Il ya quelques mois j'avais conseillé à S. la lecture de La folie Almayer de Conrad. Le roman n'est pas sans défaut - une intrigue "politique" assez confuse - mais la présence hallucinée de la nature et une scène bouleversante de séparation entre un père et sa fille en font un de mes livres préférés.

Au grand désarroi d'Ali, il se laissa tomber à quatre pattes et, rampant sur le sable, effaça soigneusement de ses mains toutes les traces des pas de Nina. Il amassa le sable en petit tas, laissant derrière lui jusqu'au bord de l'eau une ligne de tombes en miniature.

L'histoire qui se déroule sur l'ïle de Bornéo est celle de la déchéance d'un Hollandais miné par l'alcool, trompé par sa femme malaise et trahi par sa fille métisse.
Les îles peuvent être des lieux d'engloutissement. Combien en avais-je vu de ces blancs-manqués errant dans le quartier du Canérage, faubourg de Pointe à Pitre, entre les putes colombiennes avachies à la porte des lolos, à la recherche d'un dernier verre de rhum ?
A l'espérance d'une vie rêvée, les îles opposent des Grands Fonds où l'on peut aisément se noyer.
S. m'avoua n'avoir guère gouté le roman de Conrad. J'en fus dans un premier temps surpris. Nous sommes le produit des paysages de notre enfance, et j'avais oublié que S. est enfant de la montagne.

Ps : le titre est extrait d'un poème de Guillaume Apollinaire que l'on peut lire ici