Le meilleur des mondes.

Via l'impeccable Slothorp cette déclaration d'Anne Hidalgo (adjointe au maire de Paris) :
Il faut que la Ville invente des solutions pour un tourisme durable.
à laquelle on se permettra de rajouter celle de Christophe Girard (adjoint au maire de Paris) :
Prendre le tramway est non seulement un plaisir pour sa rapidité, son confort, le respect de l'environnement mais c'est aussi l'occasion de découvrir des oeuvres d'art tout au long du parcours de la Porte d'Ivry à la Porte de Versailles.

How many goodly creatures are there here !
How beauteous mankind is ! O brave New World
That has such people in't.
Tempest, V, 1.

Dans La redevance du fantôme de H.James, cette remarque du narrateur alors qu'il s'apprête à entrouvir une des fenêtres d'une maison qu'il croit hantée.
Le jeu que je jouais là comportait certes des risques : le risque d'être vu de l'intérieur et le risque - plus redoutable encore - de voir moi-même quelque chose que je me repentirais d'avoir vu. (Trad : Marie Canavaggia)
Assez bon résumé de toute l'oeuvre de James, puisque le propre de ses personnages est qu'ils regarderont, seront vus, se repentiront d'avoir vu le tout dans une sorte de boucle sans fin (A voit B qui voit C qui voit..., chacun redoutant et se repentant de ce qu'il observe ; B de voir C, A de voir B qui voit C...).

Au fond ce que nous propose Anne, Christophe et tous les autres c'est de briser cette boucle, d'évacuer le tragique. Ce qu'il nous propose c'est un monde sans arrière plan, un monde dans lequel au dispositif jamesien se substituerait celui de la ronde enfantine. Un monde pour reprendre les propres termes de M.Girard, un monde décoincé : Dans mon esprit, décoincer signifie partager, mélanger, métisser, échanger, et laisser libre cours à une certaine démesure.
Outre qu'on ne voit pas très bien la place que peut occuper l'art dans un tel paysage (le long du parcours de la Porte d'Ivry à la Porte de Versailles ?), il ne faut pas être grand clerc pour prévoir que le retour du refoulé ne se fera pas sans dégats.

Pour terminer, laissons les derniers mots à Henry James :

L'heure et le paysage composaient une des ces impressions qui, en Suisse, compensent quelque peu les conditions outrageantes du voyage moderne : les promiscuités et les vulgarités, la gare et l'hôtel, la patience de troupeau, la lutte pour conquérir des bribes d'attention, l'abaissement à l'état d'unité anonyme.
La Vie privée (Trad : Marie Canavaggia)

(c'est bien entendu moi qui souligne.)