INLAND EMPIRE de David Lynch est un échec, une impasse dans laquelle s'est engouffré un grand cinéaste. Et ce parce que Lynch a oublié (je cite J.Gracq) que la fiction est par essence proposition d'un possible, d'un possible qui ne demande qu'à se changer éventuellement en désir ou en volonté et, qu'ici il n'y a ni désir, ni volonté, que le film ne propose rien, qu'il figure, avec une majesté immobile, bloquée, invariablement un terminus (j'emprunte encore les mots de Gracq dans En lisant, en écrivant).

On ne dira jamais assez la richesse que constitue un site comme Gallica.
A propos de cet extrait des Mémoires où Saint-Simon se décrit lors du conseil de régence au cours duquel sera prononcée la déchéance des batards de Louis XIV, déchéance pour laquelle Saint-Simon a oeuvré et qui constitue pour lui comme une apothéose :

J'avais mis sur mon visage une couche de plus de gravité et de modestie. Je gouvernais mes yeux avec lenteur, et ne regardais qu'horizontalement pour le plus haut (...). Contenu de la sorte, attentif à dévorer l'air de tous, présent à tout et à moi-même, immobile collé sur mon siège, compassé de tout mon corps, pénétré de tout ce que la joie peut imprimer de plus sensible et de plus vif, du trouble le plus charmant, d'une jouissance la plus démesurément et la plus persévéramment souhaitée, je suais d'angoisse de la captivité de mon transport, et cette angoisse même était d'une volupté que je n'ai jamais ressentie ni devant ni depuis ce beau jour. Que les plaisirs des sens sont inférieurs à ceux de l'esprit, et qu'il est véritable que la proportion des maux est celle-là même des biens qui les finissent.

Sainte-Beuve écrit :

Irrassasiable d'émotions et infatiguable à les exprimer, il (Saint-Simon) ne tarde pas à pousser la langue jusqu'à ses dernières limites. Elle est, entre ses mains, comme un cheval qui a fournir sa course : elle est rendue, mais lui il ne l'est pas, et il lui demande encore ce qu'elle ne sait plus comment lui donner. Elle ne peut suffire à porter toute sa joie et toute sa fougue.

Compression-déflagration, systole-diastole, rétention-exténuation. Rythme.

INLAND EMPIRE est un film désespérément monocorde.

Pour une approche différente et plus favorable (à propos de la notion d'arbitraire) : ici.