Prise de bec.
Aux Inrockuptibles, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on n'aime pas Je vous trouve très beau, le film d'Isabelle Mergault. Jean-Baptiste Morain critique démolit assez méchamment le film; c'est son droit. Il me faut tout de suite préciser que je n'ai pas vu ce film, et que les extraits vus ici ou là donnent la fâcheuse impression d'avoir à faire avec la énième rediffusion d'un épisode de Louis la brocante. C'est dire. Là où les choses se corsent (chef-lieu Ajaccio ! - des réminiscences de San-Antonio...) et font plus que m'irriter c'est qu'à la fin de son articulet, Jean-Baptiste Morain critique épouve le besoin de conclure par (je cite de mémoire) : C'est simple, ça cartonne. La droite peut être optimiste.
Du haut de sa chaire, Jean-Baptiste Morain critique nous délivre la bonne parole, sépare le bon grain de gauche de l'ivraie de droite, il sait. Fort de ses certitudes, Jean-Baptiste Morain critique s'écoute, sa voix enfle. Il ne lui vient pas à l'idée que les meilleurs sermons sont ceux qui prennent l'assemblée à rebrousse poil. Non. Plein de componction, il ferme les yeux, imagine la ferveur de ses ouailles - n'est-il pas dans le droit chemin ? Il lui faut cependant terminer; son stock de signes s'amenuise..Jean-Baptiste Morain critique en arrive presque à oublier son auditoire. Tel le dindon il se gonfle. Plein de lui-même, il est la vérité. Les mots - peu importe qu'ils n'aient aucun sens, seul compte la faculté qu'ils ont de l'emplir - sont là...La droite peut être optimiste...C'est fini. Jean-Baptiste Morain est satisfait. Jean-Baptiste Morain critique a connu sa petite secousse.

Mohican.
L'action se situe pendant la débacle, le roman a été écrit en 1947.
Vincent, qui est le seul cultivateur dans le groupe, essaie de faire comprendre à ce mineur creusotin l'aspect fatal du retour des saisons, de la germination et de la maturité. Chez lui il n'y a plus de chevaux (...), plus de bétail, plus rien, mais quand même il faut qu'il soit là. Après la grêle, l'inondation ou l'incendie, même si tout a péri il faut être là, tâter la terre, flairer les ruines, enfin voir ce qu'il y a à faire et le faire.
Jacques Perret - Le caporal épinglé.

Technique.
Je suis toujours surpris de trouver chez des auteurs, qui sont loin d'être des débutants, des erreurs qui ressortent de la simple technique littéraire.
Dans Le Flagellant de Séville (par ailleurs le meilleur roman de P. Morand) - l'action se déroule en Espagne pendant l'occupation française des années 1808 -1813 - le héros fait la connaissance d'un Anglais qui souhaite assister à une exécution capitale afin de voir fonctionner un garrot. Le héros refuse, l'Anglais ira seul. Peu après don Luis retrouva dans un cabaret de Triana l'Anglais qui exultait. Ce dernier raconte l'éxécution. Il le fait, premièrement dans le style de Morand lui-même (le personnage ne possède donc pas sa propre voix), deuxièmement avec force détails explicatifs utiles au lecteur français de 1951 mais inutiles pour son interlocuteur espagnol. Au bout du compte on ne croit à rien.

Tabula rasa.
A propos de Jaws de Spielberg, j'ai écrit, il y a quelques temps, qu'il me semblait que le film était construit autour des trois temps, trois temps impliqués les uns dans les autres, de la ritournelle.
- Créer le territoire pour conjurer le chaos.
- Tracer et habiter le territoire pour maintenir à distance les forces du chaos qui frappent à la porte.
- Sortir du territoire vers un cosmos qui se distingue du chaos.
Il semblerait bien - et Munich semble le confirmer - que la vision de Spielberg soit devenue beaucoup plus tragique puisque ne règne plus que le chaos à l'intérieur et à l'extérieur du territoire. La communion avec le cosmos devient impossible. Tabula rasa. En conséquence le film ne peut que déplaire aux partisans des deux camps - il ne s'agit pas de les renvoyer dos à dos - puisqu'il se situe dans un au-delà de ces deux camps. Ne reste alors qu'une certaine forme de nostalgie mais cette dernière est elle-même minée de l'intérieur. A ce sujet on n'a peut-être pas assez remarqué que le caractère reconstruit du dernier plan faisait écho au caractère artificiel des capitales européennes.
On peut ne pas adhérer à la noirceur de cette vision mais on est obligé de constater avec Slothorp qu'il s'agit là d'une pensée en actes qui se déploie au travers d'une mise en scène. Ce qui est, ma foi, une bonne définition du cinéma.

A part ça.
Un premier foyer de grippe aviaire H5N1 vient d'être découvert dans un élévage de volailles du nord du Nigéria. C'est simple et ça va surement cartonner.