Où notre héros se conforte dans l'idée qu'il ne faut pas confondre culture et écume des jours.

Dans la recherche des vérités moins importantes, pour les découvrir plus sûrement, je m'écarte rarement des routes battues, et je crains les guides aventureux; je m'en tiens au sentiment commun, sur ce qui est à la portée de la raison; et si dans ce qui est plus élevé, d'un usage moins ordinaire, et où la méditation seule peut atteindre, je ne suis pas la multitude ignorante et grossière, je ne m'éloigne pas du grand nombre des bons esprits qui se sont exercés sur ces matières difficiles. Le nom de novateur me paraît une injure, leur sort m'effraie, comètes terrestres ils brillent, ils attirent les regards, on parle d'eux, et ils disparaissent; la lumière du soleil passe d'âge en âge. Je m'applique donc volontiers à donner un nouveau tour aux vérités reçues, à en chercher de nouvelles preuves, à les mettre dans un jour plus évidents.
René Joseph de Tournemine (Père jésuite, 1661-1739) - Lettre à Voltaire.

Où notre héros trouve la réponse à ses questions dans une nouvelle d'Henry James.

Je n'écrirais pas à Clément Rosset. J'ai réfléchi quelque temps, écrire ou pas, lui poser directement la question, puis j'ai finalement trouvé la réponse dans une nouvelle de James - Le Coin plaisant.
Spencer Brydon est américain. Il a quitté New-York pour l'Europe à l'âge vingt-trois ans ; trente-trois ans après il est de retour en Amérique. Que se serait-il passé s'il était resté à New-York ? Si au lieu de mener une existence d'esthète en contact avec les arts et la civilisation européenne il avait vécu dans le pragmatisme et la vulgarité de son pays d'origine. Ce problème obsède Brydon qui pense en avoir trouvé la solution en effectuant des visites nocturnes dans la vieille maison familiale. Il est en effet persuadé que vit dans cette maison le fantôme de qu'il aurait pu être, un autre lui-même, un double possible. Le rencontrer, telle est l'idée fixe de Brydon.
Au cours d'une de ses visites nocturnes, il remarque qu'une porte avait été fermée ultérieurement, c'est à dire qu'à son précédent passage (quelques minutes auparavant), elle était à coup sûr ouverte. Il est donc certain que l'autre est là, derrière cette porte : l'ouvrirait-il d'une poussée, oui ou non ? Il débat cette question ; quand après un certain temps dont il ne peut prendre la mesure, il constate que la situation s'est retournée.
Elle s'était muée en une exhortation nouvelle : un suprême avertissement quant à la valeur de la Discrétion (...). La discrétion , il sauta sur cette pensée. Non point en vérité, et à ce stade, parce qu'elle sauvait ses nerfs ou sa peau, mais parce que, plus valablement, elle sauvait la situation.
Tout est dans les livres.

Où notre héros retrouve une lettre de Tolstoï qui le met en joie.

En 1876, Tolstoï dans une lettre à son ami Nikolai Strakhov explique la pratique de son art : La mise en réseau d'idées qui si elles étaient exprimées séparément par des mots, ou retirées du maillage, s'appauvriraient ou perdraient de leur sens. Le réseau lui-même n'est pas constitué d'idées mais de quelque chose d'autre dont il est impossible d'exprimer directement la substance à travers les mots. Toute description ne peut se faire qu'indirectement en décrivant des personnages, des actes et des situations. Comment renouer les fils si on a perdu l'art du tricot ?

Où notre héros hume une fois de plus l'air du temps.

J'ai vu à la télévision la fin d'une émission consacrée à la décoration. Le principe en est simple. Un couple, en l'occurence ici un couple de gentils homosexuels, demande à une équipe de redécorer son appartement. L'un des deux partenaires s'éclipse pendant les travaux, l'autre y participe ; le premier revient lorsque tout est terminé et prend alors un air ahuri et surpris. Suit une séquence reposant sur le principe dit de "Bernard Darniche" : avant/après. C'est cette séquence que j'ai vue. Nos deux protagonistes possédaient quelques livres dans leur salon et leur chambre à coucher. Que croyez vous qu'il advint après le passage de l'équipe télévisuelle ? Les livres avaient disparu.

Où notre héros qui n'a pas vu les temples d'Ankhor accepte de jouer du tam-tam.

Je n'ai jamais vu les temples d'Ankhor et le regrette. Mon ami Guillaume ne les a pas vus et semble ne pas le regretter. Il a par contre ramené ceci. Mon ami Guillaume dit ne pas aimer la culture, encore faudrait-il savoir ce que l'on met derrière ce mot. Je n'ai pas vu ce film (d'après la bande annonce on peut cependant dire qu'il y a là un souci évident du cadre) aussi me permettrais-je un seul commentaire : s'il existe une culture de droite, on pourrait dire que c'est avant tout celle des causes perdues.