L'immense avantage du monde qui va tel qu'il va, c'est qu'il ne nous étonne plus. Sa prévisibilité est finalement assez reposante. Ainsi ce matin sur France Inter, présentation de l'exposition Matisse au Musée du luxembourg, exposition consacrée aux dernières années du peintre et à son travail sur les gouaches découpées. L'étonnant eut été que l'on nous présente ce travail un tant soit peu sérieusement mais que nenni; nous avons eu droit aux commentaires d'un enfant. On ne s'apesantira pas sur le grotesque de la chose, puisque le grotesque est devenu notre commun, mais plutôt sur ce qui nous semble un signe des temps ou nous vivons.
Qu'est ce qu'un enfant? Un être sans histoire, étymologiquement qui ne parle pas. Qui ne parle pas et ce parce qu'il n'a rien à dire, qui n'a pas d'histoires à raconter. On raconte des histoires aux enfants, ils ne nous en racontent pas; ils ont tout juste des mots. Sans histoire parce que vivant dans un temps non borné. C'est Borges (encore lui!) qui disait que les animaux et les enfants étaient les seuls êtres immortels qu'il connaissait, car n'ayant pas conscience de la mort. Un être oublieux.
Qui est Matisse en 1944, au moment des premiers papiers découpés? Un homme malade, perclus par la maladie. Un homme qui dit qu' avec plus d'absolu, plus d'abstraction, il a atteint une forme décantée jusqu'à l'essentiel et qu'il a conservé de l'objet le signe qui suffit et qui est nécessaire à le faire exister dans sa forme et pour l'ensemble dans lequel il a été conçu. Un homme qui nous dit que ce n'est pas un départ mais un aboutissement. Un peintre qui toute sa vie a essayé de faire la synthèse entre l'arabesque et la couleur, entre Ingres et Delacroix et qui pense y être parvenu. Un homme qui pour reprendre la formule de Barrès est un de ces artistes devenus vieillards, pressés de s'expliquer qui contractent leurs moyens d'expression et qui atteignent à la concision des égnimes ou des épitaphes. Un homme à la recherche d'un espace spirituel, un espace qui aurait l'étendu de son imagination. Bref, un homme qui sait qu'il va mourir. L'absolu contraire d'un enfant.
Tout se passe comme si le temps de l'enfant, qui n'est pas le temps de l'enfance puisque ce dernier présuppose un age adulte, avait gagné. Comme si les mots de l'enfant devaient se substituer à l'histoire des hommes.
Mes courbes ne sont pas folles disait Matisse, laissons lui donc, envers et contre tout, le dernier mot.