Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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jeudi 20 septembre 2007

Morale élémentaire

Une jeune femme, au cours d'un déjeuner fort agréable, me fit remarquer que ce blog avait pour certains un caractère intimidant. Bien qu'elle ne le considérât pas comme tel, elle pensait que la raison en tenait dans la volonté de retrait de son auteur, dans son peu de goût pour le dévoilement personnel (1).

En juillet 1722, Voltaire voyage vers la Hollande où il compte faire imprimer son Henriade. Il est en compagnie de la comtesse de Rupelmonde qui est probablement sa maitresse. Elle a la trentaine.

Une Beauté qu'on nomme Rupelmonde,
Avec qui les amours et moi
Nous courons depuis peu le monde
Et qui donne à tous la loi,
Veut qu'à l'instant je vous écrive;
Ma Muse, comme à vous, à lui plaire attentive,
Accepte avec transport un si charmant emploi.(2)



Bien que veuve, elle semble avoir des problèmes de conscience quant à sa conduite. Afin de la rassurer, Voltaire lui écrit ce qui deviendra ''l’Épître à Uranie''. Le temps passe, les liens se défont.

Je suis très touché de la mort de Mme la comtesse de Rupelmonde. Je voudrais bien lui voler encore des pilules, elle en prenait trop et moi aussi : Je la suivrai bientôt ; tout ceci n'est qu'un songe. Vale. (3)

Saint-Simon (encore lui!) ne l'aimait guère. Elle était rousse.

Mme d'Alègre maria en ce même mois sa fille à Rupelmonde, Flamand et colonel dans les troupes d'Espagne, pendant que son mari était employé sur la frontière; elle s'en défit à bon marché, et le duc d'Albe en fit la noce. Elle donna son gendre pour un grand seigneur, et fort riche, à qui elle fit arborer un manteau ducal. Sa fille, rousse comme une vache, avec de l'esprit et de l'intrigue, mais avec une effronterie sans pareille, se fourra à la cour, où avec les sobriquets de la Blonde et de Vaque-à-Tout, parce qu'elle était de toutes foires et marchés, elle s'initia dans beaucoup de choses, fort peu contrainte par la vertu et jouant le plus gros jeu du monde. (4)

La comtesse de Rupelmonde est l'une de ces âmes errantes qui traversent les Mémoires (trois occurences). Errante mais bien attrapée - rousse comme une vache.
Son mari meurt peu de temps après ce mariage, en 1710. Elle doit alors assurer l'avenir de son fils unique.

Le deuil fini, la Rupelmonde intrigua plus que jamais, et à force d'audace et d'insolence, de commodités et d'amourettes, parvint longtemps depuis à être dame du palais de la reine à son mariage, et par une longue et publique habitude avec le comte depuis duc de Grammont, à faire le mariage de son fils unique avec sa fille rousse et cruellement laide, sans un sou de dot. (4)

Une fille rousse et cruellement laide...

Des leçons de morale que me fit ma mère, je crois en avoir véritablement retenu qu'une seule. Adolescent, elle me précisa (mon frère était-il présent ?), je ne sais plus à quelle occasion, que jamais une fille ne pardonnerait une remarque désobligeante faite sur son physique. Que l'on pouvait presque tout dire,sauf ça, que la blessure aurait été trop profonde.
Je n'ai jamais dérogé à cette règle.

Est-ce pour cela que ce cruellement laide ne cesse de résonner en moi ?

(1) Mais il se peut, que dans le cas présent, intimidant soit plus simplement le synonyme de chiant.
(2) Lettre au cardinal Dubois, juillet 1722
(3) Lettre à Jean-Henri-Samuel Formey, vers le 15 juin 1752.
(4) Mémoires, 1705

mercredi 19 septembre 2007

De la servitude (exergues)


Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous.
La Boétie - Discours de la Servitude volontaire.

MySpace, the Web's largest social network and one of the most trafficked sites on the Internet, says that after experimenting with technology over the last six months, it can tailor ads to the personal information that its 110 million active users leave on their profile pages. Executives at Fox Interactive Media, the News Corp. unit that owns MySpace, will begin speaking about the results of that program this week. They say the tailoring technology has improved the likelihood that members will click on an ad by 80 percent on average.
"We are blessed with a phenomenal amount of information about the likes, dislikes and life's passions of our users," said Peter Levinsohn, president of Fox Interactive Media, who will talk about the program at an address to investors and analysts at a Merrill Lynch conference in Los Angeles on Tuesday. "We have an opportunity to provide advertisers with a completely new paradigm."
A 100-employee team inside the Fox Interactive Media offices in Beverly Hills, called the "monetization technology group," has designed computer algorithms to scour MySpace pages. In the first phase of the program, which the company calls "interest-based targeting," the algorithms assigned members to one of 10 categories that represents their primary interest, like sports, fashion, finance, video games, autos and health.
The algorithms make their judgments partly on certain keywords in the profile. A member might explicitly describe himself as a financial information enthusiast, for example, but more than likely the clues are more subtle. He might qualify for that category by listing Donald Trump as a hero, Fortune magazine as a favorite publication or "Wall Street" as a favorite movie.
The system also looks at the groups members belong to, who their friends are, their age and gender, and what ads they have responded to in the past. "Our targeting is a balance of what users say, what they do and what they say they do," said Adam Bain, the chief technology officer at Fox Interactive.
International Herald Tribune (19/09/2007).

Si M. de La Rochefoucauld passa sa vie dans la faveur la plus déclarée, il faut dire aussi qu'elle lui coûta cher, s'il avait quelques sentiments de liberté. Jamais valet ne le fut de personne avec tant d'assiduité et de bassesse, il faut lâcher le mot, avec tant d'esclavage, et il n'est pas aisé de comprendre qu'il s'en put trouver un second à soutenir plus de quarante ans d'une semblable vie. Le lever et le coucher, les deux autres changements d'habits tous les jours, les chasses et les promenades du roi de tous les jours, il n'en manquait jamais, quelquefois dix ans de suite sans découcher, d'où était le roi, et sur le pied de demander congé, non pas pour découcher, car en plus de quarante ans il n'a jamais couché vingt fois à Paris, mais pour aller dîner hors de la cour et ne pas être à la promenade, jamais malade, et sur la fin rarement et courtement de la goutte.
Sur les derniers temps (...) sa voix était déjà fort affaiblie, elle ne lui permettait plus de monter à cheval; il courait en calèche, et si on manquait, c'était à l'ordinaire une furie jusqu'à la chasse suivante qu'on prenait. À la mort du cerf, il se faisait descendre et mener au roi, pour lui présenter le pied, qu'il lui fourrait souvent dans les yeux ou dans l'oreille. Cela le peinait fort, et même le monde, et de le voir presque couché dans sa calèche comme un corps mort.
Saint-Simon - Mémoires.

Les passions sont les brèches de l’esprit. La science du plus grand usage est l’art de dissimuler. Celui qui montre son jeu risque de perdre. Que la circonspection combatte contre la curiosité. À ces gens qui épluchent de si près les paroles, couvre ton cœur d’une haie de défiance et de réserve. Qu’ils ne connaissent jamais ton goût, de peur qu’ils ne te préviennent, ou par la contradiction, ou par la flatterie.
Baltasar Gracián - L'Homme de cour (Oráculo manuel y arte de prudencia).