En réponse à Michel Crépu et à son édito mobile du 13 septembre 2010.

La mise en scène de Chabrol repose un principe d'invisibilité (leçon qu'il a apprise de Lang et de Simenon), ce qui ne signifie pas absence de style. Construite autour de formes géométriques, elle laisse apparaître des éclats qui, à la manière d'un Aldrich (une certaine forme de vulgarité), visent à la dissonance.
Au delà d'une sociologie devenue datée (la fameuse tarte à la crème balzacienne), Chabrol fut l'un des rares qui sut relier le quotidien au cosmique. Je pense, entre autres et les exemples seraient nombreux, au panoramique de Que la bête meure qui se conclut sur un paysan figure du destin. Il est bien entendu arriver à Chabrol de rater certains films (il le reconnaissait lui-même), mais il y avait toujours une idée donc un plan à sauver. Et si Folies bourgeoises est probablement un très mauvais film, le plan final sur les statues qui cherchent à s'éteindre reste magnifique.
Plus que du coté de Balzac, c'est du coté de Flaubert (sa Madame Bovary mériterait d'être réhabilitée) qu'il faut regarder. Du coté d'une fascination pour la bêtise et du vertige qu'elle procure. Le héros chabrolien est un être seul en proie au déséquilibre qui se regarde tomber.
Chabrol est en quelque sorte un anti-Pialat (cinéaste que j'aime beaucoup et plus complexe que ne le laisse à penser ses épigones)) et sa mise en scène, à son meilleur, vient pervertir le réalisme supposé de son propos. C'est en ce sens qu'on ne lui voit pas de descendance dans le cinéma français contemporain (pour schématiser et faire vite un axe Renoir/ Pialat et parallèlement un axe Bresson/Dumont) ni d'ailleurs vraiment de père.
Chabrol était un cinéaste unique.