28,50 euros - Dictionnaire égoïste de la littérature française - Charles Dantzig.

La critique la plus juste que l'on puisse en faire se trouve à l'intérieur de l'ouvrage. Je cite ; seul le nom est modifié:
C.Dantzig a tendance à croire qu'une formule vaut une pensée. Il est français, très français (...). Il a de subits rétrécissements par mot d'esprit (...). Il y a un boulevardier dans tout Français. Tout est dit.
Egoïsme pour égoïsme, snobisme pour snobisme, puisque c'est le terrain de jeu qui nous est imposé, je lui en veux non point pour ses préférences (nous avons quelquefois les mêmes : Léautaud, Saint-Simon, Larbaud, Mme du Deffand...) ou ses détestations (nous n'avons pas les mêmes : Céline, Molière...) mais plutôt pour quelques oubliés. Il convient de préciser que Dantzig ne se préoccupe que d'auteurs morts. Rien donc - Bloy n'a pas de notice mais il est mentionné - sur Hamilton (Mémoires du comte de Gramond) ou sur Madame d'Epinay (Les contre-confessions). On ne peut d'ailleurs que regretter l'absence d'un index, l'édition moderne ne semblant plus connaitre l'usage de cet instrument. Ainsi pénétrer dans La Recherche par l'index des noms propres ou celui des noms de lieux est source de grand plaisir.
Décrivant sa soeur, épouse du comte de Gramond, Hamilton précise : elle disait ce qu'il fallait, et pas davantage. Sainte Beuve qui relève ce détail - grâce soit rendue au site Gallica - l'applique à Hamilton: C'est ainsi, dans sa diction parfaite, qu'il m'apparaît lui-même(1). Il est dommage que Dantzig n'ait toujours pas suivi ce conseil et que désirant se portraiturer - le coté égoïste - il en dise parfois trop.
Restent, au milieu d'aphorismes dont la réversibilité suffit à prouver l'inanité (Nous ferions bien d'avoir un peu moins d'idées, et un peu plus de pensées) et dont l'évidence confine à l'idiotie (Quand on écrit, on tire un fil; l'ignorance est un péché...) quelques pages sur Fréderic Berthet, auteur de nouvelles mort en 2003, et cette annotation sur Fermina Marquez de Larbaud.
Chapitre II : " Nous avions donc un mot maintenant un nom à répéter tous bas, le nom entre tous les noms qui la désignait: Fermina, Ferminita..."
que Dantzig rapproche du début de Lolita : Lolita. Lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lee-ta (...)
Désirant aller plus loin, je découvre un texte de Maurice Couturier qui fait également un parallèle entre les deux auteurs, et ce à propos d'un autre texte de Larbaud:
Lolita est une petite fille; Lola est en âge de se marier, Dolores a trente ans (...). Un jour, inspiré par l'amour, je murmurerai : Lola. Et le soir des noces, j'aurai Lolita dans mes bras (...).
Pour tout le monde : dona Dolores; pour moi seul : Lolita. Et cela même ne suffit plus. On adopte un mot tendre, un mot enfantin : Nena, Nenita.
Valery Larbaud - Jaune Bleu Blanc.
Nabokov aurait-il lu Larbaud ?
A cet instant, je dois dire que je n'ai pas regretté mes 28,50 euros.

(1) Sainte-Beuve - Causeries du Lundi - Tome 1