S'il est un mot qui vient à l'esprit après la projection du Sommeil d'or, c'est celui de dépôt.
Le film cherche à garder la trace des images perdues du cinéma cambodgien, images détruites lors de la période de la dictature des khmers rouges. Mais comment garder la trace d'images qui ne sont plus ? D'abord par le biais de la déposition, celle des cinéastes, des actrices, des spectateurs. La parole accueille les images, les recueille. Recueillir des images par la parole c'est aussi mettre en scène cette dernière, c'est littéralement donner à voir - une des scènes du film fait penser à Méliès, au cinéma des origines - par l'intermédiaire des témoignages ce que furent ces images.
Comme chacun le sait, la part des anges est la partie du volume d'un alcool qui s'évapore pendant son vieillissement en fût. Les images du cinéma cambodgien ne se sont pas évaporées par la grâce du temps mais en raison de la folie des hommes. C'est donc à une sorte d'opération alchimique que va procéder Davy Chou. Par le recours à l'imaginaire - le film quitte alors les abords du documentaire pour aborder les rivages de la fiction - il s'agira pour le réalisateur de mettre en place un dispositif par lequel s'opérera la condensation des images évaporées qui viendront, dans une très belle séquence, se déposer sur les murs de ce qui fut une salle de cinéma.
Selon l'article 1927 du code civil, je cite : Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. Une obligation juridique est venu se superposer à ce qui fut à l'origine une obligation morale : donner en dépôt, c'est avant tout faire confiance, c'est établir une relation de confiance.
Nous dirons donc que Davy Chou s'est fait le dépositaire des images du cinéma cambodgien et par la même d'une certaine idée du cinéma.

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