Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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mercredi 30 juillet 2008

Flemme.

Je pars en vacances dans peu de temps, ce truc tourne depuis quelques jours, j'ai le goût de la facilité...

1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?
Aucun. Je n'ai aucun souvenir d'avoir appris à lire. Arrivé en cours préparatoire, le deuxième ou le troisième jour on me fit passer au tableau où je sus déchiffrer le texte qui y était écrit. Dans l'heure qui suivit je passai en cours élémentaire 1ère année.

2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ?
(Posons que l'enfance s'arrête à 12/13 ans)
La série des Contes et Légendes, Verne, Alice au pays des merveilles, Les voyages de Gulliver, Fictions, les journaux, Pierrot mon ami, Tintin, Fiction, Charlie mensuel.

3) Aimez-vous la lecture à haute voix ?
Je ne lis pas à haute voix.

4) Votre conte préféré ?
Ali Baba.

5) La meilleure adaptation d’un roman ou d’une pièce de théâtre ?
La question n'a guère de sens, la plupart des bons films sont tirés de mauvais livres ou dans le meilleur des cas de livres mineurs que je n'ai pas lus.

6) Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre, passages de roman ?
Non. Adolescent j'ai appris quelques vers de Baudelaire pour épater les filles.

8) Avez-vous plusieurs lectures en chantier ? Combien ? Lesquelles ?
2666 de Roberto Bolaño, Le bonheur du temps de José Cabanis, le Jing Ping Mei.

9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire ?
Baudelaire.

10) Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ?
Le plus rapidement : la liste serait trop longue.
Le plus lentement : peut-être Au dessus du Volcan.

11) Préférez-vous les éditions de poche aux originales ? Pourquoi ?
Je n'y attache aucune importance.

12) Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ?
Ulysse, les deux tomes de Borges dans la Pléiade, Balzac et son monde de Félicien Marceau, le Journal de Renard, un Balzac.

13) Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ?
Assis, couché, debout, en marchant.

14) Vos lectures sont-elles commentées crayon en main ?
Je souligne et marque des pages d'un XX.

15) Offrez-vous des livres ?
Très souvent. Qu'offrir d'autre ?

16) La plus belle dédicace, que ce soit de l’auteur ou de la personne qui vous l’offrit ?
Pas ou peu de livres dédicacés.

17) Quel est votre rapport sensuel au livre ? (Odeur, texture, etc.)
Pas de rapport sensuel mais j'ai toujours un livre sur moi. J'ai passé mes douze mois de service militaire avec La Rabouilleuse de Balzac dans la poche de mon treillis, y compris pendant un stage commando, les séances de tir et les semaines de manoeuvre.

18 ) Quels sont les auteurs dont vous avez lu les œuvres intégrales ?
La notion d'oeuvre intégrale mériterait d'être définie. Doit-on-y-inclure la correspondance, les articles etc ?... si oui, probablement aucun.

19) Un livre qui vous a particulièrement fait rire ?
Ces Corps vils de Waugh.

20) Un livre qui vous a particulièrement ému ?
Ces Corps vils de Waugh.

21) Le livre qui vous a terrifié ?
Le Terrier de Kafka.

22) Le livre qui vous a fait pleurer ?
La Folie Almayer de Conrad.

23) L’avertissement / l’introduction qui vous a le plus marqué ?
La préface de Valéry aux Lettres Persanes.

24) Le titre le plus marquant, original, décalé, astucieux ?
Le voyage au bout de la nuit. Ti Jean l'Horizon (conte dont il me reste seulement le titre).

25) Décrivez votre bibliothèque.
Le foutoir le plus complet. Aucun classement, des livres sur la tranche, à plat, sur deux rangées, dans toutes les pièces. Il m'arrive de racheter un titre par flemme de le chercher. Ce fut le cas pour le Cabanis. Il n'est pas une semaine sans que je ne dise : « on m'a volé mon...» ou « Julien (c'est mon fils), j'avais un... (suit le titre, l'auteur, l'éditeur, le format) tu ne peux pas me le retrouver ? »

26) Les livres dont vous vous êtes finalement débarrassé ?
Quelques Chase. Mais à priori je garde tout.

27) L’endroit le plus insolite où vous lisez ?
En promenant le chien, la laisse dans une main, un livre dans l'autre.

28 ) Il ne vous reste que trois jours à vivre : que souhaitez-vous lire ou relire ?
Je laisserai faire le hasard.

29) Votre livre d’art préféré ?
L'Oeil du Quattrocento de Baxandall.

30) La bibliothèque idéale ?
Celle des autres, du moins ceux que je considère comme des lecteurs.

31) Le début de roman qui vous a le plus marqué ?
J'aimais éperdument la comtesse de *** ; j'avais vingt ans, et j'étais ingénu... ou The first time I saw Terry Lennox he was drunk.

32) La clausule qui vous a le plus marqué ?
… and yes I said yes I will Yes. ou « Oui, peut-être bien ? C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! » dit Deslauriers.

dimanche 27 juillet 2008

Créolisme, pages roses et fait divers.


Géricault

Un ancien jeune homme nous informe qu'il eut, en temps longtemps, pour devise : J'attends les cosaques (ou, pour faire plus chic, les Chinois) et le Saint-Esprit. O tempora, o mores ! Les cosaques ont troqué leurs chevaux contre des BMW et défilent sur la Croisette, quand au Saint-Esprit, je crains, s'il faut en croire un récent fait divers italien, que disparaître ne l'ait pris.

jeudi 24 juillet 2008

Rêve.

Suite à l'écoute de deux émissions de radio, je lis Le théorème d'Almodovar de Antoni Casas Ros (pas encore terminé) et parcours Ubik de Dick. Coincidence, les deux romans décrivent, à leur façon et ce dès les premières pages, des états semblables.

J'imagine le cosmos entier composé de suspensions hétéroclites. Une orange croiserait une équation, un arbre un papillon, un rhinocéros une danseuse de flamenco, et moi, mes quarks dansants, éparpillés, je jouirais de ces rencontres fortuites. Sans la pesanteur des corps, nulle fatigue.
Le théorème d'Almodovar

Que ressent-on, s'interrogeait-il, en menant une semi-vie ? Ce que Ella lui en avait dit ne pouvait pas le renseigner; la connaissance du phénomène, sa réalité même ne pouvait être transmise. Une fois, elle lui avait parlé de la gravité, en disant qu'on se mettait à flotter, de plus en plus. Quand la semi-vie prend fin, avait-elle dit, je pense qu'on doit flotter hors du système solaire, dériver parmi les étoiles.
Ubik

Eprouver le sentiment de flotter, de dériver (ou à contrario de chuter) est le lot commun de tous et fait partie de ces expériences primordiales que nous offrent les rêves. Il est cependant une expérience humaine, hormis sa propre mort bien entendu, qui échappe au domaine des songes; il me semble ne l'avoir jamais éprouvée au cours de mes rêveries ou de mes cauchemars, encore que je n'en garde guère le souvenir, c'est celle de l'Ennui.

dimanche 20 juillet 2008

Histoire d'amour.

Pour Badiou, l’amour est une rencontre à laquelle il donne le statut métaphysique de l’événement : événement, car rien n’appelle la rencontre, au contraire, tout s’y oppose, loi des clans ou convenances sociales. Evénement surtout parce que, dans l’amour, il se passe quelque chose : le monde s’éprouve non plus sur le registre de la singularité, mais sur celui de la différence, c’est-à-dire l’universel.
Platon disait : Quand j’admire un beau corps, je suis en route vers l’Idée. Chez Claudel, l’amour est le franchissement de quelque chose qui apparaissait comme impossible. D’où un savoureux parallèle avec la dernière campagne publicitaire pour le site de rencontre Meetic, dont les slogans (Ayez l’amour sans le hasard, On peut être amoureux sans tomber amoureux) expriment une conception de l’amour comme une suite de possibilités parmi lesquelles faire le meilleur choix. C’est pourquoi je dis que les mariages arrangés n’ont pas disparu. C’est l’amour zéro risque, comme on parle de la guerre zéro mort.
La pulsion amoureuse selon Badiou in Libération du 15 juillet 2008.

Avez-vous remarqué tout ce qu’il y a de fortuit là-dedans ? Il a fallu que tous ces événements arrivassent le seul jour de toute l’année où il a fait, où il a pu faire assez froid pour nécessiter du feu ; et, sans ce feu et sans l’intervention du chien au moment précis où il a paru, je n’aurais jamais eu connaissance de la tête de mort et n’aurais jamais possédé ce trésor.
Le Scarabé d'or - Edgar Allan Poe (traduction : C. Baudelaire)

vendredi 18 juillet 2008

Histoire d'eau.


Vu Fringe le pilote de la nouvelle série de J.J. Abrams dont on nous laisse entendre qu'il a été mis à disposition sur les sites de Peer-to-Peer par le wonder-boy lui-même. Pour faire vite et recourir à un système de notation utilisé ailleurs, on dira que ça vaut un D.
Plus curieusement j'ai pensé à contrario à Abyss. Il y a dans ce pilote et dans le film de Cameron le projet commun de revisiter un bon nombre de formes cinématographiques (et télévisuelles pour Fringe) du passé. Or autant Abyss, film important selon moi puisqu'il clôture environ 50 ans d'histoire du cinéma et ouvre la porte à un autre type d'image (Matrix), était une sorte de recension et d'adieu, exempt de toute nostalgie, à ces anciennes formes, autant Fringe ne les prend (les productions Laemmle Jr, de la Hammer, l'imagerie architecturale de la SF des années 50, Ken Adam...) qu'à titre de décor. Tout se passe comme si Abrams considérait ces formes comme absolument contingentes, les renvoyant à un passé devenu irréel. Le cinéma n'est plus alors qu'un jeu truqué dont toutes les mains se valent
Mais il est vrai que je n'ai pas le goût de la post-modernité.

jeudi 17 juillet 2008

Histoire belge.

Suis toujours frappé par cette figure de style journalistique dont le dernier exemple m'est donné par Libération à propos des affaires belges.

Le roi, on le sait, veut éviter à tout prix de convoquer des élections anticipées en septembre, car, dans ce contexte agité, tout le monde craint de voir les extrémistes remporter la mise. Dans leur immense majorité pourtant, les Belges n’en peuvent plus du drame incessant qui leur sert de quotidien et ne veulent qu’une chose : une solution raisonnable.

Car à bien y réfléchir si dans leur majorité les Belges n'en peuvent plus, on ne voit pas alors pourquoi, en cas d'élection, les extrémistes pourraient remporter la mise. Il y a là une contradiction. Ce même raisonnement est appliqué pour la quasi-totalité des conflits équivalents (Liban, Afrique etc...). On peut y voir comme une incapacité à penser les antagonismes, comme si la pensée journalistique venait se fracasser sur l'écueil de l'aporie démocratique.

dimanche 13 juillet 2008

Devoir de mémoire.

le Capitaine Thomas Jacky, le Capitaine Ospital Guy, le Lieutenant de Jean de la Batie Antoine, le Sous Lieutenant Rigaud Alain, l'Adjudant Bagnis Antoine, l'Adjudant Moretto Michel, le Sergent Dalleau Christian, le Sergent Daube Vincent, le Sergent Lebris Jean-Pierre, le Sergent Longle Yves, le Sergent Ollivier Gilles, Bensaidane Djamel, Beriot Laurent, Carrara Vincent, Duthilleul Louis, Grelier Xavier, Loitron Olivier, Margot Franck, Seriat Patrice, Vielle Hervé, Girardeau Patrice, Hau Jacques, Jacquet Laurent, Lamothe Patrick, Lepretre Dominique, Leroux Olivier, Muzeau Franck, Thorel Laurent, Gasseau Guy, Gautret Remy, Julio François, Pradier Gilles, Tari Patrick, Théophile Sylvestre, Bachelerie Yannick, Bardine Richard, Caland Franck, Chaise Jean-François, Corvellec Jean, Delaitre Jean Yves, Deparis Thierry, Di-Masso Thierry, Durand Hervé, Guillemet Romuald, Kordec Jacques, Lastella Victor, Ledru Christian, Levaast Patrick, Leverger Hervé, Meyer Jean-Pierre, Porte Pascal, Potencier Philippe, Raoux François, Renaud Raymond, Renou Thierry, Righi Bernard, Schmitt Denis, Sendra Jea.

Le Drakkar - 23 octobre 1983.

mercredi 9 juillet 2008

Curiosités éditoriales.

Sur la quatrième de couverture de la réédition de dans l'épouvante dans la collection J'AI LU (dépot légal 4e trimestre 1973, © Christian Bourgois éditeur, 1970), on peut lire à propos de l'auteur :
Hanns Heinz Ewers est né à Dusseldorf en 1871. Il est mort en 1943. Il fut un grand voyageur et s'intéressa à l'occultisme et à toutes les formes du fantastique. En 1935 ses oeuvres furent interdites en Allemagne. Dans l'épouvante (je constate avec curiosité que le titre sur la page de garde ne commence pas par une majuscule) est un sorte de voyage aux enfers etc...
L'univers d'Ewers, auteur de L'Araignée (1907) nouvelle parfaite qui figure dans la quasi-totalité des anthologies, se caractérise effectivement par le goût de la violence, de la perversité et du sang versé.
Tout ceci est donc fort exact à un détail près. Si les livres d'Ewers furent interdits en 1935 ce n'est point pour fait de résistance, comme veut le faire accroire la présentation, mais à cause de sa participation à la Sturmabteilung plus communément connue sous l'abréviation de SA. Il n'échappa que de justesse à la nuit des longs couteaux.

L'un des relais H de la gare Saint Lazare possède un petit rayonnage consacré à la littérature pour adulte. S'y cotoient des titres des éditions La Musardine et son auteur vedette Esparbec, des Média 1000 sous film plastique, les derniers Brigade Mondaine... Or depuis une semaine on y trouve également des ouvrages de la collection Folio, une opération commerciale de la maison Gallimard sans doute. De l'érotisme chic en quelque sorte : Calaferte, Sade, Depestre, Tanizaki, Mishima...Mais quel ne fut pas mon étonnement d'y voir deux exemplaires de Pauvre Bitos. Pauvre Bitos que venait-il faire là ? Lui qui se prend pour Robespierre mais dont la patronyme peut prêter à toutes les confusions. Mais il est vrai aussi que Anouilh rime avec....

Après enquête sérieuse, il s'avère que Stéphane Audran n'a jamais posé nue dans Lui.

dimanche 6 juillet 2008

Remue-méninges.

Ami lecteur, sauras-tu reconnaître l'auteur des lignes qui suivent ?

On connait le cas d'un voyageur de commerce qui un jour se mit à souffrir du poignet gauche, juste sous son bracelet-montre. Quand il enleva sa montre, le sang se mit à perler : on voyait la trace de dents très fines.

Du même :

A Amalfi, au bout de la côte, il y a une jetée qui s'avance dans la mer et dans la nuit. On y entend aboyer un chien bien au-delà du dernier réverbère.

Le gagnant se verra remettre un prix dont la nature reste à déterminer.

La réponse est trouvée (cf commentaires).

L'après-midi ayant été placée sous le signe du fantastique, la direction du lolo offre à tous ses lecteurs ce poème, découvert ce jour, de Maurice Rollinat tiré de son premier recueil Dans les Brandes (1877). Les textes de Rollinat sont disponibles sur Gallica.

L'HOTE SUSPECT.

Nous sommes bien seuls au bas de cette côte !
Bien seuls ! Et minuit qui tinte au vieux coucou !
J'ai peur ! l'étranger m'inquiète beaucoup.
Il quitte le feu, s'en rapproche, s'en ôte.

Ne parle qu'à peine, et jamais à voix haute :
Cet individu médite un mauvais coup !
Nous sommes bien seuls au bas de cette côte !
Bien seuls ! Et minuit qui tinte au vieux coucou !

Ce que je rêve est horrible : mon hôte
Poursuit la servante avec un grand licou.
J'accours ! mais je tombe un couteau dans le cou,
Eclaboussé par sa cervelle qui saute...
- Nous sommes bien seuls au bas de cette côte !

Les amateurs ne manqueront pas de faire le rapprochement avec la nouvelle de W.F.Harvey (1885 -1937): Chaleur d'Août

mercredi 2 juillet 2008

Contribution à une anthologie du fantastique (7)


VAMPIRE
Il y avait un être extraordinairement beau dans la voiture qui nous emportait. Je fermai les yeux et je m'emparai de son âme, de son corps; me blotissant bien au centre de sa vie, en lui je me coulais. Ses membres bientôt étaient moins à lui qu'à moi. Enfin, de son coeur et j'en arrêtai les battements, en jugulant l'arbre du sang.
Beaucoup plus tard quand j'ouvris les yeux, je m'aperçus qu'on s'empressait autour de quelqu'un, mais je me gardai bien de me souvenir de ce qui venait se passer et j'affectais la plus grande indifférence.
M. Jouhandeau - Notes sur la magie et le vol.