- Le boulevard Sébastopol, la rue de Turbigo, la rue Saint-Martin sont dénués de poésie intime. Il n'y a que la vie ardente du travail. Trop de boutiques, trop de peuple, trop de cris, trop de voitures, trop de marchands, trop d'appels incessants et vulgaires !
Un ami me dit avoir apprécié cette description tirée du Journal de l'abbé Mugnier en date du 12 novembre 1879. Mon ami y reconnaît ce quartier de Paris tel qu'il est - selon lui - encore aujourd'hui.
En rentrant, je me dis qu'il se pourrait bien qu'on lise des romans pour constater, au-delà des personnages et des situations, une certaine intemporalité des sentiments. Alors que la lecture des mémoires et autres journaux nous amène à éprouver, au-delà des changements, la permanence des lieux. Et que l'âge venant on en arrive à préférer la géographie aux sentiments. Et que finalement on ne lit pas tant pour connaître que pour reconnaître.

«Je crois qu’on pourra réussir à avoir ce monsieur à dîner, continua Flora; quand on le met sur Maubant ou sur Mme Materna, il parle des heures sans s’arrêter.» «Ce doit être délicieux», soupira mon grand-père dans l’esprit de qui la nature avait malheureusement aussi complètement omis d’inclure la possibilité de s’intéresser passionnément aux coopératives suédoises ou à la composition des rôles de Maubant, qu’elle avait oublié de fournir celui des sœurs de ma grand’mère du petit grain de sel qu’il faut ajouter soi-même pour y trouver quelque saveur, à un récit sur la vie intime de Molé ou du comte de Paris. «Tenez, dit Swann à mon grand-père, ce que je vais vous dire a plus de rapports que cela n’en a l’air avec ce que vous me demandiez, car sur certains points les choses n’ont pas énormément changé. Je relisais ce matin dans Saint-Simon quelque chose qui vous aurait amusé.
Du coté de chez Swann.

J'avais été fort troublé lorsque ma belle-mère à qui j'avais prêté un roman de Modiano (lequel ? la question n'a bien entendu pas de sens puisque tout le projet de Modiano est qu'à cette question la seule réponse possible soit : je ne sais plus) m'avait déclaré découvrir dans l'un des appartements décrits l'un de ceux qu'elle avait fait visité, à maintes reprises, à d'éventuels acquéreurs.

- Relevé dans Mon plus calme visage, Et autres journaux de guerre de Raymond Dumay, réédité à La Table Ronde, cette annotation à propos d'un jeune Tartuffe.
J'ai cru deviner qu'il a voulu lui-même se laisser découvrir, car si le boxeur triomphe sur le ring, l'hypocrite ne peut triompher si son vice n'est révélé.
L'idée est assez belle.
Songé à un personnage de roman ou de nouvelle qui, à la manière du joueur au casino qui joue fondamentalement pour perdre, pour éprouver le sentiment de la perte, un personnage donc qui mentirait non pas tant pour cacher une vérité mais pour que justement son mensonge soit révélé, pour qu'il soit constitué au yeux de tous en tant que mensonge
(à creuser)