De retour du salon du livre, endroit particulièrement déprimant (autre expérience déprimante de la semaine la vision de Bienvenue chez les Cht'is), je lis et note ceci qui me réconcilie avec la chose imprimée :

Travaillant ce matin devant la triple fenêtre du salon, j'observe la singulière opération jardinière que les oiseaux, tant fauvettes que moineaux, font subir au buisson d'argousiers de mon petit jardin. Ils picorent et aveuglent les bourgeons naissants de chaque branche ; mais chaque rameau, trop flexible n'offre perchoir qu'à sa base, de sorte que les oiseaux ne peuvent facilement atteindre que les premiers bourgeons, ceux du bas, les plus proches du tronc. Ceux de l'extrémité de chaque tigelle sont par là même préservés ; et c'est précisément vers ceux-ci que se précipite la sève ; de sorte que l'arbuste se détasse et s'étende et s'élargisse le plus possible. Les bourgeons terminaux se développent toujours au dépens des autres, jusqu'à les atrophier complètement. Ils sont pourtant, ces bourgeons sacrifiés, ils eussent été parfaitement capables de développement, eux aussi, mais leurs possibilités restent latentes ; sans la taille qui, protestant contre l'extension excessive de l'arbuste, rabat vers eux la vie ; mais c'est alors en sacrifiant les bourgeons terminaux.
A. Gide, Journal, 8 janvier 1922.