Feuilleté debout pendant une demi-heure Cosmos Incorporated de Maurice Dantec. Je ne connais pas ses journaux et bien que possédant l'ensemble de sa production romanesque, il me faut dire qu'elle m'est toujours tombée des mains. Pour faire rapide, n'en déplaise aux admirateurs, disons que c'est quand même trop mal écrit. Non que le bien écrit doive être l'aune absolue à laquelle la littérature doit être jugée - comme disait Léautaud : Ce n'est pas tout de bien écrire, il faut encore que sous les mots passe une sensibilité, un peu plus loin il parle de tremblant, de négligence, d'une certaine négligence - mais chez Dantec il me semble que l'on est au-delà de cette certaine négligence. Restent les idées. Mais les idées malgré leur éventuelle pertinence font-elles à elles seules la littérature ? Il est d'ailleurs amusant de constater que tout un courant littéraire - les Hussards - fut en son temps classé à droite pour avoir répondu négativement à cette question. Alors que le même Dantec, au nom de ses idées, est aujourd'hui revendiqué (je simplifie) par certains courants de droite comme le grandécrivain. Dantec, avec son coté mauvais garçon, ne serait-il pas tout simplement l'avers de ce que peut représenter un roman comme La Peste, à savoir de la littérature de boy-scout ? Cette disgression devenant trop longue, je continue de feuilleter. Un mot me vient à l'esprit : imbitable.
Debout dans cette grande surface du livre ce mot me pose un problème. Je crois en comprendre le sens mais d'où vient-il ? La conjonction du préfixe im et du suffixe able indique l'incapacité à, non le problème c'est bit. S'agit-il du sexe masculin ? Imbitable serait synomyme de imbaisable. Serait imbitable ce qui ne parvient pas à se faire désirer, qui échapperait à tout désir. Ou alors bit fait-il référence au terme informatique ? Serait imbitable ce qui ne pourrait être ramené au binaire, qui échapperait à la simplification d'une unité élementaire. Je laisse tomber le Dantec et vais vérifier dans Le dictionnaire historique de la langue française. Le mot aurait son origine dans l'argot scolaire et serait construit à partir du verbe biter qui veut dire comprendre, imbitable serait l'équivalent de incompréhensible. La notice n'est pas très précise et ne donne pas d'indication de date quant à une première occurence.
Au fond me dis-je, en sortant du magasin, le mot ne s'applique finalement pas aux ouvrages de Dantec (du moins à ceux que j'ai essayé de lire) qui sont tous des tentatives d'explications, des réponses forcément réductrices alors que la littérature que j'aime ne pose que des questions. Et je songe (pourquoi à celui-ci en particulier ?) à ce livre de Potocki de 1805 - Le manuscrit trouvé à Saragosse avec ses squelettes, ses contrebandiers, ses négresses, ses apparitions, ses histoires gigognes dans lesquelles on se perd, à la quasi-impossibilité qu'il y a d'en établir une édition définitive. Roman de la prolifération qui refuse de se laisser appréhender. Imbitable en quelque sorte.

Tôt ce matin écouté pendant une dizaine de minute une intervention de Pierre Messmer. Je me souviens qu'alors qu'il était premier ministre Le Canard enchainé avait surnommé sa femme Mesméralda. Je ne sais à qui il s'adressait, mais à propos de la Turquie il parla d'une question qui divise notre compagnie. Est-ce à cause de ce ton compassé, à sa qualité de gaulliste mais au mot compagnie j'ai tout de suite pensé au mot compagnon. J'en fus ému. Je n'avais pas entendu Cie, ou C°, le mot s'était donné à moi dans toute son épaisseur.

Curieuse façon des journalistes de dater un évènement en fonction d'un évènement précédent relativement récent. Ainsi peut-on entendre parler des premiers attentats après l'évacuations des colons, ou de la première sortie du président après telle ou telle élection etc...les exemples abondent. Un peu comme si l'histoire commençait indéfiniment la semaine dernière.