Dans le Cratyle, Platon oppose Hermogène à Cratyle. Pour le premier, les mots désignant les choses ne sont que pure convention: Il me semble que, quel que soit le nom qu'on donne à une chose, c'est le nom juste, et que, si par la suite on en met un autre à la place et qu'on renonce à celui-là, le second n'est pas moins juste que le premier. A l'inverse pour Cratyle: il y a pour chaque chose un nom qui lui est naturellement approprié et que ce n'est pas un nom que certains hommes lui ont attribué par convention, en lui appliquant tel ou tel son de leur voix... Socrate, chargé de départager les deux protagonistes précisera que Le nom est un instrument propre à enseigner et à distinguer la réalité, comme la navette à démêler les fils.
Du coté de Cratyle une pensée des origines, une vision ou prime l'immutabilité; de l'autre un monde de la seule convention, le monde de la mode. Paradoxalement ces deux visions finissent par se rejoindre en ce qu'elles nient toute temporalité. Négation du temps en tant qu'il est Histoire chez Cratyle, alors que chez Hermogène il n'est plus que simple effet de surface, perdant alors toute profondeur.
Ce détour par Platon, un peu plus long que je ne l'aurai d'ailleurs souhaité, m'a été suggéré par un phénomène assez curieux: Le déferlement, dans la presse, de l'adjectif éponyme.

Eponyme: Qui donne son nom à... Le dieu éponyme d'une cité, Athénê, déesse éponyme d'Athènes. (Le Robert).

Ainsi Cratyle est il le personnage éponyme du dialogue de Platon déja cité; idem pour madame Bovary. Mais dire par exemple, que Spider-man est le personnage du film éponyme de Sam Raimi, que tel artiste sort un album éponyme au prétexte que le disque à pour titre son nom propre, ou je cite Muhyî-ed-Dîn Ibn’Arabi, c’est le « Maître d’amour ». Il est raconté dans un magnifique livre éponyme du célèbre calligraphe tunisien, Nja Mahdaoui sous la plume de l’écrivain espagnol Rodrigo de Zayas. n'a littéralement aucun sens, car donner à c'est aller dans un sens, du personnage à l'oeuvre et non l'inverse.
Entre Hermogène et Cratyle nous ne devons pas choisir, Socrate à la fin du dialogue les renvoie dos à dos, mais maintenir une tension. Cependant force est de constater que, au moment où je vous parle, Hermogène tient très sensiblement la corde.