - La Table Ronde (La Petite Vermillon).

Je ne connais pas cette expression - un haut pendu - mais je me souviens de cette pluie tiède, de ces averses violentes et brèves alors que, dans le même temps, le soleil vous écrase de son poids, de la chaleur enveloppante qui monte peu après de la terre ; je me souviens, les mots je ne les ai jamais oubliés, qu'il y avait toujours l'un de nous pour les dire : "La pluie et le soleil, le diable marie sa fille derrière l'église". Je me souviens de la mer indifférente. Je me souviens de nos rires.

Ps :On pourra lire ici, West-Indies et Demerara, deux poèmes écrits par Chadourne lors de son voyage.