En commentaire de la note intitulée Sueur, Jean Sebastien écrit ceci :
Je crois que ce qui est posé là c'est la question des enchaînements (de mots, de phrases, de plans) et de ce que cela suggère... Je n'ai pas d'exemple précis en tête, mais il me semble que la question de la subtilité au cinéma est ailleurs; par exemple, la littérature est-elle capable de hors champs? (ce qui pourrait constituer une des subtilités cinématographiques) Et puis je crois que les grands monteurs sont capables de créer une sorte de point aveugle dans la collure entre deux plans, de créer de l'abstraction rien qu'en suggérant que quelque chose d'invisible existe entre deux plans...je ne sais pas si je suis très clair, d'autant que malheureusement aucun exemple ne me viens en tête, mais je suis sûr qu'on a vu ça au moins une fois au cinéma...
Il y a des années de cela, j'assistais, pour la première fois, à une projection du Pickpocket de Bresson, en compagnie de Boris E.
- Chaillot, troisième rang, l'écran qui te bouffe les yeux, les changements de plan qui claquent comme des évidences.
Boris avec qui je m'étais retrouvé là un peu hasard, nous n'étions pas amis, pas même copains, avait l'habitude de parler pendant les projections. Aussi n'ai-je pas été surpris lorsqu'il se pencha vers moi et me dit : tu vas voir...
- La séquence se déroule dans le vaste hall d'une banque. La caméra est placé dans l'axe. En arrière plan, dans la profondeur, on aperçoit une rue, un homme qui ouvre son journal - Changement de plan - Extérieur rue, avec raccord dans l'axe et dans le mouvement sur le journal qui finit de s'ouvrir.
Tu vas voir. J'avais vu. Le déploiement d'un geste. L'éclosion d'un espace.
Ce soir là, j'ai aimé le cinéma.