Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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jeudi 28 juin 2007

Histoires d'amour.


Métilde Dembowski - Zéphora, la fille de Jéthro.

«Le pire des malheurs serait, m'écriai-je, que ces hommes si secs, mes amis, au milieu desquels je vais vivre, devinassent ma passion, et pour une femme que je n'ai pas eue!»
Stendhal - Souvenirs d'égotisme.

Et avec cette muflerie intermittente qui reparaissait chez lui dès qu’il n’était plus malheureux et que baissait du même coup le niveau de sa moralité, il s’écria en lui-même: «Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre!»
M. Proust - Du coté de chez Swann.

samedi 23 juin 2007

Scène d'un salon de Paris en 2007.



Hier soir.
Agréable soirée chez M.
Un jeune homme un rien dégingandé discute cinéma. Je m'approche.
- Vous vous intéressez au cinéma ?
Quelques rires mi-amusés, mi gênés.
- Mais c'est ???, il est critique aux Inrocks (le bruit et l'alcool aidant je n'ai pas compris de qui il s'agissait).
Ah bon !!! Il me faut dire que plus rien ne m'impressione depuis que - a long time ago - au cours de l'une de mes premières soirées parisiennes j'ai fait la rencontre d'Ester Galil.
Le jeune homme a des goûts de jeune homme moderne.

Aujourd'hui.
Alors que je passe la toile mouillée, je pense avec amusement à l'épisode d'hier soir. De rincage en rincage, me revient à la mémoire cette scène d'Armance.
(...) l'autre jour Mme de Claix qui va partout, s'est trouvée au bal de M. Montange, et vous savez bien que le soir elle nous a fait rire en prétendant qu'ils aiment tant les titres qu'elle avait entendu annoncer: madame la colonelle.
J'ai les pieds trempés. Je vais encore prendre froid.

jeudi 21 juin 2007

Egotisme.



Dans le train. Mal au dos. Je demande vivement aux deux sauvageons - vous commencez à me faire chier avec votre musique - d'arrêter le téléphone portable duquel sort un magma sonore. Le chabin aux yeux verts me rétorque que je lui manque de respect. Ce doit être le mot chier qui choque ses oreilles de mélomane respectueux des bons usages. Statu quo, on se jauge.
M'asseoir en face d'eux, réiterer ma demande, attendre une seconde. Et dans geste si rapide qu'il ne peut être perçu par les autres voyageurs, à la manière de Jackie Chan, des deux mains provoquer le carambolage de leurs boites craniennes. Les corps s'affaissent, les remettre en place. Couper le son du téléphone, puis tapoter la joue de chacun. Dormez bien, faites de beaux rêves. Comme au cinéma.
Le train arrive en gare de la Défense. Tout le monde descend. Ils s'éloignent de leur démarche chaloupée.

Add : Ce blog a soutenu l'équipe de football de la Guadeloupe qui a joué, contre le Mexique, la demi-finale de la Gold Cup - coupe d'Amériques du Nord et des Caraïbes.
Mexique : 1 - Guadeloupe : 0

Tout en épluchant un oeuf dur, ma mère déclare que je suis un mélancolique hilare.
Après réflexions, la formule ne manque pas de justesse.

vendredi 15 juin 2007

Recopiage et babillage (2)

Pour Alice (suite et fin).

Previously on Recopiage et babillage.

Sans se l'avouer, cette âme active commençait à être bien lasse de la vie monotone qu'elle menait à la campagne."C'est s'empêcher de mourir, disait-elle, ce n'est pas vivre."
La Chartreuse de Parme (chapitre VI)

En ce début d'année 1840, Stendhal est de retour à Civitavecchia après une absence de trois ans. Son poste de Consul l'ennuie, le monde lui pèse - J'ai eu de fortes migraines, je prends de la belladonna et je viens d'acheter un fusil. Au total, vaut-il la peine de vivre ? (Correspondance, 29 mars 1840) -, Son corps l'épuise - Il y a deux ou trois jours, horriblement glacé les pieds en venant par une averse du Palais Farnèse au Falcon, the goutte attaque surtout les..., 2 grains d'arnica la repoussent victorieusement et me jettent le vendredi soir dans l'état d'imbécibilité (Journal, samedi 15 ou 14 mars 1840). Lui restent les pouvoirs de l'imagination et de la rêverie - Caractère of Dominique (1), his habitude dans l'art de chercher the hapiness. Il rêve sans cesse, sa plus grande peine est de se détacher de cette rêverie (Journal, 16 juin 1840).
Commence alors l'épisode Earline que Stendhal appelle The Last Romance (2), la transcription ou plutôt le chiffrage d'une aventure amoureuse dont ne sait toujours pas si elle fut plus rêvée que réelle - Le 16 février 1840 et jours suivants : Regards étonnants et qui me forcent à baisser les yeux (...) ses regards étaient archets (...). En 1835 dans la Vie d'Henry Brulard, Stendhal écrivait : Un roman est comme un archet. Earline ou le dernier roman.
C'est dans ce contexte biographique que prennent place Les Privilèges. Faut-il y voir la toute puissance de l'imagination ? Je ne le crois pas. Car si comme on l'a dit (3) la métamorphose est pour Stendhal une ouverture d'avenir, ce qui frappe ce sont les exceptions à l'omnipotence des fantasmes. Un sexe de deux pouces de plus que l'orteil. Mais le plaisir par la mentula, seulement deux fois par semaine. Chaque article énonce sa propre limitation. Quitte à frôler l'incohérence : Ainsi le privilégié pourra quatre fois par an et pour un temps illimité chaque fois occuper deux corps à la fois.
On sait que pour Stendhal un roman : c'est un miroir que l'on promène le long d'un chemin mais tout lecteur de Proust sait aussi que que l'on peut voir dans le roman sthendalien un certain sentiment de l’altitude se liant à la vie spirituelle : le lieu élevé où Julien Sorel est prisonnier, la tour au haut de laquelle est enfermé Fabrice, le clocher où l’abbé Barnès s’occupe d’astrologie et d’où Fabrice jette un si beau coup d’œil. L'horizontalité, le chemin, le réel ; la verticalité, la tour, le rêve. Tenir les deux bouts, ce qui ne veut pas dire les concilier, parce que deux bout il y a.
Il n'est pas indifférent que le dernier mot des Privilèges soit le verbe dormir et que le premier article ait pour sujet la mort. Comment ne pas songer alors au monologue d'Hamlet - To die, to sleep / To sleep: perchance to dream: ay, there's the rub' - Mourir puisqu'il le faut, mais en rêvant.
Le 22 mars 1842 à 7 heures du soir, Stendhal est frappé d'apoplexie sur le trottoir de la rue Neuves-des-Capucines, le 23 mars à 2 heures du matin, il meurt à son hôtel, rue Neuve-des-Petits-Champs, où il avait été transporté, sans avoir repris connaissance. Les articles 1 et 23 des Privilèges s'étaient révélés efficients.

(1) Dominique est l'un des nombreux pseudonymes utilisés par Stendhal.
(2) L'édition Martineau (volume identique à celui des Privilèges) est téléchargeable ici ( p 168 - 208 du fichier PdF). L'épisode est réinséré dans le cours du Journal dans l'édition de La Pléiade.
(3) J. Starobinski, L'Oeil vivant, Le Seuil, 1961.

jeudi 14 juin 2007

Recopiage et babillage.

Pour Alice (bien entendu).

Acquis pour 4,75 euros (61 pages) Les Privilèges de Stendhal (1) dont la quatrième de couverture nous informe que le texte est édité et préfacé par Antoine de Baecque. Préfacé je veux bien, mais pour édité on est plutôt dans le domaine de la forfanterie : rien sur les sources ayant permis l'établissement de la dite édition, une mise en page absurde (et contraire au manuscrit original) destinée à gonfler artificiellement le volume.
Essayons donc d'être un peu plus précis.
Le texte se présente sous la forme de 23 articles numérotés de 1 à 23, précédés de la formule God me donne le brevet suivant, où Stendhal énonce un certain nombre de voeux qu'il souhaite voir exaucés. Datés du 10 avril 1840 à Rome, rien ne dit que ces Privilèges furent écrits en cette seule journée, ils sont publiés la première fois par T.Campenon dans la revue La Critique française en 1861 (19 ans après la mort de Stendhal). Une deuxième publication sera effectuée, sous l'égide de d'Auguste Cordier, dans le numéro de janvier-février 1889 de La Revue indépendante. En l'état rien n'indique une connexion entre Campenon et Cordier, les textes diffèrent d'ailleurs sur de nombreux points. En 1936, Henri Martineau, dans le tome I des Mélanges intimes et Marginalia qui s'inscrit dans le cadre de des oeuvres complètes de Stendhal pour le compte des éditions Le Divan, établit une nouvelle version du texte. C'est cette version inchangée que propose Antoine de Baecque et ce sans jamais la mentionner. Elle s'appuie sur un manuscrit autographe incomplet (il s'arrête au début de l'article 9) et sur une copie de la main de Romain Colomb, cousin et exécuteur testamentaire de Stendhal, détenue par la bibliothèque de Grenoble

- Ici, on peut télécharger la version de 1889 de La revue Indépendante (p 235 du fichier PdF).
- , idem pour la version de 1936 d'Henri Martineau / Antoine de Baecque (p 210 du fichier PdF)

Le 15 octobre 1961, le grand stendhalien Victor Del Litto, dans un important article intitulé Un texte capital pour la connaissance de Stendhal, Les Privilèges (n°13 du Stendhal Club) repris en volume, donne, à partir des mêmes sources, ce qui est considéré comme la version définitive.
On reprendra ici les différences qui nous semblent les plus importantes entre l'édition Del Litto et celle de Martineau/ Baecque.

Article 1
Jamais de douleur sérieuse jusqu'à une vieillesse fort avancée : alors non douleur, mais mort par apoplexie, au lit pendant le sommeil sans aucune douleur morale ou physique. Chaque année, pas plus de trois jours d'indisposition. Le corpus (2) et ce qui en sort inodore.

Article 3
La mentula comme le doigt indicateur pour la dureté, et pour le mouvement ; cela à volonté. La forme deux pouces de plus que l'orteil (3), même grosseur. Mais plaisir par la mentula seulement deux fois la semaine. Vingt fois par an le privilégié pourra se changer en l'être qu'il voudra pourvu que cet être existe. Cent fois par an il saura pour vingt-quatre heures la langue qu'il voudra.

Article 4
Miracle (4). Le privilégié ayant une bague au doigt et serrant cette bague en regardant une femme elle devient amoureuse de lui à la passion comme nous croyons qu'Héloise le fut d'Abélard. Si la bague est un peu mouillée de salive la femme regardée devient seulement une amie tendre et dévouée. Regardant une femme et ôtant une (5) bague du doigt les sentiments inspirés en vertu des privilèges précédents cessent. La haine se change en bienveillance en regardant l'être haineux et frottant une bague au doigt. Ces miracles ne pourront avoir lieu que quatre fois par an pour l'amour passion, huit fois pour l'amitié, vingt fois pour la cessassion de la haine, et cinquante fois pour l'inspiration d'une simple bienveillance.

Article 5
Beaux cheveux, excellentes dents, belle peau jamais écorchée (6). Odeur suave et lègère. Le 1er février et le 1er juin de chaque année les habits du privilégié deviennent comme ils étaient la troisième fois qu'il les a portés.

Article 6
Miracles (7). Au yeux de tous ceux qui ne me (8) connaissent pas, le privilégié aura la forme du général Debelle mort à Saint-Domingue, mais aucune imperfection. Il jouera parfaitement au whist, à l'écarté, au billard, aux échecs, mais ne pourra jamais gagner plus de cent francs; il tirera le pistolet, il montera à cheval, il fera des armes dans la perfection.

Article 7
Miracle (9). Quatre fois par an il pourra se changer en l'animal qu'il voudra, et ensuite se rechanger en homme. Quatre fois par an il pourra se changer en l'homme qu'il voudra, plus concentrer sa vie en celle d'un animal lequel dans le cas de mort ou d'empêchement de l'homme N°1 dans lequel il s'est changé pourra le rappeler à la forme naturelle de l'être privilégié. Ainsi le privilégié pourra quatre fois par an et pour un temps illimité chaque fois occuper deux corps à la fois.

Article 16
En tout lieu, le privilégié, après avoir dit : Je prie pour ma nourriture, trouvera : deux livres de pain, un bifteck cuit à point, un gigot idem (10), une bouteille de Saint-Julien, une carafe d'eau, un fruit, une glace et une demi tasse de café. Cette prière sera exaucée deux fois dans les vingt quatre heures.

Article 19
Le privilégié pourra changer un chien en une femme, belle ou laide ; cette femme lui donnera le bras et aura le degré d'esprit de Mme Ancilla et le coeur de Mélanie. Ce miracle pourra se renouveller vingt fois chaque année.
Le privilégié pourra changer un chien en un homme qui aura la tournure de Pépin de Bellisle, et l'esprit de...(le médecin juif) (11).

Article 23
Dix fois par an, le privilégié pourra être transporté au lieu où il voudra, à raison de une heure pour cent lieues ; pendant le transport il dormira (12).

Reste cependant tout le mystère d'un tel texte qui fut qualifié d'enfantin ou de sénile. Ça a dû être un choc quand on a découvert « les Privilèges ». Le génie, c’était donc aussi ça. Je songe au mot d’André Malraux dans « la Tentation de l’Occident » : « spectacle singulier : une démence qui se contemple écrira Bernard Frank dans l'une de ses chroniques C'est ce mystère autour duquel nous tournerons dans la deuxième partie : babillage.


(1) On conseillera en édition de poche celle établie par Béatrice Didier - proche de la version V Del Litto - 6,27 euros (253 pages) où le texte est couplé avec Souvenirs d'égotisme.
(2) corpus au lieu de corps in Martineau/ Baecque
(3) orteil au lieu de l'article in Martineau/ Baecque
(4) Miracle absent de la version Martineau/ Baecque.
(5) une au lieu de sa in Martineau/ Baecque
(6) Beaux cheveux, excellentes dents, belle peau jamais écorchée au lieu de Beaux cheveux, belle peau, excellents doigts jamais écorchés in Martineau/ Baecque
(7)Miracles au yeux de tous ceux... in Martineau/Baecque).
(8) me au lieu de le in Martineau/ Baecque
(9) Miracle absent de la version Martineau/ Baecque
(10) un plat d'épinards idem ajouté dans la version Martineau/ Baecque
(11) et l'esprit de M (Koreff), le médecin juif in Martineau/ Baecque
(12) Ici prend fin la version Del Litto. Dans la version Martineau/Baecque, le dernier article est suivi par la mention Fréderic de Stendhal. Dans son article Del Litto ne comprend pas d'ou vient cette signature dont l'origine remonte à la version parue en 1889 dans La Revue indépendante. A noter qu'Antoine de Baecque, qui mentionne pourtant dans ses indications bibliographiques Victor del Litto, s'appuie sur cette "signature" pour écrire : Emporté par cet élan vital et cette écriture qui rend tout possible, il signe finalement (...) "Fréderic de Stendhal", romantisme absolu, idéal du moi enfin réconcilié avec l'écrivain sentant son pouvoir peu à peu lui échapper. Or il se trouve justement que le texte n'est pas signé.

jeudi 7 juin 2007

Déposition

Les femmes, celles qui l'avaient accompagné depuis la Galilée et avaient tout suivi, regardèrent le tombeau et comment le corps avait été mis
et elles s'en retournèrent apprêter des aromates et des parfums. Et le sabbat, elles se tinrent tranquilles selon le commandement.
Luc, XXIII, 55-56 (traduction Jean Grosjean).

Ce qui me touche ...“la beauté du monde”, (des gens), en garder une part…
C. de Zohiloff.

Le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.
Code civil, art 1927.

Sera-t-il dit qu'il y aura des fronts si courbés qu'ils ne se relèveront jamais.
(...)
Et des voix si noyés de sanglots.
Et des yeux si noyés de travail, et des yeux si noyés de larmes.
Des yeux perdus, des voix perdues.
(...)
Et des âmes si perdues de détresse que jamais elles ne redeviendront jeunes.
Que jamais elles ne redeviendront enfants.
Péguy, Le mystère des saints innocents.

Alors que le majestueux et dodu Buck Mulligan pérore, Stephen Dedalus pense à sa mère morte. Il songe à ce qu'il appelle ses secrets (her secrets) : de vieux éventails de plumes, un carnet de bal, une parure de grains d'ambre, une cage d'oiseau, une pomme vidée, son rire...Il se souvient qu'il l'a vue en rêve, son corps flottant dans sa toilette de morte, penché vers lui en muets secrets (bent over him with mute secret words). Des objets dérisoires, des mots qui n'arrivent plus à dire, dont Stephen se doit de garder la trace. A la manière du héros Joycien, Charles de Zohiloff est un gardien.
Corps fatigués, exténués dont Zohiloff recueille le limon et l'haleine de vie puisque nous sommes faits des deux; églises désertées par les hommes, réceptacles où ne subsiste, ce que l'on peut nommer faute de mieux, que la grâce. Une grâce comme lettre morte pour cause d'absence de destinataire.
Echanges silencieux. Refus de l'anecdote, on ne pérore pas. Mute secret words.
Les photographies de Zohiloff sont le contraire d'une dépossession. Zohiloff ne vole rien, photographe et photographiés se font face. Les uns déposant le masque, l'autre ses éventuels préjugés et se portant garant des secrets qui lui sont confiés.
Sera-t-il dit que jamais nous reviendrons enfants demande Péguy. A cette question Zohiloff ne répond pas, et je doute même qu'elle ait un sens pour lui. Ici point de salut. Pas de question, encore moins de réponse. Juste essayer de nous donner à voir les alluvions du temps et de la vie. Et c'est beau.

Aux visiteurs de passage, on signale que les photographies de Charles de Zohiloff sont visibles ici et . Ainsi que (rubrique archives-provisoirement?)

mardi 5 juin 2007

Fin de partie.

Caliban
You taught me language, and my profit on't
Is I know how to curse. The red plague rid you
For learning me your language !

Caliban
Tu m'as enseigné le langage, et le profit
Qui m'en revient, c'est de savoir comme on maudit.
Que t'emporte la peste rouge pour m'avoir
Appris ta langue !
Shakespeare, La Tempête, Traduction de Pierre Leyris.

Nous (nous étions trois) avions fini nos deux pichets de Gamay, le soleil s'était mis de la partie. S. proposa de la terminer au jardin de Luxembourg où, les joueurs d'échecs poursuivaient la leur. Je fis remarquer que nous ne pourrions rencontrer Raymond Domenech, un habitué des lieux, puisque dans la soirée l'équipe de France affrontait l'Ukraine ; bref le printemps était là.
Qui eut l'idée d'aller voir la sculpture de Fabrice Hybert commémorant l'abolition de l'esclavage ? Je ne sais plus.
Imaginez une chaine, constituée de trois maillons, le dernier étant brisé, se dressant dans une allée du jardin. Outre son caractère indigent et purement illustratif, la chose se caractérise par son apparence maigrelette. Il faut dire que l'artiste conscient de ce que son idée pouvait avoir de pléonastique, je le soupconnai d'avoir répondu à la commande entre deux verres, et d'avoir touché le chèque fissa, avait eu l'idée d'opérer une sorte de coupe longitudinale dans l'oeuvre qui permettait lorsqu'on en faisait le tour, de voir, à la manière d'un écorché, des coulées de peintures sensées symboliser la sève vitale. L'ensemble est parsemé de graffitis (étrange, étrangers... et autres sentences à caractère poétique...) dignes d'un sac Eastpack appartenant à un adolescent pré-pubère inscrit dans je ne sais quel collège Pierre Perret. Pour clore le tout, nous fûmes frappés par l'aspect mal fini, l'évident manque de soins apporté à la réalisation ; ainsi entre les anneaux, on peut voir des sortes de coins dorés dont on ne sait s'ils sont là pour sur-signifier ou tout bonnement pour palier un défaut de conception inhérent à l'ouvrage. Humanisme et escroquerie font bon ménage. Comme l'a dit prosaiquement l'ami G., et ce en quoi on ne pouvait qu'être d'accord, on s'était foutu de la gueule des nègres.
Peu de temps après, nous nous quittâmes, le soleil n'avait toujours pas été mis mat, l'équipe de France gagnait par deux buts à zéro et, Errol Garner n'en finissait pas de célébrer le printemps.

samedi 2 juin 2007

Very private joke (Séminaire du 2 juin 2007).


Roger Moore ou Napoléon IV ?