Découvert avec fascination dans le journal Libération l'existence de George Eyser.
Né en 1871, il remporte, en 1904 aux jeux olympiques de Saint-Louis, six médailles au cours des épreuves de gymnastiques. L'or aux barres parallèles, au saut de cheval et à la montée à la corde. L'argent au cheval d'arçons et au combiné. Le bronze à la barre fixe. On ne sait pas grand chose de Eyser (la date de sa mort n'est pas connue) si ce n'est qu'il gagna toutes ces épreuves avec une jambe de bois. On ne sait d'ailleurs pas de quelle jambe il fut amputé. Un destin dont il ne reste quasiment rien.

Lecture du Rouge et le Noir.
Alors que Julien vient tout juste de coucher pour la première fois avec Mme de Rénal :
Mon Dieu! être heureux, être aimé, n'est-ce que ça? Telle fut la première pensée de Julien, en rentrant dans sa chambre. Il était dans cet état d'étonnement et de trouble inquiet où tombe l'âme qui vient d'obtenir ce qu'elle a longtemps désiré. Elle est habituée à désirer, ne trouve plus quoi désirer, et cependant n'a pas encore de souvenirs.
La vie passe et il ne restera plus que les souvenirs dont d'ailleurs on se contente sans peine.

Relevé dans le journal de Léautaud cette remarque à propos des Souvenirs, qui avaient fini par avoir pour lui (le texte est daté du 9 janvier 1942, il a 70 ans) plus de charme qu'un Journal à cause des effets de recul, du temps passé qui lui procurent une sorte de rêverie, de regrets, d'embellissement des choses alors que le Journal n'est quelquefois qu'une simple comptabilité des faits. La nuance est bien entendu dans le quelquefois mais on pourrait ajouter que les Correspondances, parce qu'elles ont par définition un destinataire, se situent dans un entre-deux.

Il y a chez Jacques Vergés (pas vu le film qui lui est consacré) une certaine vulgarité mais il n'y a pas que cela. Il y a aussi une certaine esthétique (au fond Vergés ce peut-être un Julien Sorel qui aurait réussi). Alors que chez Gilbert Collard (vu récemment à la télévision, on n'imagine pas un film sur Collard) on ne trouve que bassesse. D'un coté un personnage romanesque, de l'autre TF1.

Pour revenir à Léautaud. Ce qu'il apprécie dans les Souvenirs c'est la vision rétrospective qu'ils nous offrent. On n'est pas loin de ce que Sartre nommait l'illusion biographique, qui consiste à croire qu'une vie vécue peut ressembler à une vie racontée. C'est Julien lisant le Mémorial de Sainte-Hélène.
Finalement, malgré l'âge, les désirs sont toujours là, mais, à la manière des scènes de bonheur dans les romans de Stendhal où les bruits sont perçus en arrière plan par les protagonistes, ils nous parviennent assourdis, comme passés au filtre des souvenirs.