Les Noces de Cana (1562-1563) - Véronèse
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Et le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée,


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et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à la noce, ainsi que ses disciples.
Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont pas de vin. » Et Jésus lui dit : « Que me veux-tu, femme ? mon heure n'est pas encore arrivée. » Sa mère dit aux servants : « Faites tout ce qu'il vous dira. »


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Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux servants : « Remplissez d'eau ces jarres. » Et ils les remplirent jusqu'au bord. Et il leur dit : « Puisez maintenant, et portez-en à l'intendant du festin. » Quand l'intendant eut gouté l'eau devenu vin (et il ne savait pas d'où cela venait, mais les servants le savaient, eux qui avaient puisé l'eau),


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l'intendant appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert d'abord le bon vin, et quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi tu as gardé le bon vin jusqu'à présent. »
Tel fut le premier des signes de Jésus; il le fit à Cana de Galilé.
Jean 2,1 - 2,11 (trad: E.Osty)

- Le ciné club de Ruines Circulaires ?... c'est pas du Cécil B. DeMille...
- Encore que... le coté grand spectacle.
- C'est vrai que tout y est.
- Pour te dire la vérité, j'ai renoncé à comprendre l'organisation spatiale du tableau, entre les divers points de fuite et la multiplication des horizontales je m'y perds un peu.
- Je vais te faire un aveu moi aussi... On doit être au moins d'accord sur la composition autour d'un axe central symbolique représenté par l'os rongé par le chien, le sablier, la figure du Christ, et la découpe sacrificielle au centre du tableau située à l'intersection entre cette verticale et l'axe horizontal que forme la balustrade.
- Bien sur. Mais je dois dire que ce n'est pas ce qui m'impressionne le plus.
- Ah bon ?
- D'accord, je me lance... comment représenter un miracle?... l'eau devenu vin?...le passage de l'eau au vin... l'ellipse du texte : Et il leur dit : « Puisez maintenant, et portez-en à l'intendant du festin. » Quand l'intendant eut gouté l'eau devenu vin... La solution apportée par Véronèse est particulièrement saisissante. C'est, me semble-t-il, l'utilisation magistrale du raccourci (scorcio) pour représenter le serviteur en jaune qui verse le vin. Baxandall définit le raccourci comme un objet long, vu à partir de l'une de ses extrémités, de telle façon qu'à l'oeil il se présente comme court, et l'exercice mental qui consiste à déduire le long du court... Si cette technique fut abondamment utilisée pendant le Quattrocento, elle l'est beaucoup moins au XVIème siécle où on la considère comme trop habile, trop virtuose. Dans son Dialogo della pittura, paru en 1557, (je cite Baxandall) Lodovico Dolce recommande au peintre de n'utiliser ce procédé que de façon occasionnelle pour montrer qu'il en est capable. Mais seulement exceptionnellement.
Le raccourci est donc un exercice mental qui requiert la participation du spectateur qui dans le même mouvement doit penser le court et le long, le loin et le proche, la proximité et la distance. Qui doit passer de l'un à l'autre, d'une polarité à l'autre... de l'eau au vin...il est là le miracle... Au fond c'est toujours la même chose...
- Quoi ?
- La mise en scène c'est une forme qui devient une pensée...
-...Et ben... A part ça ?...
- On s'est fait piler par les Argentins...
- J'ai vu, mais il y a un truc qui me turlupine... Pourquoi on ne le voit jamais en plan de coupe Sarkozy, après une défaite de l'équipe de France ?