Dans l'attente d'un petit travail qui n'a rien à voir avec le sujet évoqué mais qui me prend plus de temps que prévu, je publie ma correspondance.

Pour en revenir à notre discussion de pochtrons, vu que j'ai un peu cuvé et que j'y vois désormais plus clair, je dirais que pour le cinéma, l'œuvre s'incarne dans l'interprétation (le film qui est sur la pellicule donne à voir l'idée du film). C'est ce qui en fait la limite — mais pas nécessairement la faiblesse ou le caractère « mineur ». C'est cette intrication essentielle qui fait la particularité du cinéma, par rapport à la musique.
Bises.
S/S

Au fond tu es un platonicien. Le cinéma serait de l'ordre du sensible alors que la musique elle serait de l'ordre de l'intelligible. Ce n'est pas faux, mais alors le cinéphile serait celui qui, à la sortie de la salle, ferait le chemin vers l'idée du film.
Bises.
P/Z

Bien vu, papy !
S/S

Faut-il encore qu'il y ait une idée, que cette idée s'incarne dans des personnages, qu'elle soit rendue présente par ce que l'on nomme mise en scène.
Vu le dernier film des frères Coen : Burn after reading.
Les Coen mettent en place une mécanique, ils semblent qu'ils couchent tous ensemble dira l'un des agents de la CIA, mais cette mécanique tourne à vide, et le film trouvera sa conclusion non par la résolution des conflits mais faute de combustible.
Hitchcock disait qu'il fallait jouer avec les spectateurs comme on joue du piano. Cette manipulation avait pour but d'introduire chez le public un sentiment d'inconfort et de malaise, d'installer du jeu, dans tous les sens du terme, entre le film et le spectateur sans jamais que ce dernier ne se sente supérieur aux personnages qui lui sont montrés. Les Coen utilisent l'ironie à des fins de connivence, créant une sorte de pacte préalable entre eux et le public, pacte qui nous invite à condamner l'idiotie du monde (c'est l'expression employée par l'un des protagonistes). Le film ne peut alors se dérouler qu'à l'extérieur de notre regard, simple théâtre de pantins dans lequel nous ne trouvons rien à quoi nous raccrocher. Ce faisant, à malin malin et demi, ils ne font qu'ajouter de l'idiotie à l'idiotie.
Burn after reading ou le cinéma de boulevard.