Le remplacement d'une orthodoxie par une autre n'est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c'est l'esprit réduit à l'état de gramophone, et cela reste vrai que l'on soit d'accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment.
G. Orwell.

Ce qui marque l'échec de Loin, le dernier roman de Renaud Camus, c'est que l'auteur ne trouve jamais la bonne distance d'avec le monde qui l'entoure. On pourrait même dire que de distance, il n'y en a quasiment jamais.
Or il me semble que le propre du bon roman n'est pas tant de dire le monde, ce que fait Camus, mais plutôt de se situer en deçà ou au delà de la réalité. Trop en dire ou pas assez, ce qui revient au fond au même, afin d'éveiller la perplexité du lecteur, laissant ce dernier avec le sentiment frustrant de l'imminence d'une révélation qui jamais ne viendra.


Un commentaire midrashique à propos du psaume 50, verset 7 ne cesse de me surprendre.

Ecoute mon peuple, je vais parler...
(traduction de la Bible de Jérusalem)

Entends mon peuple, je parle...
(traduction A.Chouraqui)

J'apprends par la même occasion que l'hébreu ancien ne connaissait pas le futur à proprement parler, mais plutôt l'indication d'une action inaccomplie. Bref revenons à notre commentaire :

R. Yohanan dit : écoute mon peuple signifie : écoute les choses dites dans le passé; et je vais parler (je parle) renvoie à ce qui sera dit dans le futur.
Le Midrash Rabba sur Ruth (trad : F. Gandus)

Ainsi la parole divine, au moment même ou elle s'énonce, englobe tous les temps.

Un romancier ne parle jamais au présent.