La mangrove s'étendait jusqu'au bras de mer qui séparait les deux iles. Quand l'ennui devenait trop fort, l'un de nous proposait que nous partions à la chasse. Je rentrais chez moi, l'immeuble dans lequel j' habitais, le dernier de la cité, faisait face au marécage, enfilais deux-trois paires de chaussettes et recherchais mon lance-pierre : une petite fourche en bois dénudée, deux rubans de caoutchouc noir, le meilleur, reliés par une languette de cuir.
Lorsque nous avions fini de faire provision de cailloux, là où nous allions on n'en trouvait pas, l'heure était venue de partir.
Nous nous enfoncions dans la vase qui alourdissait nos pas, trébuchions contre les racines des palétuviers. Les plus chanceux ou les plus cruels atteignaient leur but. L'oiseau tombait, blessé. La mort était donné à main nue, séchement.
De retour, fatigué, autour du fou-fou à la gorge rougie par la pierre, chacun essayait de se débarrasser de la boue accumulée.
J'otais mes chaussures, retirais mes chaussettes. C'est alors que je les voyais. Luisantes, gonflées de bonheur, ivres de mon sang : les sangsues.