Le nouveau gardien de mon immeuble m'énerve. Il est portugais. Ce n'est pas la raison pour laquelle il m'énerve quoiqu'il essaye vainement, il parle très mal le français, de m'initier aux joies et mystères du championnat lusitanien de futebol, m'obligeant, par lâcheté, hypocrisie ou politesse, à accompagner son sabir de oui incertains et de dodelinements de la tête. Non s'il m'énerve c'est à cause de sa tournure d'esprit.
Il y a quelques jours, c'était un matin, je le croisai, alors qu'il passait la toile mouillée, dans les escaliers. Je prends la mine du travailleur pressé, lui adresse un bonjour auquel il me répond en substance (je traduis ces propos).
- C'est la décadence, l'immeuble part à vau-l'eau...
Je m'arrête, surpris par cette remarque. Rien ne me semble avoir changé. Que veut-il me dire ?
C'est alors qu'il me montre son seau et me fait remarquer (je résume encore) que ce dernier est cassé, qu'un bon ouvrier doit avoir de bons outils, qu'il est désolé de n'être pas à la hauteur de sa tâche etc...
J'écoute intrigué.
Quand d'un coup je comprends. Tel un aérostier, il est en train de lacher du lest afin que la nacelle de son ego prenne de l'altitude, ce qu'il attend c'est que je fasse office de brûleur pour permettre la dilatation de son moi.
- Mais non monsieur, tout va bien...
Je m'y suis refusé.
C'est qu'il me fit penser à un ancien camarade de classe, nous étions en première, qui, bien qu'ayant des notes honorables en Physique-chimie, s'exclamait lors de la remise des copies de manière ostentatoire : je suis nul, vraiment nul...
Mais il est vrai que les miennes étaient particulièrement mauvaises.