Maria Schneider - Maigret en meublé (2004).

...ils attendaient de vivre, ils attendaient l'argent.
Georges Perec - Les Choses.

De retour de vacances, au petit matin j'écoute une émission radiophonique consacrée à la cinéphilie. Quelques lieux communs (je n'aurai pas le courage d'écouter l'émission dans son entier) et l'un des interlocuteurs qui déplore qu'un Antonioni ne pourrait aujourd'hui trouver à financer ses films, alors que dans les années soixante et soixante-dix ces derniers étaient de relatifs succès commerciaux. Times are changing. Mais il est vrai comme nous le précise - sans rire - le journal Libération du 20 août, à propos d'un jeune trader : Christophe Edlinger est loin d’être inculte : il a lu tout James Ellroy... On ne va quand même pas lui en demander plus.

La Fille coupée en deux de Chabrol, ça se voudrait du Mirbeau (celui des Affaires sont les affaires) qui ferait des variations autour de Pierre Louÿs (celui de La Femme et le pantin). A la différence près que Mirbeau en créant le personnage de Lechat crée un héros quasi shakespearien, un type universel et par la même intemporel. Alors que le film de Chabrol baigne dans une sorte de sociologie, mais une sociologie complètement datée. Il serait temps que Chabrol apprenne que les boites à partouze ne sont plus l'apanage des notables de province, que le cap d'Agde est plutôt fréquenté par les employés de bureau, que l'industrie pharmaceutique est entre les mains de consortiums financiers et que les traders ont lu tout James Ellroy. Chabrol reste toutefois un maître dans l'art de créer de l'instabilité à l'intérieur de ses séquences ; mais là où le film échoue c'est que cette instabilité qui devrait, par contraste, reposer sur une certaine vérité afin de mieux la miner, s'appuie justement ici sur une représentation qui se voudrait exacte mais qui est de fait complètement (et involontairement) fausse. Le film tourne à vide. A noter que le seul personnage porteur de mystère - le jeune factotum ami de Benoit Magimel - disparait sans aucune explication et qu'à compter de cette disparition (en gros la dernière demi-heure) la mise en scène est inexistante et le film franchement mauvais.

On ne le dira jamais assez, mais le cinéma est un art de la vérité, tout au moins, et en dernière instance, celle des corps. Et cette vérité, il nous semble avoir vu sa beauté, celle de Maria Schneider au regard triste et fatigué, au corps meurtri (elle joue le rôle d'une infirme) dans un modeste téléfilm tiré d'un roman de Simenon.