Caravage - Le reniement de Saint Pierre (1610)

Cependant Pierre étant en bas dans la cour, une des servantes du grand-prêtre y vint;
et l'ayant vu qui se chauffait, après l'avoir considéré, elle lui dit : Vous étiez aussi avec Jésus de Nazareth.
Mais il le nia, en disant : Je ne le connais point, et je ne sais pas ce que vous dites.
Marc 14. 66-68 (Traduction Le Maistre de Sacy).

...et Pierre le suivait de loin.
Or ces gens ayant allumé un feu au milieu de la cour, et s'étant assis autour, Pierre s'assit aussi parmi eux.
Une servante qui le vit assis devant le feu, le considéra attentivement, et dit : Celui-ci était aussi avec cet homme.
Mais Pierre le renonça, en disant : Femme je ne le connais point.
Luc 22. 54-57 (Traduction Le Maistre de Sacy).

La servante au centre de la toile, elle désigne Pierre de deux doigts affirmatifs qui se veulent dénonciateurs : Lui aussi était avec l'homme.
A gauche, le garde montre l’apôtre d'un doigt (2+1=3). Il est interrogatif : Est-ce toi, est-ce vrai ?
A droite, Pierre dans une attitude de reniement, les mains retournées contre la poitrine, le front ridé par ce qui est de la peur. Attitude de lâche, il lui faut sauver sa peau : Moi, non, il y a méprise !
Le tableau est sombre. La lumière vient de la gauche (elle n'émane pas du feu que l'on devine dans le fond du tableau), on ne sait d'où ? Elle renforce l'expression de Pierre. On distingue mal le soldat, le métal de son armure capte un rayon lumineux. Son corps fait écran, plongeant la servante dans la pénombre à l'exception de ses yeux.
D'abord le regard est attiré par la présence de l'apôtre, puis il se déplace vers la servante. Elle ne dévisage pas Pierre mais ne regarde pas non plus le soldat. Elle semble regarder au-delà, perdue dans une sorte de rêverie.

Après avoir rencontré Monseigneur Myriel et s'être fait pardonner le vol des couverts d'argent que l’évêque lui donnera - Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition, et je la donne à Dieu - Jean Valjean vole une pièce à un jeune vagabond à peine âgé d'une dizaine d'années. Il prend alors conscience de la gravité de son acte.
Quoi qu’il en soit, cette dernière mauvaise action eut sur lui un effet décisif ; elle traversa brusquement ce chaos qu’il avait dans l’intelligence et le dissipa, mit d’un côté les épaisseurs obscures et de l’autre la lumière, et agit sur son âme, dans l’état où elle se trouvait, comme de certains réactifs chimiques agissent sur un mélange trouble en précipitant un élément et en clarifiant l’autre.
Ombre et lumière.
Puis.
Son cerveau était dans un de ces moments violents et pourtant affreusement calmes où la rêverie est si profonde qu’elle absorbe la réalité. On ne voit plus les objets qu’on a devant soi, et l’on voit comme en dehors de soi les figures qu’on a dans l’esprit. Il se contempla donc, pour ainsi dire, face à face, et en même temps, à travers cette hallucination, il voyait dans une profondeur mystérieuse une sorte de lumière qu’il prit d’abord pour un flambeau. Cette lumière c'est celle de l'évêque.
Par un de ces effets singuliers qui sont propres à ces sortes d’extases, à mesure que sa rêverie se prolongeait, l’évêque grandissait et resplendissait à ses yeux, Jean Valjean s’amoindrissait et s’effaçait. À un certain moment il ne fut plus qu’une ombre. Tout à coup il disparut. L’évêque seul était resté.
Il remplissait toute l’âme de ce misérable d’un rayonnement magnifique.

Ce que voit la servante au delà du tableau, c'est la Lumière.
Ce que peint ici Caravage, ce n'est ni plus ni moins que l'instant d'une conversion.