Charles de Fieux de Mouhy fut une figure de la bohème littéraire du dix-huitième dont Diderot dessina l'archétype avec son Neveu de Rameau.
Fort laid, les chroniques le donnent comme boiteux et bossu, d'une grande pauvreté, il avait cinq enfants à charge, il ouvre selon Ch. Monselet «la série des romanciers bourbeux». Polygraphe, on lui doit plus de 80 volumes dont certains ne sont que des décalques d'ouvrages plus connus (La Paysanne parvenue !).
Arrivée à la fin de ses aventures, Margot l'héroïne de Fougeret de Monbron nous dit souffrir d'une légère insomnie et confesse lire tous les soirs quelques lambeaux des œuvres narcotiques du chevalier de Mouhy moyennant quoi elle dort comme une marmotte.
De toute sa production seul surnagerait La Mouche, ou les Aventures et espiègleries facétieuses de Bigand publié en 1736. La même année, encore une fois à cours d'argent, il tape Voltaire qui finit par en faire son correspondant littéraire, tache qui consiste essentiellement à rapporter des ragots, et son chef de claque. Au cours d'un épisode peu glorieux de la vie de l'auteur de Candide, le chevalier de Mouhy endossera la paternité du Préservatif,ou critique des Observations sur les écrits modernes moyennant dédommagements. Après avoir tâté de la Bastille, il se fera indicateur de police. En 1758, il entre au service du maréchal duc de Belle-Isle alors ministre de la guerre. Son activité principale consiste à fournir au duc des jeunes filles ; ce qui nous vaut cette anecdote rapportée dans la Correspondance de Grimm.
« Ah ! monsieur le maréchal, l'heureuse découverte que je viens de faire ! Seize ans, belle comme le jour, l'innocence même ; et ce n'est rien que tout cela ; elle possède une qualité bien supérieure encore - Eh ! qu'est ce donc ? - le bonheur le plus rare ; oui, monsieur le maréchal ; elle est sourde et muette ; le secret de l’État est en sureté ».
Le chevalier de Mouhy meurt en 1784, à l'âge de quatre-vingt- trois ans.