Au grand désespoir de l'ami sk†ns (à qui j'emprunte mon titre), il m'arrive de fréquenter les établissements Gibert Jeune, pas Gibert Joseph mais l'autre sise place St Michel où, il y a longtemps, l'on se faisait fourguer de la verveine en lieu et en place des feuilles de chanvre désirées.
L'un des avantages de cette maison, c'est qu'on y trouve - il faut pour cela ne pas entrer dans le magasin, mais continuer son chemin à travers les "beaux livres"(sic) des éditions Taschen et autres albums d'improbables éditeurs italiens ou espagnols aux reproductions décolorées - c'est qu'on y trouve donc des ouvrages pour des sommes allant d'un euro à quatre euros. Il s'agit pour la plupart de romans, français ou étrangers, mis dans les circuits officiels relativement récemment et vendus normalement une vingtaine d'euros. Curieux et funeste destin que celui de ces livres - service de presse, envoi de l'auteur, simple occasion ... - qui à peine imprimés finissent dans les rayons poussiéreux du moloch Gibert. Je précise qu'il ne s'agit pas de ces livres édités à compte d'auteur chez l'Harmattan ou à la Pensée Universelle, mais bel et bien de romans ayant pour auteur des écrivains, des vrais, des personnalités du monde des arts et des lettres : les guillemets sont bien entendu de rigueur. J'avoue également ne pas connaître les critères qui président aux choix du libraire, les livres sont en bon état, et quelque fois disponibles à prix fort à l'intérieur de la boutique. Mystère. Aussi ne fus je pas surpris de tomber sur un roman de Jean Louis Ezine (1,50 euros), critique au Nouvel Observateur, avec une dédicace à l'un de ses confrères. Je feuillette, légèrement amusé, savourant, une fois de plus, cette leçon d'humilité et de vérité sur la nature humaine. Cruelle leçon. Tout ça pour ça...
La leçon aurait pu en rester là, mais le hasard en décida autrement. Car quel ne fût pas mon étonnement, lorsque je dénichais un opuscule signé du dédicataire, et lui même dédicacé. La comédie devenait farce. Mon goût de l'harmonie, voir celui de la circularité, eut été comblé, si l'ultime maillon se trouvait être Ezine ; mais les dieux de la librairie, ou ceux qui président à la lucidité - peut-être sont-ce les mêmes - ne furent pas avec moi ce jour là.
Je dois aussi confesser ne quasiment jamais rien acheté, et pourtant aller régulièrement au sein cette nécropole, non point pour y faire la bonne affaire mais plutôt pour, après m'être noirci les doigts, en repartir, comme cestuy-là, le coeur empli d'usage et de raison.