Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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vendredi 30 juin 2006

Journal


Il y a déja quelques jours.

La sincérité, c'est bon à l'égard de soi-même. A l'égard des autres c'est sans intérêt, et le plus souvent maladroit. Ce qu'on appelle les bons sentiments ne sont que des ridicules. On en a toujours assez, sans avoir encore ceux-là. Ce qui importe avant tout c'est soi, tel qu'on est. Du moment qu'on l'est avec réflexion, sens critique, tout est sauvé. (...) Il faut avoir le goûts de ses idées, même fausses ou déplaisantes.
Paul Léautaud.
Interrogeant une jeune fille, qui se préparait au baccalauréat de français, sur le sens qu'elle donnait au il faut cultiver notre jardin du Candide (l'oeuvre est au programme du bac et le sérieux que mettait cette jeune personne à consulter ces fiches avait attiré mon attention), j'obtins comme réponse qu'il s'agissait pour Voltaire de dire qu'il fallait s'aider les uns les autres.
Que cette jeune fille soit idiote est une hypothèse qui n'est pas exclure, mais que cette idiotie ne laisse la place qu'aux bons sentiments, privés que nous sommes par le discours dominant de tout individualisme critique, est un signe des temps.

Hier.

Vu Love in the Afternoon (Ariane) de Billy Wilder.
Si comme on peut le lire ici une des règles d'or du théâtre classique est de ne jamais donner un élément qui ne puisse être utile à la suite de l'action alors le film de Wilder est la quintessence du film classique.
Un homme (Gary Cooper), dans un chambre du Ritz, attend la visite de sa maitresse. Le mari prévenu fait le guet dans le couloir de l'hotel, il veut tuer l'homme. Une femme passe, la sienne, et pénètre dans la chambre. Le mari ne pourra surprendre le couple qu'aprés un certain temps (les amants sont en compagnie d'un orchestre tzigane !); il attend caché. Une autre femme arrive. Elle se dirige vers la porte de la suite voisine de celle de G.Cooper. Elle porte un petit chien. Afin de rentrer, elle pose son chien, introduit la clef qu'elle actionne. Le chien a découvert l'homme qui se cache, l'animal aboie. La femme va pour récupérer le chien, le reprend, et s'en retournant vers sa chambre le gronde tout en lui administrant des petits coups. Elle ouvre la porte, entre, et referme. Mais elle avait l'esprit ailleurs - les aboiements chien l'ont agacée - les mains occupées, elle laisse les clefs à l'extérieur. Peu de temps après, grâce à ces clefs, l'héroïne (elle ne connait Cooper que par ouï-dire mais sait qu'il est menacé) pourra, elle aussi, entrer, alors que la femme au chien dort, ce dernier aboiera encore une fois, passer par le balcon et prévenir le séducteur. Gary Cooper rencontre Audrey Hepburn. il y a dant tout récit classique une part d'inéluctable.
Cependant toute la mise en scène de Wilder sera de jouer avec cette part d'inéluctabilité; et si le film se termine comme on pouvait s'y attendre, le cinéaste, jusqu'à la magnifique scène finale, nous aura permis d'entrevoir, et de poser à égalité tous les possibles de sa fiction. Arriver à montrer l'inéluctable puisque telle est la règle du récit, tout en maintenant ouvert le champ des possibles ne serait-ce pas la meilleure définition de la perfection ?

Demain.

France : 2 - Brésil : 1

mercredi 28 juin 2006

Dubitatif

Il est des jours où la lecture de la presse me laisse dubitatif .
Ainsi cette déclaration de Lionel Jospin dans le journal Le Monde daté du 28/06/2006 :
La France ne peut pas s'offrir sans risque un nouveau rendez-vous manqué avec le peuple.
Qu'est ce que cela veut bien vouloir dire ? Qu'en est-il de l'opposition entre les mots France et peuple ? Que représente ces deux mots ? A quelles conditions ce rendez-vous pourra-t-il être manqué ? Qu'est ce qu'un rendez-vous manqué ? Est-ce celui où Lionel jospin est battu dès le premier tour ? A ces questions il ne sera, bien entendu, donné aucune réponse. Lionel Jospin parle au nom du Bien, de là à s'abaisser à nous donner des explications il ne faut pas trop en demander.
Dans Libération du jour, le "journaliste" (tiens, à propos des guillemets, je me souviens d'une époque où les rédacteurs des Cahiers du cinéma écrivaient systématiquement Parti "Communiste" Français) Pierre Marcelle compare Jacques Chirac à Philippe Pétain...Pierre Marcelle parlant au nom du Bien (il est d'ailleurs persuadé de parler au nom d'un bien qui serait encore meilleur, plusse meilleur, que celui de Jospin, c'est dire...), pourquoi se priverait-il d'un raccourci idiot et absurde ?

vendredi 23 juin 2006

Caroline déteste.



Pause.
La Femme au Portrait de Fritz Lang.
Ce n'est pas le plus beau Lang, mais c'est l'un des plus exemplaires. (Skorecki)
Effarant l'indifférence qu'a Lang pour le spectateur (antithèse absolue de A.H dont l'unique intention est d'aspirer vers...). Il faudrait même aller plus loin et parler de rejet (le cadre comme assignation au spectateur de rester à sa place, à l'extérieur) voire de mépris (pas de connotation morale).
Tout est faux. Cruauté absolu.
Ce retournement, faussement heureux, anticipe sur celui, méthaphysiquement accablant et tragique, de L'Invraisemblable Vérité. (Lourcelles)
Il (Lang) se place du point de vue du néant. A ma connaissance le seul à le faire. A l'avoir fait (?). Absolument terrifiant.
Caroline déteste (normal... à 17 ans... le néant...).
Retour au foot.

mercredi 21 juin 2006

Mmm...Sooo...



Pour J.S

- "Entendu", dit le Chat; et cette fois il s'effaca très lentement, en commençant par le bout de la queue et en finissant par le sourire, qui persista quelque temps après que le reste de l'animal eût disparu.
Lewis Carroll.

Chisu Ryu est un acteur du peu. Un corps sans graisse, sec, à la gestuelle discrète; Chisu Ryu est un acteur modeste. Mais cette modestie est mise au service du projet le plus ambitieux qui soit: inscrire au centre du plan non pas une présence mais une absence. Ou plutôt donner chair, incarner ce beau mot qu'est le mot persevérance; donner à voir une absence qui persisterait dans la présence.
Chisu Ryu est tout simplement l'un des plus grands acteurs de tous les temps.

Sur le photogramme Chisu Ryu en compagnie de la divine Setsuko Hara.

samedi 17 juin 2006

Quizz





Quel film ?
Ce n'est pas trop difficile (on est prié de ne pas tricher) mais c'est surtout un peu par nostalgie, du moins la mienne. Pas tant pour le film que pour le groupe dont j'avais récupéré un disque (le sixième) chez un disquaire qui, après avoir perdu au casino, s'était retrouvé devoir une somme d'argent à mon père.
L'homme, un libanais, n'eut pas de chance. Son magasin fit faillite et il finit comme "crieur" - entrez mesdames... tu viens doudou... des produits de belle qualité pas cher - chez l'un des ses cousins vendeur de tissus, rue Frébault à Pointe-à-Pitre. J'ai appris, il y a déja quelques temps, qu'il était mort à une table de jeu.

mercredi 14 juin 2006

Illusion

Où l'on essaie - tant bien que mal - d'établir une relation entre technique et ressentiment.

L'imprévu n'existe pas, répondit simplement Phileas Fogg.[1]

En niant l'imprévu, Phileas Fogg supprime tous les obstacles entre le possible et l'être. Homme-machine, ce qu'il faisait était mathématiquement toujours la même chose, le monde dans lequel il vit n'est qu'une abstraction, fruit du calcul.
Il lui faudra quatre-vingt jours pour commencer à comprendre que ce n'est point le possible qui devient réel mais le réel qui se fait possible.

"Comment concevez-vous, par exemple la grande oeuvre dramatique de demain ?" Je me rappellerai toujours la surprise de mon interlocuteur quand je lui répondis :"Si je savais ce que sera la grande oeuvre de demain, je la ferais." (...) Mais, lui dis-je, l'oeuvre dont vous parlez n'est pas encore possible. " - "Il faut pourtant bien qu'elle le soit, puisqu'elle se réalisera." - Non, elle ne l'est pas . Je vous accorde, tout au plus, qu'elle aura été." (...)
Au fur et à mesure que la réalité se crée, imprévisible et neuve, son image se réfléchit derrière elle dans le passé indéfini; elle se trouve ainsi avoir été, de tous temps possible; mais c'est à ce moment précis qu'elle commence à l'avoir toujours été, et voilà pourquoi je disais que sa possibilité, qui ne précède pas sa réalité, l'aura précédé une fois la réalité apparue. Le possible est donc le mirage du présent dans le passé; et comme nous savons que l'avenir finira par être du présent, comme l'effet du mirage continue sans relâche à se produire, nous disons que dans notre présent actuel, qui sera le passé de demain, l'image de demain est déjà contenue quoique nous n'arrivions pas à la saisir. Là est précisément l'illusion. (...)[2]

Un tour du monde pour se débarasser de ce qui n'est qu'une illusion.

Mais après ? Qu'avait-il gagné à ce déplacement ? Qu'avait-il rapporté de ce voyage ? Rien, dira-t-on ?

Et si, au bout du compte, ce Rien était ce que Spinoza nommait Joie.

Mais nous y gagnerons aussi de nous sentir plus joyeux et plus forts. Plus joyeux, parce que la réalité qui s'invente sous nos yeux donnera à chacun de nous, sans cesse, certaines des satisfactions que l'art procure de loin en loin aux privilégiés de la fortune; elle nous découvrira, par-delà la fixité et la monotonie qu'y apercevaient d'abord nos sens hypnotisés par la constance de nos besoins, la nouveauté sans cesse renaissante, la mouvante originalité des choses. Mais nous serons surtout plus forts, car à la grande oeuvre de création qui est à l'origine et qui se poursuit sous nos yeux nous sentirons participer, créateurs de nous mêmes. Notre faculté d'agir, en se ressaisissant, s'intensifiera.[3]

Notes

[1] Jules Verne - Le tour du monde en quatre-vingts jours

[2] Henri Bergson - Le possible et le réel.

[3] Id

lundi 12 juin 2006

C'est l'histoire d'un mec...

Un peu partout, on célèbre la gloire de Coluche.
Je n'ai jamais aimé Coluche que j'ai toujours trouvé, non pas vulgaire, mais profondément obscène. Les ouaaah-l'autre trainants, les petits cris finissants dans les aigus, les déguisements pitoyables (période Canal+, la pire), le discours invertébré, d'invertébré - les sketchs de Coluche ne sont pour la plupart qu'un bout-à-bout de blagues tirées d'une anthologie d'histoires drôles - m'ont toujours procuré un sentiment de honte. S'il me fallait définir l'obscénité, je dirais qu'est obscène ce qui donne ce sentiment de honte dont on ne sait si on l'éprouve à la place de celui qui se donne en spectacle - j'ai honte pour lui - ou alors du fait même que je regarde ce spectacle, que j'y participe - j'ai honte pour moi. Si la vulgarité se donne à voir immédiatement -dans le cas d'une émission télévisuelle par ex, je change tout suite de chaine -, il n'en est pas de même avec l'obscénité qui introduit toujours une période de latence, peu importe sa durée, aussi courte soit-elle, durant laquelle la honte pourra s'insinuer, vide durant lequel, pris au piège, je ferais montre de complaisance. Ce dont l'obscénité m'impose l'expérience, c'est la dépossession de soi non consentie, en un mot la servitude.
A Coluche, je dois dire que j'ai toujours préféré Chevallier et Laspalès.

jeudi 8 juin 2006

Current mood.

Zabrana - suite et fin.
Parfois je me sens seul, parmi des jeunes de vingt ans qui ne savent rien et ne veulent rien savoir. Seul avec ma mémoire formidablement vivante des meurtres, trahisons, lâchetés, de la solitude des années 50, desquels je ne me suis jamais remis, hypnotisé aujourd'hui encore comme devant un serpent. Mais je me sens seul aussi avec le souvenir avec le souvenir de l'espoir vécu au cours de ces années, jamais formulé, et qui se référait à ce qui était devant moi, espoir que je n'ai plu et n'aurai plus. Je n'ai compris que beaucoup plus tard que le prix de l'espoir (ressenti à tel ou tel moment de notre vie) consistait en lui-même, dans le fait que nous l'avions eu, et qu'il se concrétise ou pas était sans importance.

mardi 6 juin 2006

Tyrannie de l'auteur.

La lecture de Zabrana m'incite à rouvrir Pasternak. La lecture d'un blog me pousse à faire de nouveau un tour du coté de Nabokov.
Si Nabokov appréciait la poésie de Pasternak - il fut même question qu'il participe à la traduction des poèmes que l'on trouve à la fin de Jivago - il n'aimait pas le roman de celui-ci. Le docteur Jivago est une pitoyable affaire, maladroite, éculée, et mélodramatique, pleine de situations consacrées, d'avocats voluptueux, de filles improbables, de voleurs romantiques et de coïncidences banales.(1)
Longtemps j'ai cru, au nom de je ne sais quelle absurde politique, que l'on ne pouvait aimer tel auteur parce que tel autre, celui pour lequel on affichait ses préférences, le détestait. Cohérence était mon grand mot. Ainsi, sachant ce que Nabokov pensait de Pasternak, je me suis interdit - entre autres raisons - de lire ce dernier pendant de nombreuses années. Je dois avouer qu'après avoir lu un avis favorable de VN sur Robbe-Grillet, et m'être précipité sur un ouvrage de l'ingénieur agronome, bien mal m'en pris. Mais je mis cela sur le caractère facétieux du russe et lui pardonnai.
Le temps passant, je compris que si un écrivain peut écrire contre un autre, si cette attitude est peut-être nécessaire à la constitution de son oeuvre, c'est là, à proprement parler, son affaire. Et que cette affaire n'est point celle de son lecteur ; que ce dernier n'ayant finalement rien à prouver, sa liberté, celle de son plaisir, était de facto supérieure à celle de celui qu'il s'était donné pour maître.

Un parc silencieux vous entourait. Des corneilles se perchaient sur les branches inclinées des sapins et secouaient le givre. On entendait se répercuter au loin leur croassement, crépitant comme le craquement d'une branche sèche. Des chiens de race traversaient la route à partir des bâtiments neufs qui se dressaient à l'autre bout de la percée. Là-bas, des lumières s'allumaient. Le soir tombait.
Brusquement, tout cela s'était envolé. Ils étaient devenus pauvres.
Boris Pasternak - Le docteur Jivago.

Des corneilles....envolé... Je sais déja que les Nabokoviens me rétorqueront, et peut-être auront-ils raison, que ce que j'apprécie le plus dans Jivago ce sont ces échos en provenance d'autres rivages. Mais faut-il encore vouloir les entendre.

(1) in Brian Boyd - Vladimir Nabokov, 2. Les années américaines - Biographies, Gallimard.

samedi 3 juin 2006

I non mori, e non rimasi vivo /Je ne mourus pas, et pourtant nulle vie ne demeura (Dante)

Un feu de sorbier rouge flambe au verger mais qui pourrait-il réchauffer ?
Iessenine

Je suis fatigué, las serait d'ailleurs plus juste. Et ce n'est pas la lecture de Jan Zabrana (1) qui va arranger les choses.
Zabrana (1931-1984) est tchèque. En 1950, sa mère est condamnée à 18 ans de prison par le pouvoir communiste. Lorsqu'elle est libérée en mai 1960, il se souvient : Elle était venue me voir à Podoli telle qu'on l'avait relachée, en godillots, dans son manteau bleu, imprégnée de la poussière d'onze années de placard, d'une étoffe bleu vert détendue avec une dentelle comme au siècle dernier (...). Souvenir de la varice de sa jambe droite, à peine visible à son arrestation, et qui à présent, onze ans plus tard, remontait, longue, tortueuse, saillante, tout le long de sa jambe (elle me faisait horreur comme un serpent). En 1952, son père est arrêté. La même année Zabrana sera exclu de l'université pour "inaptitude politique à l'étude". Après avoir travaillé en usine, il devient, en 1955, traducteur, activité qu'il exercera jusqu'à sa mort. Sa vie lui aura été volée : Ce que la vie m'a pris m'a-t-il élevé, m'a-t-il ennobli ? Quand je pense à l'année 1950 et aux suivantes, j'ai envi de hurler comme un chien, aujourd'hui encore... On comprend qu'il ne porte pas dans son coeur les communistes, contre le communisme, je suis, et serai prêt à m'associer avec n'importe qui - sauf les communistes.
Toute sa vie il tiendra des carnets (1100 pages) et la présente édition française ne représente qu'un-dixième de l'édition originale.
Zabrana est hanté par la vérité; je n'aime pas les gens indifférents à la vérité écrit-il en citant Pasternak. Ces notes ne sont pas un journal mais un diagnostic. Le mien. Diagnostic sans concession.Ceux qui nous gouvernent aujourd'hui sont les mêmes assassins qui pendaient des femmes dans les années 50 à la prison de Pankrac. (La veille au soir, les jeunes communistes avaient organisé des discussions publiques sur le le thème de l'Amour dans plusieurs quartiers de Prague).Ou encore : De la femme à laquelle Pouchkine dédia ces vers extatiques: "L'instant magiques ! Je me souviens:/ tu passas, incarnation de la beauté vierge,/ mirage fugitif de la pureté...", il dit dans une lettre adressée à un ami : "La nuit dernière, avec l'aide de Dieu, j'ai baisé avec Anna Mikhaïlovna." Rien ne sera épargné, pas même lui : je vieillis. La cigarette allumée dans la main gauche, je suis allé pisser. J'ignore à quoi je pensais mais en ouvrant la braguette je me suis brûlé le pénis. Je vieillis.
La vieillesse est d'ailleurs une des dominantes du recueil : Quand ils se sont vus 25 ans plus tard - un sentiment d'horreur de panique, d'injure...pourquoi le temps nous a-t-il détruits ainsi ? Que nous fait-il ? Reproche : il nous a détruits, nous justement, qui justement étions si beaux, si frais, si jeunes. Et si elle est perçue comme un naufrage, jeunes nous ignorons que les vieux ne sont pas stupides par stupidité mais par fatigue, à l'opposé la jeunesse n'est pas non plus magnifiée : Ceux qui ont vécu leur premier amour aux chantiers de jeunesse. Au temps de l'autoprojection totale, où tout alentour est jeunesse joyeuse, enchantée, étincelante. Ceux-là sont prêts à fermer l'oeil sur un meurtre, de temps à autre. Ne reste que le goût amer d'une vie suspendue , l'homme devient adulte, entre autres, lorsqu'il est prêt, un beau jour, à assumer son échec, sa défaite, la mort de ses rêves, son rien-de-rien. De son vivant, dans cette vie, et le sentiment irrémédiable de la douleur : Combien ont-ils été ceux qui ont tenté de dire la douleur douleureusement. Pendant toutes ces années. Combien vainement.

(1)Jan Zabrana
Toute une vie. Edition établie, annotée et présentée par Patrik Ourednik. Traduit du tchèque par Marianne Canavaggio et Patrik Ourednik. Allia, 158 pp., 6,10 €.
On regrettera l'absence d'indication chronologique, d'autant que le préfacier précise que les carnets sont pour la plupart datés et numérotés.