Ruines circulaires

Le Zèbre est peut-être de tous les animaux quadrupèdes le mieux fait et le plus élégamment vêtu.

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mardi 28 février 2006

Historiette.


Ce matin, en prenant le train, je rencontre la petite blonde qui officie le dimanche à la boulangerie. Je l'aborde, elle me reconnait. Il faut dire que je la fais quelquefois rigoler au moment de l'achat d'un pain complet non coupé et que la clientèle ordinaire n'est pas spécialement marrante. On discute, j'apprends qu'elle a 20 ans, qu'elle est en Licence d'Allemand (...a du avoir son bac à 17 ans, pas mal...) et qu'elle voudrait bien faire professeur comme métier. J'écoute (...de jolis yeux bleux, mince, un peu mollassonne mais peut-être est ce l'heure matinale...) et lui demande qui elle étudie comme auteur.
- Kafka
- Ah bien...
- Oh non, c'est nul...
Je marque ma désapprobation (..on ne peut pas quand même tout leur passer...) et lui demande qui elle aime ?
- Euh...En fait je n'aime pas lire...
Silence. Le train arrive en gare.
Nous nous quittons (...pas de cul...vraiment trop mince...)

samedi 25 février 2006

Condensation.


La musique est nulle, les costumes souvent laids mais lorsque Evgeni Plushenko patine, le Temps se fait plus léger, volatil ; et il finit par se condenser en ces quelques larmes qui nous brouillent la vue.

vendredi 24 février 2006

Critique (fin)

Pour, de mon point de vue, conclure un débat (ici) où chacun s'est amusé à rejouer la querelle des Anciens et des Modernes, à proclamer que ce que l'on a appelé autrefois le «cinéma» et les «films» sont devenus des sortes de variables d'ajustement dans une horlogerie des médias et des flux à la complexité borgésienne, comme d'autres, en d'autres temps, ont proclamé la mort de la peinture ou de la littérature, j'ai envie de répondre par ces quelques phrases extraites du roman de Nabokov où il nous raconte trois années de la vie d'un jeune poète russe en exil.

Le genre de magasin berlinois où il entra peut être adéquatement déterminé par la présence, dans un coin, d'une petite table où se trouvaient un téléphone, un annuaire, des saucisses dans un vase, et un grand cendrier. Cette boutique n'avait pas les cigarettes russes à bout de carton qu'il préférait, et il serait reparti les mains vides n'eût-ce été du veston bariolé du marchand de tabac avec des boutons de nacre et sa plaque chauve couleur de citrouille. Oui, toute ma vie, j'obtiendrais ce petit paiement supplémentaire en espèces en compensation du paiement supplémentaire de la marchandise qu'on m'impose.
V.Nabokov - Le Don (trad - R.Girard)

Au fond je n'attache plus guère d'importance - mais l'ai-je d'ailleurs jamais fait ? - aux petites idées théoriques et autres billevesées sur ce que doit être ceci où cela, sur ce qui est signe de la modernité ou de l'extrème ringardise et pour tout dire je m'en fous. Ce que je demande à voir, à lire c'est juste ça, des boutons de nacre, le frémissement d'une couleur, un geste, Jean-Pierre Léaud, un paysage inondé d'une pluie de sang, la fossette d'une actrice débutante...et ce dont je suis sûre c'est qu'il existera toujours quelque part, quelqu'un qui aura le désir et le talent de me le montrer.
Ce dont je suis également sûre c'est que ces frémissements sont, pour reprendre les termes de l'un des intervenants, irréductibles aux flux capitalistes de notre époque, ou plutôt qu'ils sont là, à coté, en contre-bande - diamant caché à l'intérieur d'un puits - bref, qu'ils sont irrefourgables sur le marché.

jeudi 23 février 2006

Critiques (2)

Ma modestie en prend un coup !

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Add du 24 02 06 : Il sont gentils mes nouveaux amis mais ils commencent à me casser les couilles !

Un critique


A propos de sa méthode critique :
L'empathie d'abord, comprendre le projet de l'écrivain puis prendre une distance pour voir s'il le réalise bien.
Maurice Nadeau in Le Monde des livres du 24-02-06

Vous avez dit subtil ?

mercredi 22 février 2006

La gaffe (2)


Le film commence à peine à dresser le portrait vénéneux, un portrait très noir, d'une petite ville américaine (complots, corruption), que l'épouse du personnage principal, Glenn Ford, explose dans sa voiture. Adieu Jocelyn Brando, bonjour l'angoisse. Ne riez pas, c'est pire que ce que vous imaginez. De ce premier chagrin, celui qui balafre les nuits et les jours d'un pauvre flic, comment sortir indemne ? La réponse est simple. On ne s'en sort pas. On ne s'en sort jamais. On se soulage comme on peut avec des filles de passage, frôlées du regard. Des filles perdues, damnées, déjà mortes. Ida Lupino par exemple, le visage ravagé d'acide. Elle aura sa peau, à Lee Marvin, le salaud qui lui a fait ça. Non, ne riez pas. Il s'agit de sa vie. Il s'agit de vengeance. Il s'agit de mort. L'amour, la mort, vous vous rappelez ?
Louis Skorecki - A propos de The Big Heat (Réglement de comptes) de Fritz Lang in Libération - 22/02/06.

Il s'agit bien entendu de Gloria Grahame (à droite) et non d'Ida Lupino (à gauche).
Si j'ai noté ce lapsus-scriptae, c'est que celui-ci, allié à la ressemblance entre ces deux actrices, m'a évoqué la confusion qu'instaure Jacques Tourneur entre deux personnages féminins dans l'une des scènes de Out of the past (La griffe du passé). Or il se trouve que Jocelyn Brando a également tourné avec Tourneur...Je ne suis pas loin de penser, ou plutôt je préfère cette hypothèse à la simple coquille, que tel avait été le cheminement de Louis Skorecki.
Que les films de Lang, de Tourneur, de tous les autres s'étaient fondus en seul parce qu'il s'agissait toujours de la même histoire, d'une histoire de vengeance, d'amour, de mort et que, au bout du compte, le cinéma avait eu le dernier mot.

mardi 21 février 2006

La gaffe.

C'est exact, tout ce que je vous raconte... Y en a encore bien davantage... Mais j'ai plus de souffle au souvenir! Trop de monde a passé dessus... comme sur le pont... sur les souvenirs... comme sur les jours!...
Céline - Guignol's band I

On peut lire ici un entretien avec Jean-Louis Costes ainsi qu'une critique de son roman: Grand-Père. Je ne connais que très vaguement Costes, dont l'univers m'est à priori quelque peu étranger, je n'ai pas lu ce livre (j'avoue attendre que la biblothèque en fasse l'acquisition) et ne peut donc en parler.
J'ai néanmoins lu le prière d'insérer (on ne dira jamais assez la difficulté de l'exercice; en passant et en pensant au vrai-faux/faux-vrai RJ, il faut ajouter que Mlle Lê excelle dans le genre, mais un prière d'insérer signé est-il encore un prière d'insérer ?), bref (cette note devient cryptique!) la maison Fayard parle aux lecteurs et nous informe : On dirait du Mac Orlan secoué, du Cendrars fou, du Céline îvre.
Mazette ! Rien de moins ! Le problème est que cela ne veut strictement rien dire et que c'est complètement idiot.
A propos de son style, au cours d'un enregistrement de 1957 (1) Céline déclare:
Ce style, il est fait d'une certaine façon de forcer les phrases à sortir légèrement de leur signification habituelle, de les sortir des gonds pour ainsi dire, les déplacer, et forcer ainsi le lecteur à lui-même déplacer son sens. mais très légèrement ! Oh! très légèrement ! Parce que tout ça, si vous faites lourd, n'est-ce-pas, c'est une gaffe, c'est la gaffe. Ca demande donc énormément de recul; c'est très difficile à faire, parcequ'il faut tourner autour. Autour de quoi ? Autour de l'émotion (...). Je n'écris pas facilement ! Qu'avec beaucoup de peine ! Et ça m'assomme d'écrire en plus (...). Mais je n'ai pas de facilité du tout, nom de Dieu ! Aucune (...). Seulement je me mets au travail.
Du Mac Orlan secoué, du Cendrars fou, du Céline îvre....pauvre employé aux écritures de la maison Fayard, tu me copieras 100 fois les lignes suivantes (et tu as de la chance car le temps nous manque pour faire quelques recherches du coté de Cendrars et de Mac Orlan). :

- Et alors, est ce que vous cherchez vraiment à indigner le lecteur ?
- Pas du tout.
- C'est une attitude ?
- Je ne m'occupe que de technique.
- Que de la technique ?
- Que de la technique. Non, lui il m'est froidement égal, indifférent au possible.
- Vous ne vous occupez pas, absolument pas du lecteur ?
- Ah non, absolument pas de ce qu'il pense. Je voudrais bien qu'il m'achète, ça me permettra de bouffer (2).

Dans les Entretiens avec le professeur Y (1954), Céline se définit comme un inventeur, l'inventeur de l'émotion dans le langage écrit et c'est pas qu'un petit turbin je vous jure !...retrouver l'émotion du "parlé" à travers l'écrit ! c'est pas rien !...c'est infime mais c'est quelque chose !... Et cette invention technique, il l'a faite parce qu'il a compris que le monde avait changé : les écrivains d'aujourd'hui ne savent pas encore que le cinéma existe !...et que le cinéma a rendu leur façon d'écrire ridicule et inutile...péroreuse et vaine !... Il la faite à la manière des Impressionnistes : ils n'ont pas cherché à concurrencer la photo !...pas si stupides! ils se sont cherchés un petit condé...ils ont inventé un petit truc ! que la photo pourrait pas leur secouer !...
Le style, ce serait serait donc ça : une petite technique, une petite chose (2) en adéquation avec un état du monde.
J'ai songé à ce texte de Jean-Jacques Schuhl paru en 1972, Rose poussière (3). Comment décrire l'homme interchangeable et sans nom, l'homme interchangeable et synthétique. Comment décrire (je cite le prière d'insérer !) cette zone commune (fosse commune) où n'ont plus court les valeurs de la culture, d'intelligence, de style ni de personne humaine, chaque chose n'étant plus là que pour soi, c'est à dire pour rien. Comment ?

(Au moment où le garde mobile renvoie le pavé d'une main - une seule - gantée d'une mouffle montante à deux lanières semblable à celles des hockeyeurs sur glace, il retrouve peu à peu le geste de celui qui le lui a envoyé.) Au moment où ils échangent des coups, où ils avancent et reculent doucement dans leurs inhumaines et collectives parures, les gardes mobiles barrent le quelque chose d'autre et sont ce quelque chose d'autre. Autant qu'un mouvement de répulsion contre l'autorité, leur apparition dans les rues provoque le trouble attrait du monde cruel et désindividualisé qu'ils (pré)figurent. Il y a entre les ennemis d'étranges complicités.

Si ce n'est en inventant un style.
J'aimerais un jour parvenir à la morne platitude distante des catalogues de la Manufacture française d'armes et cycles de Saint-Etienne, du comptoir commercial d'outillage, du Manuel de synthése ostéologiques de M.M. Müller, Allgröwer, Willenegger (...). En attendant, loin du compte, j'ai recopié des rouleaux de télex hippiques, France-soir, des paroles de chansons anglaises connues (...), des publicités de mode, lambeaux sur lesquels, furtivement, s'écrit le temps mieux que dans les oeuvres. Le reste, hélas, est de moi ; probablement.

Céline, Schuhl... joie des rencontres que certains qualifieront, peut-être, d'hasardeuses...

(1) Le Regard Littéraire (Céline - Le style contre les idées) - Editions Complexe (1987).
(2) Céline - Entretien donné à la Radio Suisse-Romande (Mars 1955) in Magazine Littéraire n° 280, septembre 1990.
(3) Jean-Jacques Schuhl - Rose poussière - Gallimard.

lundi 20 février 2006

Citations

Ce matin, j'ai acheté Libé.

En matière de marketing, le seul modèle que je connais c'est le monde de la drogue. Je savais que la seule façon de m'introduire sur un nouveau marché, c'est de distribuer des échantillons gratuits. Il fallait que je trouve une clientèle avant d'engranger des profits.
50 Cent - Rappeur.

En tant que femme, je suis aussi percue comme pragmatique, protectrice et portant des valeurs de solidarité.
Françoise de Panafieu - Candidate aux primaires UMP pour les municipales parisiennes de 2008.

jeudi 16 février 2006

Metablog. (et amour-propre)

Depuis plus d'un mois, pour des raisons techniques auxquelles je n'ai rien compris, je n'ai plus de compteur, traceur et autre gadget du même acabit. Et franchement je ne m'en porte pas plus mal.

Add : On me signale qu'une de mes notules a été reprise sur le blog du vrai-faux/faux-vrai RJ. Dommage que Deligny ne soit plus (drowned), j'aurais pu y connaître mon quart d'heure de célébrité.

mercredi 15 février 2006

Ya pas bon la perche, y'en a avoir de très gros yeux.



On ne voit pas les armes, parce que je ne voulais pas les montrer. Ca aurait été trop facile.
Hubert Sauper.

S m'a envoyé un mail avec un lien qui pointe vers l'émission de Philippe Meyer - L'Esprit Public - diffusée le dimanche matin à 11h (après la messe) sur France Culture. L'Esprit public est une sorte d'annexe de la revue Commentaire; y devisent des Aroniens de diverses tendances et, il y règne un esprit de sérieux matiné d'understatement qui n'est pas fait pour me déplaire.
A la fin de l'émission, l'un des interlocuteurs conseille la lecture d'un article de François Garçon, paru dans le dernier n° des Temps Modernes(1) et consacré au Cauchemar de Darwin. J'ai suivi la prescription.
En guise de préliminaire, je dois préciser que la première fois où j'ai acheté et mangé de la perche du Nil, j'habitais en Bretagne à une centaine de kilomètres de la mer. Aussi lorsque le poissonnier du Super U me proposa de la perche du Nil, j'entendis perche d'une île. Une île du Morbihan par ex, pas trop loin, fraicheur garantie. Au bout de 6 mois, j'appris qu'il s'agissait du fleuve et pensai alors que le poisson venait d'Egypte ce qui, compte tenu de la distance ne garantissait plus rien du tout. Fin de mes rapports avec la perche du Nil, jusqu'à ce que je vois Le Cauchemar de Darwin que je n'ai pas aimé.
L'article de Wikipédia est une bonne illustration de ce qu'est le film.
Dans son article François Garçon montre comment le réalisateur en opérant à une simplification du réel - d'un coté les Tanzaniens damnés de la terre, de l'autre les Européens trafiquants, pilleurs, porteurs de maladie et tueurs de putains - cherche à donner une image conforme au désir du spectateur. Il semblerait que la réalité soit plus complexe.
- La perche a été introduite dans les années 50, on est donc loin du nouvel ordre néo-libérale, dans le cadre d'un vaste programme de développement de la région, programme financée en partie par l'OCDE et les pays nordiques. L'objectif était d'introduire une ressource renouvelable qui pouvait être traitée sur place.
- D'aprés les calculs de Garçon, 74% de ce qui est péché dans le lac Victoria n'est pas exporté et 40% est consommé sur place. Il n'y a donc pas pillage.
- Aucune preuve n'est donnée du trafic d'armes (aucune image du déchagement des armes). La seule déclaration à propos de ce trafic se rapporte à une livraison à l'Unita en Angola (conflit qui s'est terminé en 2003). A partir de cette déclaration, le raisonnement mis en place est le suivant:
1) Des armes qui ont servi dans un conflit ont été livrées.
2) Les pilotes transportent du poisson.
3) Les armes s'échangent contre le poisson.
Technique classique de l'amalgame qu'illustre assez bien l'affiche du film.
- Rien sur Mwanza présenté comme le trou du cul du monde alors que c'est une ville de 800 000 habitants avec ses contrastes sociaux.
Et ce ne sont là que quelques exemples donnés par F Garçon.
Ahurissante est donc selon lui l'approche critique, il la qualifie d'hémiplégique, qui a présidé à la réception du film. Tout s'est passé comme si la sincérité de Sauper avait eu valeur de d'argument scientifique entrainant une désactivation de l'esprit critique.
Dans sa réponse à Garçon, également publiée dans Les Temps Modernes, Sauper, comme le fait remarquer P Meyer, reste dans le registre de l'émotion. Il déclare: Le Cauchemar de Darwin n'est pas une expertise socio-économique, ni sur la Tanzanie, ni sur la perche du Nil...seul l'humain m'intéresse. Certes, mais cela doit-il l'exonérer d'un minimum de rigueur ? D'autant que le film est justement reçu comme une dénonciation objective d'un état de fait et non comme une oeuvre militante.
Il ne s'agit pas de réclamer je ne sais quelle objectivité, dont on sait qu'elle n'est pas atteignable, ni de nier l'existence des problèmes, mais seulement d'essayer de s'extraire du maelström, où chacun - réalisateur, spectateur, critique - au nom de la mauvaise conscience (maladie infantile de l'humanisme), se nourrit de l'attente de l'autre. Juste essayer de briser le cercle des certitudes.

Add du 01/03/06 : "Une rencontre" entre Sauper et Garçon ici

(1) Les Temps Modernes n°635/636

lundi 13 février 2006

De la prescription.

A la suite d'une précédente note, un correspondant m'écrit : Vous êtes bon prescripteur puisque je viens de m'acheter le « Journal atrabilaire ». J'avoue avoir été flatté même si ce sentiment de fierté fut de courte durée, mon correspondant ajoutant aussitôt : Mais avec un titre pareil, même sans prescription et signé de Tartempion, je n'aurais sans doute pas résisté. Si le compliment me toucha, c'est que des prescripteurs il n'en reste plus guère. En matière de littérature deux noms me viennent à l'esprit : Michel Polac et Simon Leys.(1)
Le prescripteur n'est pas tout à fait un critique, il peut ne pas être tributaire de l'actualité - c'est la cas de Leys - mais le point important, me semble-t-il, est qu'il établit un rapport subjectif à l'objet de son étude. Il n'a ni le regard froid et distancié de l'universitaire, ni le jugement d'autorité du critique. Il n'est pas non plus comme ce vray croquelardon(2) qui, comme le dit Rabelais, pensait qu'Ovide dans ses Métamorphoses avait songé aux sacrements de l'évangile. Sa subjectivité ne vient jamais recouvrir ce qu'il préconise, elle reste toujours en retrait ; il a la subjectivité modeste. Si au bout du compte, il ne parle que de lui - peut-il d'ailleurs en être autrement ? - en parlant d'un autre, l'autre n'est jamais le prétexte de sa causerie. Le prescripteur pointe toujours son nez mais ce n'est que le bout de celui-ci que l'on aperçoit.
Je n'ai pas acheté le journal de Jean Clair préférant réserver mes dix euros à l'acquisition d'Une histoire de la littérature française de Kléber Haedens(3). le mot important est bien entendu une. Une, la sienne. K.Haedens, mort en 1976, fut pendant de nombreuses années critique littéraire ; je ne crois pas que ses articles fassent l'objet d'un recueil. A propos de Villon, on peut lire ceci.

...ses poèmes, qui semblent pourtant formés du coeur même de l'hiver, nous font entendre le chant des sirènes glissant comme un murmure envolé dans un monde plein de silence.

J'ai passé mon week end avec Villon.

(1) Si je mentionne ces deux noms, c'est parce qu'ils ont tous deux une chronique régulière. L'un à Charlie Hebdo, l'autre au Magazine Littéraire.
(2) Pique-assiette.
(3) Les Cahiers Rouges - Grasset (1970)

samedi 11 février 2006

Chinoiserie


Via un mail de C2Z.
Deux garçons chinois. C'est ici et je trouve ça vraiment très beau.

vendredi 10 février 2006

Pile poil



Enfant, je fus fasciné par une image de H.Miller où ce dernier, il était relativement agé, jouait au ping-pong avec une jeune asiatique. Miller était habillé, la jeune femme assez menue était nue; son sexe faisait comme une tâche noire.
Si cette image m'est revenue à l'esprit- je ne l'ai jamais complétement oubliée - c'est qu'au hasard de mes dérives, je suis tombé sur ces photos de Madonna.
Or quelques heures après, je lus et m'empressai de noter ceci :

A à la fin des années 50, adolescent, je me plongeais dans Henry Miller difficile encore à trouver. Je me souviens qu'il se faisait de la femme l'image d'un corps foisonné, dense comme un fouilli végétal, giboyeux bosquet, forêt dans laquelle il fallait doucement entrer avant de saisir l'animal qui palpitait au fond. (...)
Formé à cette économie primitive de ceuillette et de chasse, je n'ai guère aimé cette économie de marché qui s'est developpée à partir des années 90 imposant un vagin calibré et un pubis homologué, taillé raz sur un corps sans secret ni odeur, comme la peau rare et rose d'un animal d'appartement. (...)
Pourquoi cette manie de tout raser, cette furie anti-physis ? (...) Plus de poils, plus de voile, plus d'intimité. (...) Monde désexualisé alors même qu'il se prétend, mieux que tout autre, libéré.
Jean Clair - Journal atrabilaire - Gallimard (2006).

Il est des jours où tout semble s'accorder, s'ajuster.

Ps : remerciements à l'aimable brocanteur ; avec lui c'est encore mieux que DDT puisque c'est tous les jours lundi.

jeudi 9 février 2006

Deux ou trois choses...


Prise de bec.
Aux Inrockuptibles, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on n'aime pas Je vous trouve très beau, le film d'Isabelle Mergault. Jean-Baptiste Morain critique démolit assez méchamment le film; c'est son droit. Il me faut tout de suite préciser que je n'ai pas vu ce film, et que les extraits vus ici ou là donnent la fâcheuse impression d'avoir à faire avec la énième rediffusion d'un épisode de Louis la brocante. C'est dire. Là où les choses se corsent (chef-lieu Ajaccio ! - des réminiscences de San-Antonio...) et font plus que m'irriter c'est qu'à la fin de son articulet, Jean-Baptiste Morain critique épouve le besoin de conclure par (je cite de mémoire) : C'est simple, ça cartonne. La droite peut être optimiste.
Du haut de sa chaire, Jean-Baptiste Morain critique nous délivre la bonne parole, sépare le bon grain de gauche de l'ivraie de droite, il sait. Fort de ses certitudes, Jean-Baptiste Morain critique s'écoute, sa voix enfle. Il ne lui vient pas à l'idée que les meilleurs sermons sont ceux qui prennent l'assemblée à rebrousse poil. Non. Plein de componction, il ferme les yeux, imagine la ferveur de ses ouailles - n'est-il pas dans le droit chemin ? Il lui faut cependant terminer; son stock de signes s'amenuise..Jean-Baptiste Morain critique en arrive presque à oublier son auditoire. Tel le dindon il se gonfle. Plein de lui-même, il est la vérité. Les mots - peu importe qu'ils n'aient aucun sens, seul compte la faculté qu'ils ont de l'emplir - sont là...La droite peut être optimiste...C'est fini. Jean-Baptiste Morain est satisfait. Jean-Baptiste Morain critique a connu sa petite secousse.

Mohican.
L'action se situe pendant la débacle, le roman a été écrit en 1947.
Vincent, qui est le seul cultivateur dans le groupe, essaie de faire comprendre à ce mineur creusotin l'aspect fatal du retour des saisons, de la germination et de la maturité. Chez lui il n'y a plus de chevaux (...), plus de bétail, plus rien, mais quand même il faut qu'il soit là. Après la grêle, l'inondation ou l'incendie, même si tout a péri il faut être là, tâter la terre, flairer les ruines, enfin voir ce qu'il y a à faire et le faire.
Jacques Perret - Le caporal épinglé.

Technique.
Je suis toujours surpris de trouver chez des auteurs, qui sont loin d'être des débutants, des erreurs qui ressortent de la simple technique littéraire.
Dans Le Flagellant de Séville (par ailleurs le meilleur roman de P. Morand) - l'action se déroule en Espagne pendant l'occupation française des années 1808 -1813 - le héros fait la connaissance d'un Anglais qui souhaite assister à une exécution capitale afin de voir fonctionner un garrot. Le héros refuse, l'Anglais ira seul. Peu après don Luis retrouva dans un cabaret de Triana l'Anglais qui exultait. Ce dernier raconte l'éxécution. Il le fait, premièrement dans le style de Morand lui-même (le personnage ne possède donc pas sa propre voix), deuxièmement avec force détails explicatifs utiles au lecteur français de 1951 mais inutiles pour son interlocuteur espagnol. Au bout du compte on ne croit à rien.

Tabula rasa.
A propos de Jaws de Spielberg, j'ai écrit, il y a quelques temps, qu'il me semblait que le film était construit autour des trois temps, trois temps impliqués les uns dans les autres, de la ritournelle.
- Créer le territoire pour conjurer le chaos.
- Tracer et habiter le territoire pour maintenir à distance les forces du chaos qui frappent à la porte.
- Sortir du territoire vers un cosmos qui se distingue du chaos.
Il semblerait bien - et Munich semble le confirmer - que la vision de Spielberg soit devenue beaucoup plus tragique puisque ne règne plus que le chaos à l'intérieur et à l'extérieur du territoire. La communion avec le cosmos devient impossible. Tabula rasa. En conséquence le film ne peut que déplaire aux partisans des deux camps - il ne s'agit pas de les renvoyer dos à dos - puisqu'il se situe dans un au-delà de ces deux camps. Ne reste alors qu'une certaine forme de nostalgie mais cette dernière est elle-même minée de l'intérieur. A ce sujet on n'a peut-être pas assez remarqué que le caractère reconstruit du dernier plan faisait écho au caractère artificiel des capitales européennes.
On peut ne pas adhérer à la noirceur de cette vision mais on est obligé de constater avec Slothorp qu'il s'agit là d'une pensée en actes qui se déploie au travers d'une mise en scène. Ce qui est, ma foi, une bonne définition du cinéma.

A part ça.
Un premier foyer de grippe aviaire H5N1 vient d'être découvert dans un élévage de volailles du nord du Nigéria. C'est simple et ça va surement cartonner.

jeudi 2 février 2006

Blessed are the cheesemakers....

Angels' Choir: (Sort of a Chant to the Star of Bethlehem)
Brian: Uhuhlk!
Gaspar: Hrmhrm!
Mother falling off stool: (Crash)
Mother: Uhooh! Who are you?
Gaspar: We are three wise men.
Mother: What?
Melchior: We are three wise men.
Mother: Well, what are you doing creeping under a couch at two o'clock in the morning? That doesn't sound very wise to me.
Balthasar: We are astrologists.
Melchior: We have come from the East.
Mother: Is this some kind of joke?

la suite est lisible ici.
Comme le dit un de mes amis : nous ne sommes décidément pas du même monde.

Beaucoup moins drôle c'est ici, quoique : Le Mouvement de la Résistance Islamique est un mouvement humaniste (art 31), l'article 22 n'est pas mal non plus.

Ps : en forme de conclusion provisoire : .

mercredi 1 février 2006

Vacances, espoir et humidité.


Cela se passait en 1936, au temps du Front Populaire. Je prenais mes dix jours de congé payé dans cette banlieue. Les frais de séjour et de voyage étaient peu élevés ; on se rendait là en autobus pour quelques tickets et nous faisions notre cuisine nous-mêmes. Au vrai, ce n'était pas la campagne, une promesse tout au plus. Mais on inclinait à l'espoir à cette époque ; on souriait, on levait le poing ferme à l'avenir. Il ne faut jamais montrer le poing à l'avenir ; on le sait maintenant. La région a l'inconvénient d'être très humide.
Henri Calet - Le Tout sur le tout (1948).