Retrouvé un vieux numéro de L'Infini (n°19 de l'été 1987), numéro intitulé Où en est la littérature, conçu et réalisé par Alain Nadaud qui signe le texte introductif : Pour un nouvel imaginaire.
Le sommaire en est éclectique, s'y côtoient en effet les noms de (entre autres) : Michon, Rolin (Jean et Olivier), Nabe, Macé, Millet, Jouet, Bénabou, Abeille, Redonnet...
On y trouve aussi une nouvelle de Jean-Pierre Martinet -Elisabeth où les reines de la nuit- aux tonalités sombres et fantastiques.
En voici un court extrait :

Assise à son bureau, elle contemplait des photos : Georg Trakl en mai 1914, le regard déjà halluciné, le cheveux ras, les mains jointes. Pour quelle prière ? Ou pour quel meurtre ? Crispé sur son fauteuil. Prêt à bondir. Mais sur qui ? Sur quoi ? Etrange pantalon rayé, qui lui faisait peur, elle ne savait trop pourquoi. Peur. Les rayures ressemblaient aux barreaux d'une prison. Un bloc d'abîme ce Trakl : avec lui, on chutait sans fin dans le néant. Et si l'on fermait les yeux, il vous poursuivait quand même sur les terres du sommeil, chasseur solitaire aussi effrayé que le gibier qu'il traque. A force de fixer ces rayures, Elisabeth pensa à des lances sur lesquelles des corps jetés dans le vide, du haut d'une forteresse invisible, n'allaient pas tarder à s'empaler. Elle se sentit transpercée de part en part et se retint pour ne pas crier.