Jonathan Swift (1667-1745)

Drôle d'animal que Swift. Breton lui donne la première place dans son Anthologie de l'humour noir : Tout le désigne, en matière d'humour noir, comme le véritable initiateur. Orwell décrit son itinéraire politique comme suit - Sur le plan politique, Swift fut un des ces hommes qui furent conduits à une sorte de conservatisme pervers (a sort of perverse Toryism) en raison des sottises (the follies) du parti progressiste de l'époque - et finit par le qualifier de Tory Anarchist - Anarchiste Conservateur.
Son point de vue sur l'humanité peut-être résumé par la fameuse lettre de 1725 à Alexander Pope où il écrivait : Je hais et je déteste cet animal qu'on appelle homme encore que je puisse aimer de tout mon coeur John, Peter, Thomas... Il s'était assigné pour tâche de tourmenter (to vex) le monde plutôt que de le divertir en rappelant à l'homme que non seulement il était un être faible et ridicule mais que par dessus tout il puait. Il vécut une relation pour le moins ambigüe avec sa nièce Stella, passa les trois dernières années de son existence dans une apathie complète, et fut toute sa vie obsédé par la merde et la défécation.

Or j'avais remarqué moi-même que les Yahoos étaient les seuls animaux de ce pays à tomber quelquefois malades. Leurs maladies (...) ne viennent jamais des mauvais traitements, mais uniquement de la malpropreté et de la gloutonnerie de ces ignobles bêtes (...) le traitement prescrit consiste à introduire de force dans la gorge du Yahoo un mélange fait de ses excréments et de son urine. J'ai souvent entendu dire que cette médication avait d'excellents effets. Je me permets, dans l'intérêt général, de la recommander à mes compatriotes, comme une admirable formule contre toutes les maladies causées par la réplétion.
Voyages de Gulliver (Trad Jacques Pons).

(A suivre)