La patience de Mauricette de Lucien Suel, La table ronde, 2009

Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi: Ta houlette et ton bâton me rassurent.
Psaume 23

Je vais te raconter mes histoires. Je sais le commencement. Le commencement c'est le mot.
La patience de Mauricette.

Au commencement étaient les mots, ceux de Mauricette Beaussard, soixante-quinze ans, qui a disparu de l'hôpital où l'on soigne sa santé mentale. Ceux qui racontent l'histoire de sa vie, ses drames, ceux de maintenant ou d'avant dans l'autrefois qui demeure dans ma tête. Ceux avec lesquels elle joue : je suis hospitalisée. En os, en Italie.
Ceux de la poésie, une poésie du souffle, des éléments, poésie nouée à l'être et qui pouvait se confondre avec une forme de folie. Une poésie où la personne souffrante ou joyeuse devenait elle-même le poème.
Ceux de Christophe Moreel, cheval noir en flamand l'ami de Mauricette parti à sa recherche et qui nous racontent l'histoire de cette amitié.
Et enfin au bout du compte ceux de Lucien Suel lui-même. Tu n'es pas schizophrène, tu es polyphrène ! avait dit un jour Christophe à Mauricette et on aura compris que le compliment peut-être également adressé à l'auteur.
Et puisque tout est affaire de mot, signalons une occurrence de patience quelque peu oubliée. C'est celle qui définit la patience comme une plante voisine de l'oseille aux vertus dépuratives. Le mot dans cette acception aurait pour origine la forme latine lapatium qui prononcé lapation par glissement euphonique permet le jeu de mot, dont on trouve une trace dans Rabelais, avec la passion. Ce que nous raconte L.Suel, c'est la passion de Mauricette, son chemin non vers la guérison mais vers ce mot devenu désuet l'amour. Je sais la chose qui me rend la plus malade. C'est la douleur de ma vie mais la souffrance devient l'amour du monde sous mes pieds et dans mes yeux. On m'a visitée. Je ne guérirai peut-être pas complètement mais je suis passée à un grand amour sur la planète (...) Je ne suis pas malheureuse. Je suis libre. Je continue. C'est peut-être la grâce.
Qu'il nous soit permis d'ajouter la grâce surement.
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