Alors que nous discutions des mérites comparés de deux candidats à l'élection présidentielle, candidats pour lesquels ni elle, ni moi n'allions voter, une jeune femme à chapeau, qui se trouvait donc chapeautée, me déclara tout de go que j'avais le goût du paradoxe. Je fus surpris parce que le goût du paradoxe je ne croyais pas l'avoir, je croyais même ne l'avoir jamais eu. Plus jeune, par exemple, j'avais été fort agacé par ouvrage sur John Ford qui en faisait un cinéaste de gauche proto-marxiste alors que Ford m'apparaissait, et m'apparaît toujours comme un cinéaste de droite, un type bien qui n'avait pas besoin d'être racheté, ni sanctifié, et avant tout comme un immense metteur en scène. Bref, s'il me fallait revendiquer quelque chose ce serait plutôt ce qu'il me faut nommer le goût du bon sens : partir de A pour arriver à B en respectant le principe de non-contradiction. Un autre exemple. Samedi dernier, j'écoutai un animateur radio s'étonner, voire même s'indigner que le rôle d'Aziz, dans la production par la Comédie-Française d'une pièce de Koltés, ne soit pas tenu par un acteur maghrébin et ce au nom de la diversité et papati et papata... J'avoue ne pas avoir compris. Car il y a fort à parier que le même animateur aurait pousser des cris d'orfraie si l'on avait exprimé des réticences quant à voir le rôle d'Orgon, dans Le Tartuffe, joué par un acteur noir ce qui fut d'ailleurs le cas en 2005 à la même Comédie-Française. Si on admet qu'un acteur noir puisse jouer un bourgeois parisien du 17ème siècle, il me semble difficile de ne pas admettre qu'un acteur blanc puisse jouer un jeune arabe. Question de cohérence. Pour ma part, outre le fait que je ne connais pas grand chose au théatre, il me semble que c'est un art de convention, et pour ce cas particulier, je me souviens avoir vu un Hamlet monté par Peter Brook avec un acteur noir dans le rôle du prince danois et, compte tenu de la qualité du jeune homme et du spectacle, n'avoir point été "dérangé". Ce que j'aurais voulu dire à mon amie à chapeau, mais notre conversation tourna court, j'avais un train à prendre, c'est que ce dont j'avais profondément le souci c'était ça : la cohérence. Une prochaine fois j'expliquerais pourquoi étant contre ce qu'il est convenu d'appeler le mariage homosexuel, je suis plutôt favorable à l'adoption mais il paraît que je suis le seul.