Samedi.
Avant de jouer le guide touristique pour un couple d'américains rencontré par hasard, déniché d'occasion pour quelques euros Messe basse (carnets 1990-1992) d'André Blanchard. Blanchard qui publie, avec une bonne fortune critique, ses carnets intimes depuis 1989 peut-être considéré comme une sorte de contrebandier ou comme ce que les américains appellent un maverick : animal à l'écart du troupeau et non marqué. Messe basse tourne pour beaucoup (trop peut-être) autour des tergiversations de l'auteur quant à la publication du recueil De littérature et d’eau fraîche (1988-1989) : le goût de la clandestinité contrarié par la nécessité pour un écrivain d'être publié - Cette façon de ne pas savoir ce que je veux, m'éreinte - et ne parlons pas de savoir ce que je vaux... Je ne suis jamais d'accord avec le parti auquel je me range après d'épiques séances de danse d'un pied sur l'autre.
Mais arrivons en aux faits. Page 237, après que l'auteur a précisé que sa mère considérait la littérature comme une façon de péter plus haut que ses fesses, un précédent lecteur a pris la peine d'annoter dans la marge le livre dans les termes suivants : Que son cul ! C'est tout lui le cul entre deux chaises, deux styles, deux projets et même plus de deux. Ca a son charme mais ça fait aussi une oeuvre décevante. C'est ici que mon imagination s'est mise à voguer. Ce lecteur, était-ce faute places ou par besoin d'argent, avait, malgré son charme, finalement revendu le livre à Gibert jaune. Je me le représentais parcourant sa bibliothèque, passant en revue les ouvrages qui la composaient, feuilletant le Blanchard et au bout du compte se décidant : et dire que j'ai passé trois heures de ma vie avec un type qui n'était pas mon genre. Rien que pour cela je garderai cet exemplaire.
Blanchard voue une grande admiration à Léautaud et le propre des bons livres étant de vous inciter à en lire d'autres (j'ai ainsi une grande envie d'aller voir du coté de Christian Guillet auteur qui m'est totalement inconnu et dont il est dit le plus grand bien dans Messe basse) je me suis replongé dans le Journal Littéraire dont j'extrais, à la façon d'un chercheur d'or, ce magnifique poème-liste (encore que je ne sois pas certain qu'il corresponde aux canons du genre).

Mort de Fanny, soeur de ma mère.
Mort de Firmin Léautaud.
Mort de Marcel Schwob.
Mort de Charles-Louis Philippe.
Mort de Coppée.
Mort de Van Bever.
Mort du Bailli.
Mort de Valette.
Mort du Fléau.
Puissé-je en écrire pas mal d'autres.
Il y manque la mienne à mon grand regret.
Léautaud, Journal Littéraire, 27 octobre 1950.