A N*** que je fis rire.

Nous revenions de déjeuner S***, N*** et moi lorsque j'aperçus apposée sur une colonne Morris une affiche annonçant un spectacle-hommage à Joe Dassin. Je déclarai tout de go que j'aimais bien ce chanteur, même s'il me faut préciser ici que je n'aime que certaines de ses chansons et plus particulièrement l'une d'entre elles intitulée Salut les amoureux (On s'est aimé comme on se quitte /Tout simplement sans penser à demain /A demain qui vient toujours un peu trop vite/Aux adieux qui quelque fois se passent un peu trop bien). Mon ami S*** déclara que le monde de la chanson lui était totalement étranger, qu'il y avait là un prosaïsme auquel il n'était pas sensible. Je lui rétorquai, et N*** fut d'accord avec moi, qu'il me semblait que, justement, la chansonnette traduisait la vérité d'une situation (amour déçu, rupture, temps qui passe...) et que ce que l'on pouvait qualifier d'idiotie n'était que le reflet du caractère idiot des situations mêmes. S*** ne fut pas convaincu.
Mais il est vrai qu'il n'y a pas que la chanson, il y a aussi les mots, les mots dits.
Cette interviouve de Céline est bien sûr très connue - elle a fait l'objet d'une transcription dans l'édition des oeuvres complètes au Club de l'Honnête Homme - mais ce n'est pas une raison pour ne pas y revenir, comme on revient à la version d'Embraceable You par le quintet de Charlie Parker, au Lullaby Of Birdland chantée par Sarah Vaughan, ou au Voodoo Chile d'Hendrix.
Et puis c'est dimanche.

L.-F.C. : Et nous avions dans le Passage Choiseul trois cent soixante becs de gaz qui marchaient jour et nuit. Et nous avions les petis chiens qui venaient faire leurs besoins. Et puis nous avions des chansons, chose assez curieuse. On peut dire que j'ai assisté à la fin des chansons. Au début, avant la guerre -de 14-, chaque fois qu'il entrait un arpète ou une midinette (comme elle s'appelait) au début du passage, elle commençait à chanter. Elle chantait pendant toute... le passage, toute sa durée de traversée du passage. Et puis, après 14, on n'a plus chanté dans le passage. C'est un signe des temps. C'est tout ce qu'on avait comme distraction, c'est la chanson des petits apprentis. Et puis des midinettes.

On n'en sortait pas.
Et puis les mots, il fallait savoir les relancer, avoir l'intelligence de remettre la petite musique en branle.

P.D. : Très souvent dans votre livre, vous rappelez au lecteur que vous êtes né Passage Choiseul. C'est le mot « raffinement » qui me fait penser à cela.

Du grand art, mais un art perdu.

Hier, j'ai commencé la lecture des Mémoires de La Rochefoucauld.
A propos des relations de Richelieu avec Anne d'Autriche on peut lire que la passion qu'il avait eue depuis longtemps pour la Reine s'était convertie en dépit : elle avait de l'aversion pour lui (...). L'homme est jaloux. Aussi, à la mort du Duc de Buckingham (il fut assassiné) pour qui la reine aurait éprouvé une vive passion :

Le Cardinal triompha inhumainement de cette mort ; il dit des choses piquantes de la douleur de la Reine, et il recommença d'espérer.

- C'est beau non ? (il nous faut savoir écouter les écrivains).
- A pleurer.