Antoine Coypel - Démocrite (1692)

Au chapitre 50 du Livre I des Essais intitulé De Démocrite et Héraclite Montaigne présente les deux philosophes.

Démocrite et Héraclite ont été deux philosophes, desquels le premier, trouvait vaine et ridicule l'humaine condition, ne sortait en public qu'avec un visage moqueur et riant; Héraclite, ayant pitié et compassion de cette même condition nôtre, en portait le visage continuellement attristé, et les yeux chargés de larmes.

Une anecdote tirée d'Hippocrate veut que ce dernier fut appelé par les habitants d'Abdère afin de guérir Démocrite qu'ils prenaient pour un fou. Bien sur Démocrite montrera qu'il n'est pas fou et que c'est tout au contraire les hommes qui manquent de lucidité. Si Démocrite rit c'est que

(...) par manque de discernement, ils (les hommes) sont bouffis d'orgueil et se prennent pour des immortels ou des demi-dieux. Il suffirait pour les rendre sages qu'ils méditent sur la mutabilité du monde qui ne cesse de tourner, rien n'étant constant ni assuré: celui qui est aujourd'hui au plus haut, demain sera en bas; celui qui a passé la journée assis de ce coté sera demain jeté à l'autre bout (...).
Robert Burton - Anatomie de la Mélancolie

On reconnait là un des thèmes cher à Montaigne: Je ne peins pas l'être. Je peins le passage. Ce dont Burton, Montaigne et d'autres veulent rendre compte c'est de l'ondoiement du monde.
Y avait-elle songé la jolie blonde qui arborait sur le bras cet imposant tatouage mahori? Avait-elle songé qu'un jour ses chairs deviendraient molles et que le symbole guerrier partirait en débandade? Il fallait croire que non. Pour elle le temps ne se conjuguait qu'au présent - et il ne fallait point y voir le suprême orgueil mais plutôt la marque de l'infans - sans lendemain.
Fallait-il alors en rire ou en pleurer ?

Ps: Au moment de la rédaction de ce billet j'ai découvert cette fable de La Fontaine: Démocrite et les Abdéritains
Pour faire valoir ce que de droit.